Dries Van Noten, Martin Margiela ou encore Kenzo, la mode résonne de ces noms qui ont marqué son histoire. Bien souvent, ces figures de la mode se sont hissées au sommet de leur art suite à des études supérieures au sein d’écoles de mode, véritables officines de prestige qui permettent chaque année à de nouveaux talents d’émerger. Parmi elles, l’École Parsons de Paris, La Cambre à Bruxelles et la Royal College of Art de Londres. Trois établissements dont Modzik a décidé de dresser le portrait, à travers leur défilé de fin d’année. Une aventure enrichissante et particulière à chaque ville s’annonce avec au menu, de belles rencontres autour du catwalk et surtout la découverte d’une vague déferlante de jeunes pousses prometteuses. Première étape : l’Ecole Parsons à Paris/Paris College of Art qui nous a chaleureusement ouvert ses portes.
Par Mélody Thomas et Valentine Croughs
Crédit Photo : Mélody Thomas
Le rendez-vous était fixé le mardi 22 mai, en fin d’un après-midi ensoleillé. Nous étions invitées à établir un premier contact avec l’École mais aussi à rencontrer les membres du jury qui devaient évaluer les créations des étudiants seniors et désigner les gagnants, à la veille du défilé. Au fond de la cour d’un immeuble, Boulevard Parmentier, se cache le département de Mode de l’École Parsons à Paris. Créée en 1921, cette école de mode internationale a vu sortir de ses murs de grands designers tels Tom Ford, Erin Fetherston mais aussi Patrick Robinson, ancien directeur artistique de GAP. L’école propose de nombreux cursus : illustration, photographie, communication visuelle, beaux-arts, management du design et enfin, celui qui nous intéresse ici, stylisme de mode, dirigé par Donald Potard, ancien directeur de la Maison Jean-Paul Gaultier. Réunissant les étudiants junior et sénior, le défilé avait lieu le 24 mai dernier au Cirque d’Hiver sous le parrainage de Jean-Charles de Castelbajac.
C’est donc un sourire aux lèvres et le regard pétillant que nous accueille Patricio Sarmiento, coordinateur du département mode et directeur artistique du défilé annuel. Les bises claquent, les informations s’échangent. Le jury n’est pas encore arrivé, nous laissant le temps de visiter l’école, rencontrer d’autres professeurs et bien entendu la promo 2012.
Pour l’occasion, les salles de l’atelier ont été réaménagées en plusieurs boxs, permettant à chaque étudiante senior d’exposer au jury un échantillon de l’univers créatif qu’elles se sont échinées à créer durant les six derniers mois. Nous pénétrons la première salle du parcours que devra effectuer le jury, laquelle contient trois espaces, ceux de Stéphanie (Hui-Yu) Wu, Andrea Gutiérrez Coello De Portugal et Gayeong (Moo) Park. Un bref coup d’œil aux pièces suffit à nous ébahir, tandis que les trois jeunes femmes s’affairent frénétiquement à retoucher les derniers détails de leurs boxs avant le passage des jurés. Bien qu’un brin nerveuses, les filles laissent flotter un sourire confiant sur leurs visages. Elles sont heureuses de pouvoir présenter un travail de longue haleine devant un jury de professionnels. On commence à discuter. Très vite, on apprend que chacune d’entre elles a voulu rendre hommage à son pays et à sa culture. L’Espagnole Andrea se réapproprie les années 70 : fourrures, robes flottantes et chaussures pailletées composent son univers coloré, en fort contraste avec celui de ses autres camarades. Gayeong, d’origine coréenne, donne à voir un monde minimaliste et déstructuré, dont le blanc et le noir sont les couleurs principales. Enfin, on s’arrête devant le box de la taiwanaise Stéphanie, l’étudiante senior que nous avons choisie de portraiturer dans les prochains épisodes de ce dossier. Le jury arrive… On quitte les trois jeunes femmes qui terminent de se préparer. Elles se sourient les unes aux autres et se souhaitent bon courage.
