En l’espace d’un single sorti en novembre 2015, Sara Hartman et son « Monster Lead Me Home » cumulent déjà plus d’un million d’écoutes sur les différentes plateformes web. Alors que son premier album est déjà dans les starting-block mais ne sortira qu’en fin d’année, nous l’avons rencontrée dans les décors très phalliques de l’Hotel Grand Amour à Paris, à l’aube de la sortie de son premier EP et de son concert parisien au Zenith en première partie d’Ellie Goulding. Entre deux tasses de thé et trois blagues foireuses (mais tellement charmantes), elle s’est longuement livrée sur sa musique, sa nouvelle vie berlinoise, ses peurs, la musique de steak et les chaussures qui brillent.

Salut Sara ! Première fois en France, comment c’est jusque-là ?

Je ne suis jamais tombée amoureuse d’un endroit si rapidement depuis Berlin !

Il n’y a pas beaucoup d’informations sur toi en ligne, tu peux nous parler de ta jeunesse ?

Je viens de Sag Harbor, NY, dans les Hamptons mais je n’ai pas vraiment grandi dans ce milieu là, il y a beaucoup de familles riches pendant l’été et il y a les autres, ceux qui restent là bas toute l’année dont je fais partie. C’est comme une petite ville pendant l’hiver, on forme une étrange petite communauté. J’ai grandi dans cet environnement. J’ai commencé à faire de la musique vers l’âge de 11 ans avec de la batterie et tout le reste. Après je me suis mise à l’écriture parce que j’aime bien faire mes propres trucs. J’arrivais à me faire autant d’argent que mes amis qui vendaient des boules de glace pendant l’été en jouant des reprises acoustiques dans les restaurants, j’ai fait ça pendant plusieurs saisons, petit à petit j’ai joué pour les bonnes personnes et un beau jour j’ai atterri à Berlin.

Tu as joué dans des restaurants pendant un moment, je me demandais, quel genre de trucs tu peux jouer quand quelqu’un est en train d’engloutir un énorme steak en face de toi ?

Ho, je pense que le mieux c’est de faire du deathcore ou du heavy metal, quelque chose comme ça, ou peut-être du smooth jazz, je ne sais pas, ça dépend, comment ils mangent leurs steaks, violemment ou avec un couteau et une fourchette ?

S’ils viennent de familles riches je dirais que ce serait avec des couverts…

Dans ce cas ce serait plutôt clarinette et jazz, je vois très bien la scène, ça ferait quelque chose comme tudidu tudidudidu (chantonne une mélodie jazz). Wow, je viens de te donner une réponse super importante là (rires).

Tu as déménagé à Berlin à seulement 19 ans, ce n’était pas trop effrayant d’arriver sur un nouveau continent toute seule ?

Terrifiant ! C’était vraiment terrifiant mais la terreur et l’excitation s’équilibraient l’un l’autre. Je mentirais si je disais que c’était facile mais je ne regrette pas une seconde. Je pense que c’était l’une des meilleures décisions que j’ai jamais prises.

Berlin est une ville assez radicale mais il y a aussi une grande communauté artistique. Comment est-ce que ça a influencé ta musique ?

Berlin a laissé une trace sur l’album, c’est assez subtile mais ça l’a définitivement influencé. Je pense que si j’avais déménagé à Paris ou n’importe où, ça aurait marqué ma musique et ce que j’écris quand j’y arrive. Tu sais, j’ai fini Just Kids de Patti Smith en atterrissant à Berlin, ça parle beaucoup de New-York à la fin des sixties, début seventies, à l’époque où c’était une ville encore dangereuse qui était au bord de quelque chose. C’était une période très excitante et je pense que Berlin a cette même énergie. Je dis peut-être n’importe quoi, j’y suis une étrangère mais j’ai cette sensation que la ville va de l’avant et est en train de devenir quelque chose d’énorme. J’essaye de capturer un peu de tout ça.

Berlin est aussi connue pour être l’un des meilleurs endroits sur terre pour faire la fête et aller clubber…

Oh yeah !

Ça t’arrive de sortir ?

Je sors de temps en temps, je vais voir de la musique, je ne suis pas si naze ! (rires) En réalité je suis plus du style grand-mère. J’aime bien boire un petit thé et lire un livre avant d’aller me coucher.

Où est-ce que tu trouves ton inspiration ?

Ma dernière grande influence a été le déménagement parce que ça m’a mise au défi d’une manière dont je n’avais jamais été confronté auparavant. Ca m’a poussé dans mes retranchements et sorti de ma zone de confort, mais ça m’a aussi mené quelque part qui m’a permise de grandir. Avoir été capable de capturer tous ces sentiments monumentaux liés à mon changement de vie en petites images musicales, c’est ce que j’adore faire. Je suis quelqu’un de très visuelle dans l’écriture.

Ta rencontre avec le producteur Tobias Khun a été déterminante pour ta carrière, tu peux nous en dire un peu plus sur lui ?

Bien sûr ! Comme je t’en ai déjà parlé tout à l’heure je jouais mes reprises acoustiques dans mon coin pour les restaurants, et de temps en temps j’introduisais quelques compos originales, les gens n’avaient pas l’air de se plaindre, ce qui est toujours bon signe. J’ai pris ces chansons et Toby les a habillées un peu plus. Il est très influencé par le hard-rock des 90’s et se sent très à l’aise dans le chaos. Il a pris mes petites chansons pour en faire des vrais trucs, c’est quelques chose de nouveau et je suis très emballé. Il m’a aussi beaucoup poussée. J’adore travailler avec lui, ça va très vite, c’est l’efficacité allemande. (rires) C’est très intéressant, on se tire tout les deux vers le haut.

