Après avoir enflammé la scène de l’Elysée Montmartre le 28 octobre dernier lors de sa première venue parisienne, Hayley Kiyoko vient cette fois d’embraser l’Olympia ! Si Hayley Kiyoko a fait ses premiers pas sur le petit écran (The Fosters, Les experts : Cyber…), mais aussi au cinéma (Scooby-Doo, Lemonade Mouth, Insidious 3…), c’est finalement avec le girlsband The Stunners (aux cotés de Tinashe) qu’elle approche la musique dès 2007. Mais c’est bien en solo que celle que les médias d’Outre-Atlantique ont surnommé la “Lesbian Jesus” s’est illustrée avec plusieurs EPs et bien sûr Expectations, son premier album qu’elle a publié en mars l’an dernier dont sont extraits les singles “Sleepover”, “Feelings” et surtout “Curious”. Dernièrement elle a également démontré ses talents de réalisatrice en signant elle-même ses vidéos dont la dernière en date “What I Need” avec Kehlani en invitée.

En 2013 tu te débrouilles pour produire toi-même (et grâce à tes fans) ton premier EP intitulé A Belle To Remember
Je trouve que le monde de la musique est tellement difficile à intégrer, ne serait-ce que faire écouter ta musique aux gens n’est pas une chose facile. Mais c’est ce que je voulais faire avant tout alors je me suis battue pour ça et mes fans m’ont aidé.

Maintenant souhaiterais-tu refaire du cinéma et de la télévision comme à tes débuts ?
J’aimerais poursuivre les deux en fait. Tout ce qui m’intéresse c’est de rester créative. Maintenant que je commence à me faire connaître dans la musique, je suis hyper excitée. Je n’ai jamais pensé que je deviendrais une actrice mais je me suis toujours considérée comme une musicienne avant tout. Je n’ai jamais pensé que je pourrais passer derrière la caméra et réaliser mes propres vidéos non plus. Par contre j’ai toujours voulu écrire et chanter.

Depuis tes trois premiers EPs entre 2013 et 2016 puis enfin l’album Expectations sorti en mars l’an dernier, qu’attendais-tu au juste?
En fait je ne savais pas trop à quoi m’attendre. L’an dernier, la sortie de cet album m’a fait connaître des vagues d’excitation considérables. Avant tout je voulais publier un disque que je trouvais génial et dont je serais fière. J’ai toujours écrit ma musique depuis mon tout jeune âge. Je me souviens que je m’enregistrais sur un magnéto 4 pistes, que je doublais ensuite pour avoir un rendu 8 pistes. Mais il faut bien commencer quelque part et lorsqu’on est vraiment passionné, rien ne vous arrête !

Pour cet album, il s’agit de morceaux que tu as écrits spécialement ou s’agit-il d’une combinaison d’anciennes et de nouvelles chansons ?
En fait j’ai vraiment conçu l’album tant au niveau du son que je voulais que des chansons pour qu’il rende compte de la fille que je suis devenue. Entre 2013 et 2018 j’ai beaucoup changé. En 2016 j’ai eu une commotion cérébrale et j’ai mis du temps à remettre : pendant des mois je ne pouvais plus me concentrer. A tel point que j’ai connu une dépression. Avant ma musique parlait beaucoup d’acceptation par un groupe et de se sentir aimée mais aujourd’hui je me préoccupe plus de m’apprécier moi-même, ce qui est le premier pas vers l’ouverture vers les autres. Pour l’album j’avais environ une quarantaine de chansons, ensuite il fallait que je vois quelles chansons fonctionnaient bien ensembles, que je comprenne pourquoi j’ en aimais plus telle ou telle afin de m’orienter. Je voulais aussi trouver un équilibre entre les balades et les chansons qui balancent.

Hayley Kiyoko par Asher Ross

Aujourd’hui il y a tellement de producteurs qui travaillent indifféremment pour tout un tas d’artistes que la musique pop sonne souvent pareil, comment es-tu parvenu à trouver ton son à toi ?
Je n’en ai aucune idée (rires!). En fait cela m’a pris 3 Eps afin de parvenir à cela. Pour le premier EP je n’avais aucune idée de ce que j’étais en train de faire. Avec le second j’ai commencé à entrevoir la direction que j’étais en train de prendre. Et c’est avec le 3ème EP que je me suis dit : voilà c’est mon son ! Maintenant je pouvais me lancer dans l’écriture d’un vrai album.  D’ailleurs c’est Jonathan Dorr qui a produit mon troisième EP qui a été le producteur exécutif de mon album avec le concours d’autres producteurs tels que Cecil Bernardy par exemple. En général si la mélodie d’une chanson est bonne, alors la production n’est pas si importante après tout : pour “He’ll Never Love You” nous avons re-produit la chanson pas moins de 4 fois! Le résultat était tellement bien, avec une sorte d’ambiance tropicale que nous avons dû re-produire d’autres titres de l’album dans le même esprit. Trouver mon son s’est avéré être un long périple mais je suis vraiment heureuse du résultat, d’être parvenue à repousser quelques limites en matière de pop music. Avant je me préoccupait trop de la production, maintenant je me concentre sur la mélodie et les paroles.

Tu es en plein tournée : parviens-tu à écrire des chansons en même temps ?
Je ne sais pas comment les autres artistes font ça car pour l’instant moi j’en suis bien incapable. J’ai besoin de me concentrer à 100 % pour créer et en tournée je n’y parviens pas (encore). Mais dès que je serai en retour de ma tournée, je compte bien me remettre à écrire des chansons.

