Poni Hoax a opéré son grand retour en février avec un quatrième album, Tropical Suite. Retour inattendu pour certains qui les pensaient évanouis ; c’était sans compter sur le groupe maudit qui à défaut d’avoir disparu était plutôt en vadrouille dans les faubourgs sombres de São Paulo, de Capetown ou de Pattaya.
Modzik a rencontré Laurent Bardainne et Nicolas Ker, respectivement le fondateur et le chanteur du groupe, non loin de leurs lieux de résidence dans le 19ème.

Modzik : J’ai dénombré quatre années entre ce disque et le précédent, A State of War. Vous l’expliquez comment ?

Poni Hoax : Figure toi qu’on a halluciné quand on s’est rendu compte que tout ce temps était passé. Ça s’explique par la longue tournée pour A State of War, puis une petite pause dans nos projets qui nous a permis de fêter dignement nos 10 ans ! Ensuite il a fallu mettre sur pied la trame du projet Tropical Suite pendant un an, projet qu’il a fallu réaliser, pour enfin l’envoyer en post-prod, qui a pris une année également.

Vous venez d’évoquer A State of War, votre précédent opus, mais il semble qu’une tendance veuille qu’on parle bien plus de son prédécesseur, Images of Sigrid. Vous sauriez l’expliquer ?

C’est parce qu’il est bien meilleur, tout simplement. A State of War on l’a fait dans une souffrance, notamment des problèmes de business, et on l’a donc vite bouclé pour en finir et passer à autre chose. Les morceaux sont biens, c’est pas le problème. On avait une fraîcheur bien plus prononcée quand on a conçu Images of Sigrid.

J’ai lu que beaucoup de morceaux de A State of War ne sont jamais sortis d’ailleurs. J’ai compris qu’il y en avait près d’une trentaine, vous pensez les sortir un jour ?

C’est vrai. Non on ne les sortira pas car, pour t’avouer, on ne sait pas trop sur quel disque dur ils peuvent bien être. Au risque de se répéter on a vraiment expédier cet album, ce n’est pas l’un de nos meilleurs souvenirs.

Revenons à Tropical Suite, il est scindé en trois parties ?

Effectivement, il a été pensé comme une suite en triptyque, qui illustre les trois destinations : Pattaya, Capetown et Sao Paulo. On devait faire Los Angeles mais il fallait qu’on y dégote une date de concert pour être appuyé par l’Institut Français. On a donc découpé l’album en trois parties avec trois morceaux intitulés Tropical Suite, qui reprend le même gimmick mais joué dans le thème de la ville.

Los Angeles aurait collé selon vous ? Les trois villes mentionnées sont plutôt musique du monde, alors que L.A aurait sonné plus… urbain.

Oh oui, il y a un côté très indie, presque Pacifique. On aurait appuyé là-dessus.

Comment vous avez vécu ce changement de lieu régulier dans la conception du disque ? C’était pas pénible de changer de studio, de staff, de climat, de continent et de fuseau horaire, … ?

On est restés une semaine dans chaque lieu, c’était peut être trop court mais ça a installé une dynamique. On avait le thème principal qu’on a donc joué en s’imprégnant de chaque ville, et on rejouait les morceaux dans chaque studio en interchangeant les pistes, comme une guitare enregistrée à Pattaya qu’on a mis sur un des morceaux de la partie Sao Paulo. Ça nous a éviter un disque trop scindé et nous a permis de lier le tout, dans nos têtes et dans le disque.

Poni Hoax est le projet qui chapeaute tous ceux que vous avez chacun de votre côté. Parlez nous un peu de votre manière de concilier le tout.

C’est notre projet principal, on l’a toujours en tête car on le voit comme le grand frère de tous les autres. Parce que c’est le plus vieux, le plus réussi, le plus visible aussi. Celui qui nous fait faire des tournées.

Est-ce qu’on peut parfois parler de “conflit d’intérêt” ? J’entends par là de profiter de la notoriété de Poni Hoax pour appuyer les autres.

