Initialement publiée dans le numéro 49 de Modzik à l’occasion de la sortie de son premier album.

Comme une évidence, c’est à Pigalle que l’on a rencontré Mykki Blanco, engoncé dans une combinaison blanche à corset rose, pour parler de son premier album, sobrement intitulé Mykki. Une revanche pour celui qui a longtemps pensé à raccrocher le micro.

C’est un album empreint de sensibilité que et de convictions que nous propose Michael Quattlebaum Jr. “Woodkid, chargé de la production aux côtés de Jeremiah Meece, a su apporter la subtilité qui m’aurait fait défaut. C’est vraiment un musicien hors-pair.” Un album aux multiples influences, du hip-hop oldschool à l’éléctropunk moderne, qui colle parfaitement à l’image de son auteur : assumée. “Après avoir annoncé ma séropositivité en 2011, je me suis dit : merde au rap, merde à l’industrie musicale, merde à tout le monde !” Mais Michael, artiste bien plus intelligent que certains l’imaginent, à su dépasser son animosité envers l’industrie musicale qu’il trouvait trop aseptisée pour y distiller un message de tolérance. C’est cette tolérance qui constitue la matière de sa résilience.

Cette sortie, treize titres sous forme de manifeste, laisse penser que le rappeur new-yorkais continue sur sa lancée entreprise il y a un an : “J’aimerais mettre de côté la musique, devenir journaliste d’investigation, entrer dans une école de sociologie ou étudier les gender studies, pouvoir écrire sur l’homosexualité et le mélange des genres dans les endroits reculés du globe.”

Un manifeste donc, à l’image du très bon single High School Never Ends, et de son clip d’une violence utile qui nous plonge dans une Allemagne rurale et homophobe sur fond d’histoire d’amour shakespearienne. “J’avais besoin de montrer, surtout en ce moment, que l’acceptation est l’avenir de notre société, et qu’il faut arrêter de haïr et profaner la liberté d’exister de tous. Le pouvoir devrait être utile au plus grand nombre et chacun, tout comme moi, à le droit d’être qui il est, et surtout qui il a envie d’être.”

C’est le pouvoir dévoyé qu’il dénonce dans Shit Talking Creep, morceau aussi court qu’intense évoquant l’hypocrisie d’un dirigeant russe homophobe laissant se développer une industrie porno gay florissante dans son propre pays.

Mykki Blanco se pose ainsi en artisan d’un contre-pouvoir, celui des grandes batailles sociales, artistiques. Humaines.

Mykki Blanco

Mykki (Dogfood Music/K7)