Accueillis par Donald Potard, les membres du jury arrivent un à un, visiblement contents d’être réunis à cette occasion. Composé d’Anne Valérie Hash (créatrice et Présidente du jury), Patrick Cabasset (L’Officiel), Hervé Dewintre (Fashion Spider), Sophie Guyot (Who’s Next Prêt à Porter Paris), Nathalie Lacroix (Franck et Fils), Tina Lignel (Finch & Partners), et Floriane de St. Pierre, le jury du jour constitue un panel représentatif des différents métiers du milieu de la mode. Les jurés se séparent et déambulent librement à travers les différentes salles où est exposé le travail des élèves. Ils touchent les créations, questionnent les étudiantes sur le choix des matières, l’histoire, le fil conducteur de leur collection… Même s’ils exercent un œil avisé sur les habits et accessoires qui leur sont révélés, ils restent détendus et bienveillants envers les étudiantes. Après leur départ, Stéphanie, Gayeong et Andrea se ruent les unes vers les autres afin de s’échanger leurs impressions. Le stress est retombé.
Nous continuons à suivre les jurés dans les différentes pièces de l’école, et découvrons en même temps qu’eux les collections capsules des autres seniors : Jessica Acosta, Lisa Blom, Mathilde Jansson, Irina Fedotova et Peirong Zhou. Impossible de taxer cette école de conformiste, tant les collections se suivent sans jamais se ressembler. Les inspirations, les couleurs, les coupes et les textiles sont spécifiques à chaque créatrice. Un seul point commun : un travail rigoureux qui laisse à la fois place aux émotions du créateur et de celui qui le juge. Puisant son inspiration dans les thématiques de la planète et de l’espace, Irina dévoile une collection futuriste et crée un monde dans lequel des alter egos féminins du Petit Prince (The Little Princesses) pourraient trouver leur place. Un peu plus loin, Peirong propose une collection urbaine pour homme, faite de pièces qui n’ont nullement besoin de modèles pour les porter, tant elles sont vivantes. Basées sur le principe de l’effeuillage, ses vêtements sont composés de différentes épaisseurs et matières de couleurs sombres, rendant le tout très visuel. Dans un autre coin de la classe, Lisa expose un univers où eau et feu entrent en symbiose. Quant à la dernière salle, elle s’ouvre sur les collections de Jessica et Mathilde. La différence entre leurs deux univers est plus que frappante. Alors que Jessica nous invite à découvrir ses pièces structurées aux couleurs aquatiques, où les tissus flottants rencontrent la laine, Mathilde offre un monde où l’anthracite est contaminé par l’orange. En jouant avec le volume et les couleurs, elle modernise ainsi les tenues masculines à l’époque de l’Âge d’Or.
Après un tour d’horizon complet des huit étudiantes, notre bilan est simple : les présentations sont léchées et abouties, le choix ne sera pas facile. L’une des grandes forces de l’École Parsons à Paris, réside en la grande liberté créatrice dont disposent les étudiants qui y apprennent à exprimer leurs pensées à travers la mode.
C’est maintenant l’heure pour le jury de délibérer. Le résultat ne sera annoncé que dans deux jours, à la fin du défilé. Les filles ont le sentiment qu’une époque s’achève et c’est bien le cas, puisque ce projet est le dernier qu’elles ont réalisé au sein des locaux de l’École Parsons à Paris. Suite à ce cursus de quatre ans, elles devront se séparer, évoluer chacune de leur côté… Mais en attendant, les petits fours et canapés soigneusement disposés sur la table dans le hall détendent l’atmosphère. Étudiants, professeurs et jurés se côtoient avec aisance, chacun laissant pour jeudi le stress des préparatifs du défilé. Avant de partir, Anne-Valérie Hash, présidente du jury, nous a confié avoir été agréablement “surprise par les univers sacrés de chacun” et adresse un message aux étudiants qui ne seraient pas récompensés d’un prix, à l’issue de cette année : “moi j’ai raté tous les concours à l’école, bon courage, accrochez-vous !”.