Des Midlands à la station balnéaire de Southend-on-Sea, la route est  finalement moins longue qu’il n’y paraît. Les ténébreux débuts des The Horrors auraient laissé place à la lumière, avant d’enfanter des petits nouveaux, les Temples par exemple, fraîchement néo-psychés qui se nourrissent des restes de cadavre pour mieux croquer la vie à pleines dents. Se côtoyant sur l’affiche de nombreux festivals, les deux bandes s’agitent comme des diablotins et sont bien loin d’être/de se retrouver enterrés six pieds sous terre.

Si tant est qu’on puisse un jour trouver une véritable origine à toute chose, on dirait que les Temples trouvent tour à tour marque et origines dans les pâturages de Tame Impala et dans les caves de The Horrors. Susdits Horrors qui puisent eux-mêmes leur inspiration musicale au sein d’une culture punk/rock gothique allant du Bauhaus aux Saints. Avec ses airs de chaîne alimentaire infinie, l’orchestration musicale de ces groupes se fait écho, s’enrichissant mutuellement, au risque de s’emmêler les pinceaux et de perdre en identité.

The Horrors se forme aux alentours de 2005 lorsque Faris Badwan, Tom Cowan, et Rhys Webb se réunissent autour de leur intérêt mutuel pour le rock garage, la new wave, et le post-punk. Chacun d’entre eux s’épuise les tympans, mettant la tête la première dans leur activité de Dj. Cette frénésie d’excités exaltés se transformera en vrai projet après que Joshua Hayward et Joe Spurgeon les aient rejoints. Amarrés au Junkclubclub underground créé par Webb et Oliver Abott qu’ils considèrent comme leur QG, leur projet de groupe prend furieusement forme. Si bien qu’en 2007, ils sortent leur premier album studio, vorace et tendancieusement dark, tout de noir vêtus, gothiques à mourir, gueulards et vrombissants de hargne comme sur l’emballée de Count In Five ou le messianique Thunderclaps. Fort heureusement, une fois les démons extirpés, voilà les The Horrors libérés et presque tout éclairés. En 2009, Mirror’s Image et ses accents new wave ouvre la parade de l’album Primary Colours et laisse davantage de place à leurs expérimentations proches d’un son 70’s. Au fur et à mesure qu’ils s’éclaircissent, leur dégaine évolue, leur noirceur capillaire s’atténue. L’orage semble être passé, laissant place à une tempête libertaire. Ainsi, Skying débarque en 2011 doté d’un son plus lissé, presque indé, mais toujours avec une noirceur ambiante. Nageant dans un miroir d’eau opaque qui leur plaît tant, le prochain album prévu pour septembre serait, dit-on, plus pigmenté.

D’un autre côté, les Temples originaires de Kettering sont radiés par le noir des Horrors combiné à des touches fantasques à la Flaming Lips ou au psychédélisme fleuri des Tame Impala. Dès lors, si leur style ébène, androgyne les rapproche indubitablement des The Horrors, leur style musical est bien plus complexe et bigarré. Dans une branche néo-psyché, le son pop n’est pas bien loin et le chanteur donne de sa gueule faussement surannée des 1960’s pour jouer sur les ambiguïtés, multiplier les teintes et les tons. Fraîchement formés, rapidement signés chez le très bon label Heavenly, ils s’empressent de sortir deux mini formats en 2012 et 2013 avec des morceaux qui tapent dans l’œil comme Shelter Song ou Colours To Life. Petits innovants du moment, Noel Gallagher verraient en eux des « sauveurs de la galaxie », et nous verrions en eux des sauveurs de notre psychisme qu’ils ballaient d’une joie lancinante et d’époque. D’époque tel le matériel massivement (parfois trop ?) utilisé par les garçons, leur donnant ce son si particulier et agréablement vieilli. Que ce soit au Midi Festival le week-end prochain ou au Y Not Festival, le combo vaut certainement le détour pour puiser ici et là ce qu’on attend du son « psyché ».