Sam Sheperd est un neuro-scientifique anglais de 30 ans. Mises à part les suppositions brumeuses quant aux activités de la profession, l’information n’a pas réellement d’intérêt. Mais voilà, loin de se satisfaire de l’exploration des mécanismes et des propriétés du cerveau humain, Sam s’y introduit depuis 2008 d’une toute autre manière : en y inoculant une musique mentale sous son alias Floating Points.

Le jeune britannique, abreuvé de sonorités en tout genre depuis son plus jeune âge, possède une collection personnelle de plus de 10 000 vinyles qu’il a patiemment confectionnée avec toute la tendresse et la minutie qui sied à un homme autant épris du quatrième art.
Elaenia, son premier album studio sorti en 2015, avait, au choix, extrêmement déçu ou absolument enthousiasmé. Il était selon certains moins taillé pour le club, délaissant les boucles rythmiques pour de longues nappes aériennes et une chronologie époustouflante. C’est dans la lignée de cet album que le scientartiste a sorti il y a de cela trois jours Kuiper, un EP deux titres comme peu d’autres, les deux pistes affichant des longueurs respectives de 18 et 14 minutes. Le morceau titre, accompagné d’une captation live de Josh Renaut, illustre dans quelle mesure la musique de Floating Points est faite d’algorithmes insaisissables.

 

En outre, For Marmish Part. II, le second morceau aux allures de mantra, confirme la complexité du travail opéré depuis maintenant 8 ans par l’anglais, qui nous propose avec cet EP l’ombre et la lumière, le temps et l’espace.

 

“L’espace et la séparation, ainsi que la manière dont le son d’une pièce peut être un son en soi, sont des choses auxquelles je pense beaucoup” dit Shepherd, décrivant comment il a visualisé l’album en termes d’architecture ; la conception d’espaces à l’intérieur d’espaces. “La fabrication d’un son dans une chanson ressemble à la création d’une pièce, et ensuite le placement de la pièce sur un étage, situant cet étage à l’intérieur d’un bâtiment, bâtiment lui même installé dans une rue.” Le processus continue jusqu’à ce qu’il obtienne finalement un album qui n’existe que dans son propre univers.

Preuve que la musique, et particulièrement l’électronique, doit sa genèse à la science, qu’elle n’est rien sans la science, et qu’elle est une science à part entière. Nombre d’artistes partagent cette double fonction de scientifique et de musicien, deux univers qui n’ont à la fois rien, et tout à partager. Et Floating Points n’y déroge pas. Son oeuvre ne ressemble à aucune autre. Construite sur une base synthétique, quasi synesthésique, elle convie le Jazz et le Rock, s’enrobant de Soul et de musique classique. Une symbiose maîtrisée à l’extrême qui n’a pour seul but que d’annihiler tout repère chez l’audacieux auditeur.

L’EP est disponible en vinyle et en digital depuis le 22 Juillet sur Pluto.

Pour approfondir la notion de dualité entre la science et la musique électronique, l’exposition Electrosound proposée par Jean-Yves Leloup en partenariat avec la Fondation EDF se tient jusqu’au 2 Octobre 2016 à la Fondation, au 6 Rue Récamier, 7ème, Paris.