Romare, dont l’album Love Songs: Part Two vient de sortir le 11 novembre, s’est intéressé dans cet opus à l’amour. L’amour sous toutes ses formes. Dans un style de sampling bien à lui, à rapprocher d’ailleurs du collage cher à Delia Derbyshire ou Beyond the Wizard’s Sleeve, Romare fait le tour de la question. Qui aimer? Qu’est l’amour? Où mène t-il? Il nous offre un début de réponse dans cette interview.

 

Modzik : Premièrement comment as tu connu Romare Bearden, d’où tu tires ton nom d’artiste ?

Romare : J’ai connu cet artiste peintre à l’université quand j’étudiais l’art, on avait eu un cours sur son oeuvre, j’ai vraiment été touché par son travail de collage. Par un heureux hasard je venais d’acheter mon premier contrôleur MIDI. Je me suis dit que je pouvais reproduire sa technique en l’appliquant à la musique.

romare bearden modzik

Tu as arrêté la peinture ?

Je n’ai jamais peint en fait, j’ai beaucoup dessiné certes, mais ce n’était que l’étude de la peinture.

Parce que je sais que c’est toi qui a fait l’artwork de ton album (photo en couverture de cet article) et je n’ai pas pu m’empêcher de discerner certaines similitudes entre le travail de Romare Bearden et la pochette de l’album.

Il est passé par différentes formes d’expressions mais ma favorite est sa manière de faire ses collages, entre lumière et noirceur, beaucoup de détails. Et surtout une attention toute particulière apportée aux émotions.

Le sampling fait désormais partie intégrante de la production musicale, mais tu sembles vraiment être dans cette obsession du collage, ta musique ne sonne pas comme du sampling conventionnel.

J’aime travailler avec des samples, que je m’efforce de faire sonner comme des instruments plus que comme de la récupération. J’essaie vraiment de faire interagir les éléments, pour y apporter une harmonie et brouiller les pistes. Je ne veux pas seulement faire tourner des samples en boucle comme la plupart des gens le font.

J’ai rencontré Bonobo cette semaine. Il a samplé la voix de Brandy, une chanteuse RnB, sur son nouvel album Migrations et il a fait un peu comme toi, on entend un instrument plutôt qu’une voix en fait. Delia Derbyshire faisait la même chose.

 

D’où viennent la plupart des samples sur ton album ?

De la musique psychédélique et du disco essentiellement. J’étais à Amsterdam avec un ami et il m’a laissé piocher dans une grande sélection de vieux vinyles. Beaucoup de disco italienne, américaine. J’ai pris une cinquantaine de vinyles, sans chercher à faire une sélection particulière. La musique est un trésor infini. Il y a toujours un kick ou un drum à prendre même dans les pires morceaux de disco. C’est très excitant. J’ai donc pioché dans tout ça et en ai sorti le meilleur.

Il y a une influence africaine encore une fois dans ton travail, d’où te vient cette obsession ?

S’il y en a une elle n’est pas volontaire ! Je ne sais pas pourquoi les gens croient que je suis obnubilé par l’Afrique, ça n’est vraiment pas le cas. Peut être à cause de Romare Bearden je ne sais pas. En tout cas, mettons les choses au clair : j’aime toutes les musiques.

Tu ne peux pas nier que la flûte sur le morceau Honey sonne comme la flûte de la version africaine de Damon Albarn du In C de Terry Riley !

J’ai beaucoup travaillé sur des sonorités africaines c’est vrai, mais il y a tellement de continents et d’époques à explorer encore. Ce sera une autre étape. Mon album est tourné vers l’Amérique et l’Europe cette fois-ci, j’ai cherché à moderniser mon son en fait.

 

Quel est ton état d’esprit à propos du fait d’avoir joué beaucoup de vrais instruments pour ton album, bien plus qu’à l’accoutumée ?

Je suis vraiment content, je travaille sur une nouvelle disposition live forcément, tout sera joué avec des vrais instruments. Je serais avec un percussionniste, et il y aura aussi un artiste visuel qui travaille en codage, une sorte de mapping évolué. Ce sera fait d’algorithmes qui interagiront avec le son en temps réel. Je ne m’y connais pas beaucoup en fait, c’est lui l’artiste, mais c’est vraiment beau et intéressant, et je pense qu’il y aura pleins de choses à explorer. Et donc sur l’album je joue effectivement beaucoup d’instruments, notamment le dictaphone de ma grand mère (pour Honey) et la mandoline de mon père (sur My Last Affair).

C’était important pour toi ?

Bien sûr, j’ai toujours joué de la guitare et de la basse, mais c’est gratifiant de d’en mettre dans sa musique, c’est bon de sortir du sampling et de l’électronique. Tu peux invoquer plus d’harmonies.

Quel est ton morceau préféré sur l’album ?

Ooohh, All Night est cool, Je t’aime aussi ! Honey, et New Love. Toutes en fait !

J’ai lu que tu avais passé beaucoup plus de temps qu’à ton habitude dans la programmation, il y a plus d’espace, afin de laisser le temps à tes morceaux de se développer je suppose.

Exactement, j’aime comme Honey fait languir, je trouve que le développement d’un morceau est de plus en plus important de nos jours, il faut prendre son temps. Que ce soit pour soi ou pour les autres.

Est ce pour des raisons personnelles que tu t’intéresses à l’amour ? (il a sorti un EP en 2013, Love Songs: Part One)

C’est le sujet le plus important et le plus large. L’amour et la musique ont toujours été lié, et j’ai donc voulu survoler tout le spectre que l’amour peut dévoiler. J’aimerais continuer à creuser le sujet.

Après un EP et un album, un film ?

Ahaha, oui un film serait la suite logique ! Plus sérieusement, je pense que l’amour gouverne les relations humaines, j’ai voulu lui… rendre hommage.

Est ce que les paroles sont toutes samplées ?

Oui toutes !

Ça me rappelle l’album From the Mind of Lil’ Louis avec ses deux faces Dance/Romance qu’il a sorti en 1989. Il y est question d’amour, de passion, d’adultère. Avec cette fille au téléphone sur un répondeur.

 

Tu joues en DJ set ce soir, ça t’arrive de jouer tes morceaux ?

De plus en plus oui ! Mais seulement les morceaux rythmés et rapides, j’ouvre souvent avec un de mes morceaux plus lents. C’est une habitude que j’ai pris pour tester mes unreleased. J’ai joué All Night, Je t’aime, Who Loves U.


L’album Love Songs: Part. Two de Romare est disponible sur le site de Ninja Tune. Il sera en tournée jusqu’en mars 2017.