C’est en direct de tel aviv, nouvel eldorado culturel depuis quelques années, que nous arrive le duo électro-pop The Young Professionals (tyP), emmené par Uvri Lider et Johnny Goldstein. Un projet musical, résolument moderne, qui traite de la vie d’aujourd’hui avec un regard tout particulier, à la manière d’un combo Pet shop Boys version 2.0.

Tel Aviv est une ville qui vibre, bouillonne et se transforme. Mais elle vit un pied dans le passé et une culture forte et présente, tandis que son regard est définitivement tourné vers l’Occident. Ivri et Johnny ont choisi de nous emmener dans le Tel Aviv qui bouge, comme le Deli Bar ou le nouveau Museum de Tel Aviv – qui est d’une étonnante modernité jusqu’à dépas- ser nombre de ses homologues des villes européennes – mais aussi dans des lieux chargés de culture et de traditions, comme le Beit-Hair-Tel Aviv (l’ancien hôtel de ville).

Quelle est la genèse de The Young Professionals ?

ivri : On se connaît depuis 4 ans maintenant et on avait chacun une carrière musicale en solo avant de travailler ensemble. Moi, j’ai sorti six albums en Israël, composé des bandes originales de film, réalisé des musiques pour des pièces de théâtre et ballets de danse moderne et produit des albums pour d’autres artistes.

Johnny : J’ai commencé à apparaître en featuring sur des albums de hip- hop israélien dès l’âge de 13 ans. Vers 17-18 ans, je produisais des albums pour d’autres artistes.

ivri : Une chose à savoir, à propos du courage de Johnny, c’est qu’il n’a jamais peur d’essayer. Et comme il a du talent, cela marche ! C’est d’ailleurs lui qui m’a contactée pour travailler ensemble. Il m’a appelée et lancé sans ménagement : « Il faut que l’on travaille ensemble ! ». Il est doté d’une énergie incroyable !

C’est votre premier projet en anglais alors que vous avez une carrière bien établie dans le monde hébreu, c’est un choix ?

ivri : Avec nos projets respectifs, on ne se limitait pas à Israël car la communauté s’étend un peu partout sur le globe, je pense notamment aux Etats-Unis. J’ai déjà voyagé pour mon projet solo en Australie, Argentine, Allemagne. C’est qu’en tant qu’artiste, s’exprimer en hébreu est limité. On voulait créer quelque chose qui ne s’adresserait pas qu’au monde hébreu, mais à tout le monde. Il était donc important de le faire en anglais, d’autant que les thèmes que l’on voulait aborder ici sont complètement actuels et ancrés dans la vie quotidienne de tout un chacun.

Vous êtes un groupe israélien, mais signé sur un label français, comment cela est-il arrivé ?

ivri : En fait, TYP vient d’Israël, mais le projet pourrait venir de n’importe où. Il n’a pas de nationalité ou revendication à ce sujet. Une anecdote : il y a peu, nous avons été invités à nous produire au Liban dans un festival car TYP est dans les charts d’NRJ là-bas. Ils ne savaient pas que TYP était un groupe israélien et que nous ne pouvions accéder à leur demande. Je pense qu’aujourd’hui, avec Internet et les moyens de communication actuels, la nationalité a moins d’importance pour un projet musical. TYP pourrait bien venir de n’importe quel pays. Prenez Björk ou Sigur Rós, ils viennent d’Islande qui est un pays plus petit qu’Israël, et pourtant, leur public s’étend sur tout le globe. En commençant TYP, nous voulions ne pas avoir d’étiquette et pouvoir toucher tout le monde : que ce soit par la musique, par les textes, et aussi, par le côté graphique et visuel que l’on développe. Nous nous rendons compte que, quelle que soit notre nationalité, les habitants des grandes villes ou métropoles un peu partout dans le monde vivent le même genre de vie. Les jeunes de Tel Aviv vivent, plus ou moins, de la même manière que les jeunes Parisiens : ils ont les mêmes préoccupations, écoutent les mêmes artistes, ont des coups de cœur sur les mêmes films… Bien sûr, il existe des petites différences, mais dans ce qui compte vraiment – la manière de penser, de réfléchir, l’ouverture d’esprit, les idées – c’est sensiblement la même chose. Avec TYP, nous voulions être connectés avec ce public un peu partout dans le monde. Pour en revenir à notre connexion avec la France, c’est un heureux concours de circonstances qui nous a mis en contact avec Guenael Geay chez Polydor/Universal. Nous sommes bien un groupe israélien, signé sur un label français, mais pour le monde : c’est toute l’idée de ce projet international qui prend forme.