On s’est rendu compte que ça n’avait pas de poids, car le projet est indé. Si on vendait des millions de disques avec Poni Hoax c’est certain qu’on le ressentirait dans nos autres projets, mais ce n’est pas le cas. On s’est par contre dit qu’on chercherait toujours à nourrir chaque projet avec les autres, on essaie de faire cohabiter Limousine avec Paris, Paris qui alimente Society of Silence, qui puise dans Poni Hoax. On est loin de faire les connexions que sait faire Damon Albarn entre tous ses projets, mais on pense avoir trouvé un équilibre plutôt sain.

J’aimerais m’entretenir avec vous de votre théorie “Les Tropiques sont l’endroit le plus propice à la vie, mais aussi celui qui concentre le plus de violence.”
Je suis d’accord, mais j’ajouterais que le phénomène tend à se généraliser mondialement.

On y a pensé ce matin ! Quand on a développé cette idée il y a deux ans elle tenait plutôt la route, mais depuis c’est vrai que le phénomène s’étend au monde entier. Pour vulgariser, l’homme est le prédateur ultime, mais au lieu d’en être heureux il devient son propre prédateur. C’est fou.

Je me demandais, par extension, si vous aviez beaucoup d’interaction verbale avec votre public pendant les concerts.

Ouais, notre batteur dit beaucoup de choses, souvent des conneries. On évite d’être “politique” pendant les shows. Même si l’actualité va peut être commencer à nous pousser à le faire. Mais ça reste un peu léger, on fera toujours ça sous couvert de l’humour et de l’idiotie. On a pas vocation à dire pour qui voter par exemple.

Vous ne pensez pas que c’est dans l’essence d’un artiste d’avoir un devoir de parole ?

Non, pas pour nous en tout cas, on se situe plutôt dans le domaine de la poésie. On a jamais vu Léo Ferré demander à voter utile. Pense à Coltrane qui disait que sa musique se suffisait à elle même et permettait aux gens de se sentir mieux dans leurs vies.

En parlant de scène, une tournée se prépare. Nationale, mondiale ?

Nationale c’est sûr, et mondiale on prospecte actuellement mais ça a l’air bien plus difficile qu’il y a dix ans de tourner dans des clubs étrangers. A l’époque ils avaient un budget pour les groupes live puisque c’était la mode des LCD Soundsystem est consorts. On se retrouve sans gros projets à l’international alors qu’on adore ça.

Vous avez une image sulfureuse alors que je suis certain qu’au fond vous êtes tous des gentils garçons. Comment ça se fait que cette image vous colle tant à la peau ?

On aime bien faire la fête premièrement. On est des gentils garçons oui, mais on a un chanteur à qui il arrive mille péripéties : comme se casser une côte en Thaïlande, et se faire entuber par les médecins locaux dans la foulée…

C’est à vous de le canaliser ou il sait se réguler lui même ?

On doit le surveiller ouais. Mais attention, c’est pas du tout un type qui a la guigne, c’est tout le temps de sa faute. C’est ça qui est épatant avec lui.


L’album jouit d’une puissance tant dans l’intention que dans l’instrumentalisation. Le fait d’avoir été enregistré à l’étranger lui confère d’ailleurs un exotisme bienvenu. Laurent Bardainne a tiré les ficelles afin de permettre la construction de cette nouvelle aventure du groupe. Partir, et fabriquer son propre mythe. Fuir le chaos de leurs vies métropolitaines afin d’établir un nouveau cadre de création. Tropical Suite est l’histoire de ce voyage, de cette retraite.

Vous pouvez vous procurer l’album sur le site du label, Pan European Recordings.

Ils étaient au Trabendo le 22 mars pour la release-party officielle de l’album, et seront à Bron le 24 mars, Marseille le 25 mars, Nantes le 30 mars, Montpellier le 6 avril, Merignac le 13 mai et aux Vieilles Charrues le 16 juillet.