L’aura envoutante de Dorian Pimpernel est de retour. Après un premier essai “Holandia” en 2006 et un 45-t, “Teorema”, l’an passé, le quintet parisien présente leur tout nouveau bijou, “Allombon”. Véritable magiciens de la pop française, le groupe “remet en marche la machine à songes” avec une pop indéfiniment psychédélique.

Qui est Dorian Pimpernel?

Johan Girard : Dorian Pimpernel pourrait être une personne, mais ce sont aussi cinq musiciens, ou peut-être une fleur, le mouron, qui écrirait des chansons en mode dorien. Une fleur qui aurait poussé sur le macadam parisien, au milieu des années 2000.

Pourquoi avoir choisi ce nom?

JG: Parce que le Bureau d’Attribution Nominative des Groupes de Musiques Pop, Rock et Assimilées n’en avait pas d’autres en stock.
Jérémie Orsel : Ce n’est pas faute d’avoir déposé plusieurs recours.

Vous entretenez une sorte de mystère autour de votre groupe et votre musique. Pourquoi?

JG: Parce que nous sommes encore trop timides pour porter le cheveu long peroxydé et nous déplacer avec une armée de groupies.
JO: Mais nous nous soignons depuis peu en répondant à des interviews et en nous produisant régulièrement sur scène.

 

Votre musique est très poétique, gracile. Vos mélodies sont rêveuses et très psychédélique. Il suffirait de fermer les yeux pour partir loin. Un peu à la Alice aux pays des merveilles. Quel est le message de cet album? A qui s’adresse-t-il?

JG: Il s’adresse à tous, de sept à soixante-dix-sept ans. Effectivement, notre musique n’est pas sans lien avec le rêve, autant comme moyen (esthétique) de rupture avec la réalité prosaïque que comme moyen (politique) de la contester. Il n’y a pas réellement de message, mais quelques thèmes récurrents dans notre album : les illusions perdues, les espérances déçues, les chemins qui ne mènent nulle part.
JO: Une autre intention affirmée est, tout en restant sur un canevas pop, de limiter autant que possible toute forme d’emphase dans l’interprétation. Pas d’élément « vedette » qui tirerait sur la corde sensible jusqu’à occulter le reste. Les arrangements, les harmonies prennent ainsi toute leur importance. Ils dépassent la simple fonction d’accompagnement qu’ils pourraient avoir dans le cadre d’une démarche plus « chanson », ou rock.

Vous utilisez énormément d’instruments qui traduisent une multitude d’univers. Comment écrivez-vous vos chansons, les arrangements?

JG: Nos chansons peuvent être écrites de manière « classique », au piano, avec des progressions d’accords et des mélodies. Elles peuvent également naître d’une séquence synthétique élaborée au hasard, en tâtonnant, comme c’est le cas sur TheMechanical Eardrum ou Alephant. Parfois il s’agit de collages, prenant pour base des bouts de morceaux rangés dans les cartons virtuels de mon ordinateur, comme sur Coodooce Melopoia. Les morceaux sont exclusivement écrits aux claviers, parce que nous ne sommes pas vraiment un groupe « à guitares », et que nous avons accumulé une sacrée pile de synthétiseurs plus ou moins anciens, de samplers et de bizarreries électroniques en tous genres. Je compose et écris les paroles des morceaux, et nous nous partageons un peu plus le gâteau pour les arrangements. Nous avons aussi la volonté de ne pas sonner trop naturaliste : les « cuivres » sont produits par un vieux synthétiseur dans lequel il faut souffler (le Variophon), et les « violons » sont des samples un peu sales, joués au clavier.

Quelles ont été vos inspirations pour cet album?

JG: De nombreuses inspirations littéraires, de Martin Heidegger à Kōbō Abe, des mythes eskimoà Isaac Bashevis Singer. Des musiques de films, des banques d’illustration sonore, une collection de disques de krautrock. Des films, des paysages, des peintures.

 

Vous avez un rapport très étroit avec le cinéma, je crois. Pouvez-vous nous l’expliquer? Vos influences?

JG: Trois des membres du groupe – Laurent, Benjamin et moi-même – se sont rencontrés sur le tournage de Mods, de Serge Bozon, un film formellement pop, conçu comme un 45 tours. Parmi les cinéastes qui m’ont le plus marqué, et pour des raisons bien différentes, je citerai, en vrac, Pasolini, Buñuel, Cassavettes, Rozier, Rohmer et les films des années 1970 de Philippe Garrel.

Vous rêveriez d’écrire la BO d’un film? 

JG: Nous rêvons tous de composer une bande originale de film. C’est un exercice particulier, et diablement excitant : tenter de mettre des images en sons, décliner un même thème selon des perspectives changeantes.
JO: Ce serait très amusant. Nous pouvons tout de même formuler le vœu pieux, si cela se présente, d’avoir au moins quelques affinités avec le projet proposé. Mais nous ne ferons probablement pas la fine bouche et d’ailleurs, au pire, les exemples ne manquent pas de bandes originales superbes pour des films qui le sont moins.

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La mode pour vous, c’est…?

JG: Moins important que le style, mais lorsque les deux se conjuguent, c’est gagnant-gagnant.
JO: Un environnement de travail, plus épanouissant que, au hasard, les assurances ou les organismes de crédit.

En terme d’esthétique et de mode, quelle personne vous inspire?

JG: Serge Gainsbourg (période blue jeans Repetto blanches), Sun Ra et Louis Hardin, alias Moondog.
Laurent Talon : Charles Baudelaire.

La prochaine étape?

JG: Conquérir le monde, notamment en utilisant de très petits objets contondants cachés dans nos semelles de chaussures.
JO: Notre disque sort à peine et nous y avons justement multiplié les couches sonores dans le but secret de distraire l’auditeur assez longtemps pour nous permettre de réfléchir à la suite tranquillement.