La presse s’est déjà faite l’écho de votre musique et certains ont avancé des similitudes avec l’un des groupes phare des 80’s en Angleterre : Pet Shop Boys. Comment ressentez-vous cela ?

ivri : Nous sommes bien sûr super flattés d’une telle comparaison. Plus jeune, j’écoutais Pet Shop Boys et une telle référence nous fait hyper plaisir, même si nous savons que la route est longue avant de pouvoir avoir une carrière semblable (NDLR : Un nouvel album du mythique duo synth- pop est d’ailleurs annoncé pour la rentrée). Je pense que par nos textes, notre allure peut-être un peu geek-chic [Rires] et nos vidéos décalées, nous nous inscrivons dans une esthétique et un positionnement qui nous rapprochent, c’est vrai.

Quelles sont vos références musicales à chacun ?

ivri : Tous les deux, nous ne sommes pas de la même génération, nous avons une culture musicale différente. Moi, j’écoutais effectivement les Pet Shop Boys dans les années 80, mais aussi Depeche Mode, Yazoo, Kraftwerk, Jean-Michel Jarre… J’étais, ce que l’on peut appeler, un « synth kid » ! Mais ensuite, je me suis intéressée au rock. Ce que je fais en solo est d’ailleurs plus rock dans l’esprit. Quant aux textes, cela va de Paul Simon à Leonard Cohen. J’aime beaucoup le format chanson, avec une attention particulière pour les harmonies.

Johnny : Moi, j’ai commencé avec le hip-hop avec les premiers Timbaland, Busta Rhymes… Ce n’est que ces dernières années, que je me suis mis à écouter des choses plus électro-pop comme Hot Chip, par exemple.

ivri : C’est le mélange de nos influences respectives qui fait le son unique de TYP car, lorsque tu écoutes avec attention, Johnny ajoute quelque chose  aux beats, aux lignes de basse, qui vient des productions hip-hop.

Pourquoi ce nom de The Young Professionals ivri : En fait, c’est la première chanson que l’on a écrite à deux. A cette époque, il n’y avait pas de projet de disque, mais c’était plus un délire pour le plaisir de faire de la musique et travailler en studio. Un an plus tard, on s’est rendus compte qu’on avait quatorze chansons qu’on aimait beaucoup. Tu sais, il y a un moment où tu écris des chansons qui sont personnelles, mais tu ressens le besoin de les partager avec les autres. Et ce titre de chanson résumait bien à qui l’on s’adressait avec nos textes : des jeunes travailleurs avec des préoccupations d’aujourd’hui dans le monde difficile où l’on vit : qui tu es, en quoi tu crois, comment tu vis ta vie, ce que tu recherches… Les thèmes sont simples, mais tellement vivaces : l‘amour, la perte, le manque, les connexions entre les gens, comment on se comporte dans ce monde, la place que l’on veut tenir, les choses que l’on aime et que l’on déteste… On reprend aussi le concept américain des 80’s de ces jeunes travailleurs (les yuppies de l’époque), mais réadapté à aujourd’hui, avec des envies nouvelles et différentes. C’est un concept que l’on prend, mais que l’on triture à notre sauce : on aime cet aspect où l’on travaille beaucoup et on gagne de l’argent, et dans le même temps, on déteste cela. On aime l’argent et on le déteste tout autant. On adore les grandes villes, mais on aimerait vivre en Islande. C’est une confusion post-moderne ! 

Quelle est votre façon de travailler ?

ivri : On travaille chacun de notre côté sur des idées, des sons, des textes et on échange nos fichiers via Dropbox, on se parle sur Skype : c’est un véritable album de geek ! Cependant, il y a toujours un moment où l’on se voit pour mettre les choses à plat ensemble, et le travail en studio qu’on aime beaucoup. Au début, lorsqu’on a commencé, on n’habitait pas dans la même ville : pour réaliser nos quatorze premières chansons, on ne s’est vus que quatre fois ! Maintenant, c’est différent avec les live et tout ça.

Difficile de ne pas évoquer le morceau « TYP D.I.S.C.O » qui cartonne en ce moment…

ivri : J’avais le vinyle, quand j’étais plus jeune, avec les deux versions en français, mais aussi en anglais. Une fois, avec un ami français, on en repar- lait car le disque passait à la radio et j’ai eu un déclic, mais je ne savais pas quoi faire : j’ai appelé Johnny en lui demandant d’aller l’écouter sur YouTube, car il n’avait jamais entendu la chanson originale d’Ottawan. On a envoyé une démo aux producteurs originaux (NDLR : le papa de l’un de nos deux Daft Punk) et ils nous ont dit ok ! On a conservé la mélodie de base sur le refrain et on a réécrit les couplets pour emmener la chanson ailleurs. On s’est beaucoup amusés à faire cela.