Il y a une cover magnifique de « Stranger In a Room » de Jamie XX sur ton EP, pourquoi avoir choisi cette chanson ?

C’est un peu cliché… D’abord, Jamie XX, c’est un dieu. Il arrive à faire tellement avec si peu, c’est brillant. Avec The XX, il y a juste une basse, une guitare, deux voix et des percussions, juste avec ces 5 éléments, ils font quelque chose de magnifique. Pour en revenir à « Stranger In A Room », j’ai entendu cette chanson sur Colors et je l’ai trouvé lyriquement fascinante parce que ça parle du côté sombre de la fête, la solitude. Le peu de fois où je suis sortie à Berlin – parce que oui je sors quand même, je suis une meuf cool (rires) – je me sentais un peu comme une « Stranger In a Room ». Il y a tellement de monde, de lumières, de sueurs et tout le monde est défoncé. Mais en même temps il y a toujours un moment avec une espèce d’épiphanie. Je ne sais pas, je trouve ça intéressant.

Ta première chanson « Monster Lead Me Home » est un énorme succès, comment est-ce que tu l’expliques en sachant que personne ne te connaissait avant ?

Je ne m’y attendais pas du tout, pour être honnête je ne sais pas comment l’expliquer. Je l’ai juste sortie en espérant qu’on allait l’aimer et tout d’un coup les gens se sont mis à réagir ridiculement bien. Les bonnes personnes ont commencé à croire en mon projet, c’était très touchant pour moi. Les choses se passent bien maintenant, je suis très excitée. Encore aujourd’hui, c’est hallucinant pour moi.

Tu viens juste de finir ton premier album, à quoi on peut s’attendre ?

Attends-toi à un documentaire en temps réel de ce que j’ai traversé. C’est le truc le plus terrifiant et le plus excitant que j’ai jamais fait. La première chanson que j’ai écrite « Monster Lead Me Home » raconte le début de tout ça, c’est plutôt cool que ce soit la première à sortir. Ça raconte mon expérience de ce changement de vie. En même temps, j’espère que c’est assez universel comme émotion, tu sais, « grandir, ça craint. » J’espère que ça pourra toucher un maximum de gens qui ressentent la même chose, vous n’êtes pas seuls !

Tu as des invités sur ton album ?

Non, juste moi !

Il y a bien des artistes avec qui tu aurais envie de collaborer.

J’adore Jack Garratt, je l’écoute beaucoup trop ces derniers temps. Ce sera peut-être faisable un jour, qui sait. Sinon, dans mes rêves les plus fous j’aurais adoré faire quelque chose avec des légendes comme Patti Smith, Nina Simone. Juste de les rencontrer ça aurait suffit.

3. SARA HARTMAN _ CREDIT JENNIFER STENGLEIN

Tu fais la première partie d’Ellie Goulding en Europe, comment est-ce que c’est arrivé ?

Je crois que c’est un miracle (rires). Je lui ai envoyé ma musique en me disant que ce serait sympa qu’elle l’écoute, elle était en train de chercher une première partie en Europe. Je me suis dis « ok, on verra bien. » Et non seulement elle l’a écoutée, mais elle m’a demandé d’ouvrir pour elle. J’avais qu’une chanson, je ne suis personne, c’est vraiment un honneur. Les gens réagissent super bien aux concerts, c’est tellement incroyable. Il n’y a pas si longtemps je chantais devant mon miroir avec une brosse à cheveux en imaginant le public, et là il est vraiment devant moi. Je suis en plein rêve.

Tu flippes ?

Oh oui ! Avant le premier show, je n’arrivais pas à réfléchir. C’est l’une des choses que m’a apprise Toby « ne réfléchis pas, juste fonce. » Je crois en mes chansons et le public suit donc ça va, je tiens le coup (rires).

C’est quoi ton rêve ultime ?
Hum, je dirais de pouvoir voler.

Vraiment ?

Yep, on m’a dit que si j’intégrais l’industrie musicale, un jour ou l’autre quelqu’un m’apprendrait à voler… Non c’est pas vrai je me fous de toi (rires). Vraiment mon rêve c’était de pouvoir partager ma musique avec un maximum de gens, c’est en train de devenir réel, c’est très étrange.

Tu as l’impression de rêver ?

Complètement, je suis presque sûre que quelqu’un va venir me pincer et que je vais me réveiller.

2. SARA HARTMAN _ CREDIT JENNIFER STENGLEIN

C’est quoi la prochaine étape ?

Finir la tournée européenne, ensuite je joue à South by Southwest en mars, c’est énorme il ne faut pas que j’y pense. On va tourner un nouveau clip bientôt pour « Are We A Satellite », qui sera sur l’EP – dont les gens devraient être excités comme des fous (rires). Je fais aussi la première partie de Ex Ambassadors en mai aux Etats-Unis, ça me donnera l’opportunité de revenir à la maison, de jouer au Terminal 5 de New-York et d’être sur la scène où j’ai vu jouer tous mes groupes favoris ce qui est vraiment cool. Et j’espère revenir à Paris bien sûr !

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter ?

Je ne vais pas encore faire une blague sur le fait de voler, ce n’était pas si drôle (rires). Je ne sais pas, je prendrais ce qu’on me donne. C’est une question compliquée en fait, il y a tellement de chose qu’on peut me souhaiter. On m’a demandé ce que je ferais si j’avais un génie récemment.

Qu’est-ce que tu as répondu ?

Tout un tas de conneries ! (rires) Je crois que j’avais souhaité que tout le monde porte des chaussures brillantes, voilà c’est ça, vous pouvez me souhaiter d’avoir des chaussures qui brillent (rires).

Sara Hartman
Monster Lead Me Home EP
(Fiction)

Photos : Jennifer Stenglein