Tu ne sembles avoir aucun filtre avec ta vie privée : ta commotion cérébrale, ta dépression, ton inclination pour les filles..
A partir du moment où j’ai accepté que je ne ferais pas partie de la pop mainstream à cause de mes goûts et de qui je suis, quand je me suis mise à écrire des chansons, mon équipe m’a conseillé d’être directe et vraie, d’écrire sur ce qui me faisait vraiment peur sans penser aux conséquences. Tout a commencé vraiment avec “Girls Like Girls” et la réaction positive du public mais aussi de pas mal de médias qui m’a conforté dans la direction que je prenais. Je me suis aussi rendue compte que je n’avais pas de réel modèle parmi les artistes que j’aimais et je me suis dit que j’aimerais apporter du réconfort et de la confiance en elles aux jeunes filles qui étaient dans la même situation que moi. J’ai voulu partager mes expériences comme la dépression qui me dévorait le cerveau, car je sais que c’est dur de survivre dans ce monde et pourtant peu de gens en parle. J’ai voulu casser les préjugés et montrer qu’il est normal de ressentir certaines émotions parfois : on a le droit de sentir triste, tout en sachant qu’on ira mieux ensuite. A un moment de ma vie, je pensais que je ne serais jamais heureuse, que je ne rencontrerais jamais l’amour, que je ne serais jamais acceptée pour celle que je suis. Et je voulais changer ça pour mes fans et ceux qui écoutent ma musique.

Ta pochette d’album elle-même est assez explicite avec le corps de cette femme nue au premier plan…
Je voulais fille nue sur la couverture mais je ne savais pas comment la montrer sans que ce soit too much. Du coup il nous a fallu pas moins de quatre sessions photos avant d’arriver ce résultat : quelque chose d’évident et suggestif à la fois. Je ne voulais pas de quelque chose de trop sexuel. Au final cette pochette est à la fois un moment d’intimité et une façon pour moi de contempler cette beauté féminine.

Hayley Kiyoko par Asher Moss

Tu as embrassé ton rôle d’icône lesbienne avec courage, un rôle pas si facile dans l’Amérique de Trump d’aujourd’hui…
C’est vrai que le monde est devenu fou ! Je ne veux pas trop me mêler de politique pour l’instant mais je souhaite surtout inspirer les gens pour qu’ils osent être eux-mêmes. Et puis tu sais, tu inspires une personne, puis une autre et encore une autre et cela devient un mouvement et une force qu’on ne pourra pas faire taire. Le courage dont tu parles, je souhaites le transmettre à d’autres également et qu’il se disent : si elle peut le faire, alors je peux le faire moi aussi. Je veux inspirer le public et leur donner l’espoir qu’on peut changer les choses chacun à notre niveau, dans nos vies. C’est un processus long et cela ne va changer du jour au lendemain mais je ne suis pas prêt de m’arrêter. Je sais que je ne peux pas changer le monde mais tous ensemble on peut.

Depuis 2015 et la vidéo de “Girls Like Girls”, tu réalises ou co-réalises tes vidéos !
Je suis une personne très visuelle. Quand j’écris mes chansons, j’envisage immédiatement l’histoire que je veux raconter dans la vidéo. En fait, n’ayant les budgets pour engager les réalisateurs avec lesquels je souhaiterais travailler, je préfère réaliser mes propres vidéos. Je dois cela notamment à Austin S. Winchell qui m’a fait confiance pour co-réaliser “Girls Like Girls” abec lui : cela m’a permit de me mettre le pied à l’étrier. Depuis j’ai réalisé toutes mes vidéos seules à l’exception de “Curious” que j’ai co-réalisé l’an dernier avec James Larese (Eminem, Royce Da 5’9, 5 Seconds of Summer…). J’adore tout dans la réalisation, la casting, partir en repérage, etc… Mais pour moi réaliser, c’est trouver des solutions aux problèmes et je ne blague pas, c’est vraiment cela. Car sur un tournage, les problèmes surviennent les uns après les autres sans crier gare!

Qui sont tes influences musicales aujourd’hui ?
Emily Haines du groupe Metric, Arcade Fire, Coldplay, Stevie Wonder…. Si tu prends le coté émotionnel de Coldplay, l’univers d’Arcade Fire, Metric pour les mélodies et Stevie Wonder pour le coté “Feel good” alors tu as une bonne idée de mon univers et des inspirations musicales.

Quand tu songes à ton prochain album, quel artiste aimerais-tu inviter ?
J’adorerais collaborer avec Post Malone, j’aime sa vibe ! Mais il faut qu’on s’entende bien avant tout. Je ne peux pas travailler avec des artistes avec lesquels le courant ne passe pas, juste pour un deal de maison de disque.

La relation que tu entretiens avec ton public lorsque tu es sur scène est impressionnante !
Oui je sais que je parle beaucoup ! Mais c’est un tel plaisir de pouvoir communiquer et échanger de manière directe avec mes fans ! Je voulais vraiment que cette tournée me permette de créer un moment d’intimité avec le public, même s’il s’agit d’une grande salle. Cela ne fait pas si longtemps que je me produis en live alors je veux profiter de ces moments d’exception à 100%. Par exemple je ne pensais pas faire une tournée européenne et me voilà un soir à Berlin, le lendemain à Manchester, à Cologne ou à Zurich ! J’ai même fait deux shows à Paris en quelques mois ! C’est carrément génial ! Et même si je suis heureuse rentrer chez moi bientôt, je suis déjà triste à l’idée que la tournée se termine début mars!

Et non seulement tu chantes mais tu danses aussi !
Je suis comme ça : j’aime chanter, j’aime danser (et j’aime parler aussi!) donc c’est normal que sur scène je donne le maximum et que je sois à 100% moi-même.