Et quant à «BeWithYouTonight» ?

ivri : Il existe une grande communauté française en Israël et Joe Dassin est très connu chez nous. C’est en voiture, où « Et si tu n’existais pas » passait à la radio, que j’ai eu immédiatement un flash en réécoutant cette envolée de violons. Je voulais en faire une chanson sur l’amour qui vous manque, au point de prendre un vol de nuit pour l’autre bout du monde lorsque celui ou celle que vous aimez vous manque trop cruellement, car j’ai connu cela moi-même, de manière personnelle. C’est souvent le cas lorsqu’on est un artiste. (NDLR : le DJ superstar israélien, Offer Nissim – remixeur de Madonna et Rihanna entre autres – avait déjà remixé l’original en 2010)

Pourquoi avoir repris « Video Games » de Lana Del Rey ?

ivri : Pour commencer, on adore cette chanson. Elle est tellement bien écrite, la construction est différente du format pop classique « refrain-couplet- refrain », et les arrangements sont tout simplement magnifiques. Mais dès la première fois que je l’ai entendue, j’ai pensé tout de suite à quelque chose de plus rapide et plus rock. On a réalisé cette version très personnelle et quand on l’a faite écouter, tout le monde a adoré !

Qu’est-ce que TYP pour vous ?

ivri : C’est une nouvelle sorte de groupe. C’est venu d’une envie de nous deux, en tant que musiciens et étant dans la musique depuis longtemps : tu fais de la musique et ensuite, tu dois contacter des photographes pour les photos presse, des graphistes pour la pochette du disque, des gens pour gérer le Web, etc. C’est souvent compliqué de laisser des personnes complétement extérieures à ton projet travailler dessus, notamment sur ce qui est visuel car c’est important, c’est que l’on perçoit en premier de ton projet. On a donc décidé que TYP serait un groupe d’artistes multidisciplinaires, qui intégrerait à la fois le son, mais aussi l’image, le show, Internet… En tout, nous sommes six à TYP et nous travaillons tous ensemble.

Et quant à Uriel, ce danseur hallucinant qui se produit avec vous sur scène ?

ivri : Nous l’avons rencontré sur le tournage de « D.I.S.C.O » et nous nous sommes tellement bien entendus, que nous l’avons rappelé pour la chorégraphie de la vidéo suivante. Nous nous sommes alors dits que nous pour- rions également travailler ensemble pour le show. Il fait partie du groupe maintenant. Uriel est plein de fantaisie et ajoute sa sensibilité au projet. Il personnifie aussi le côté déluré que nous ne montrons pas avec notre look geek-clean. Avec lui, le Yin et le Yang sont réunis !

Avez-vous l’impression d’être un peu les ambassadeurs de Tel Aviv lors de vos déplacements à l’étranger ?

ivri : Oui et non. En fait, Tel Aviv est devenu un bouillonnement culturel et créatif depuis des années déjà, ce n’est pas une scène mais une somme d’artistes divers et variés qui participent à cela. C’est comme si l’on vivait notre Movida à nous. Regardez la Gay Pride de Tel Aviv, elle est devenue un évènement international qui réunit des gens de tous les pays (NDLR : plus de 25 000 personnes en juin dernier). Je pense que nous sommes comme tout le monde à propos de notre pays : il y a des choses que l’on aime et d’autres moins. Mais on aime profondément notre pays, et si l’on peut montrer autre chose que ce que les gens ont en tête à propos de lui, alors je pense que c’est une bonne chose. Il est toujours bon de secouer les préjugés et de montrer autre chose que ce que les gens connaissent ou croient connaître d’un pays ou d’une culture. Par exemple, j’ai déclaré publiquement mon homosexualité et j’ai fait venir mon compagnon afin de vivre ensemble. En seulement deux mois, il obtenait son visa de travail !
Connaissez-vous beaucoup de pays, où c.e genre de chose est possible ? (NDLR : Ivri Lider est, d’après le très sérieux Time magazine, l’une des dix personnalités les plus influentes en Israël).

Chronique

Retraçant la journée de travail et la nuit plus festive d’un « Young Professional », l’album d’ivri et Johnny est une parfaite maîtrise de synth-pop à l’écriture et production ultra-soignées, émaillé de titres carrément addictifs comme « D.I.S.CO. » ou encore leur hymne « 20 Seconds », et d’autres plus personnels, dont « Family Values » profondément touchant. Le ton caustique et drôle fait mouche. Voilà un très bon concentré de pop moderne. sans parler de l’énorme reprise de « Video Games » qui a créé, elle aussi (décidément), un buzz énorme sur la toile. tyP vient d’enflammer la gaîté Lyrique, à Paris, le 22 juin dernier, et annonce déjà une date au trianon en novembre prochain !

The Young Professionals, 9am to 5pm 5pm to Whenever (Polydor/Universal) www.typband.com

Propos recueillis par Joss Danjean

Photos Harley Weir

Réalisation Flora Zoutu