Dries Van Noten, Martin Margiela ou encore Kenzo, la mode résonne de ces noms qui ont marqué son histoire. Bien souvent, ces figures de la mode se sont hissées au sommet de leur art suite à des études supérieures au sein d’écoles de mode, véritables officines de prestige qui permettent chaque année à de nouveaux talents d’émerger. Parmi elles, l’École Parsons de Paris, La Cambre à Bruxelles et la Royal College of Art de Londres. Trois établissements dont Modzik a décidé de dresser le portrait, à travers leur défilé de fin d’année. Une aventure enrichissante et particulière à chaque ville s’annonce avec au menu, de belles rencontres autour du catwalk et surtout la découverte d’une vague déferlante de jeunes pousses prometteuses. Première étape : l’Ecole Parsons à Paris/Paris College of Art qui nous a chaleureusement ouvert ses portes.

Par Mélody Thomas et Valentine Croughs
Crédit Photo : Mélody Thomas

Le rendez-vous était fixé le mardi 22 mai, en fin d’un après-midi ensoleillé. Nous étions invitées à établir un premier contact avec l’École mais aussi à rencontrer les membres du jury qui devaient évaluer les créations des étudiants seniors et désigner les gagnants, à la veille du défilé. Au fond de la cour d’un immeuble, Boulevard Parmentier, se cache le département de Mode de l’École Parsons à Paris. Créée en 1921, cette école de mode internationale a vu sortir de ses murs de grands designers tels Tom Ford, Erin Fetherston mais aussi Patrick Robinson, ancien directeur artistique de GAP. L’école propose de nombreux cursus : illustration, photographie, communication visuelle, beaux-arts, management du design et enfin, celui qui nous intéresse ici, stylisme de mode, dirigé par Donald Potard, ancien directeur de la Maison Jean-Paul Gaultier. Réunissant les étudiants junior et sénior, le défilé avait lieu le 24 mai dernier au Cirque d’Hiver sous le parrainage de Jean-Charles de Castelbajac.

C’est donc un sourire aux lèvres et le regard pétillant que nous accueille Patricio Sarmiento, coordinateur du département mode et directeur artistique du défilé annuel. Les bises claquent, les informations s’échangent. Le jury n’est pas encore arrivé, nous laissant le temps de visiter l’école, rencontrer d’autres professeurs et bien entendu la promo 2012.

Pour l’occasion, les salles de l’atelier ont été réaménagées en plusieurs boxs, permettant à chaque étudiante senior d’exposer au jury un échantillon de l’univers créatif qu’elles se sont échinées à créer durant les six derniers mois. Nous pénétrons la première salle du parcours que devra effectuer le jury, laquelle contient trois espaces, ceux de Stéphanie (Hui-Yu) Wu, Andrea Gutiérrez Coello De Portugal et Gayeong (Moo) Park. Un bref coup d’œil aux pièces suffit à nous ébahir, tandis que les trois jeunes femmes s’affairent frénétiquement à retoucher les derniers détails de leurs boxs avant le passage des jurés. Bien qu’un brin nerveuses, les filles laissent flotter un sourire confiant sur leurs visages. Elles sont heureuses de pouvoir présenter un travail de longue haleine devant un jury de professionnels. On commence à discuter. Très vite, on apprend que chacune d’entre elles a voulu rendre hommage à son pays et à sa culture. L’Espagnole Andrea se réapproprie les années 70 : fourrures, robes flottantes et chaussures pailletées composent son univers coloré, en fort contraste avec celui de ses autres camarades. Gayeong, d’origine coréenne, donne à voir un monde minimaliste et déstructuré, dont le blanc et le noir sont les couleurs principales. Enfin, on s’arrête devant le box de la taiwanaise Stéphanie, l’étudiante senior que nous avons choisie de portraiturer dans les prochains épisodes de ce dossier. Le jury arrive… On quitte les trois jeunes femmes qui terminent de se préparer. Elles se sourient les unes aux autres et se souhaitent bon courage.

Accueillis par Donald Potard, les membres du jury arrivent un à un, visiblement contents d’être réunis à cette occasion. Composé d’Anne Valérie Hash (créatrice et Présidente du jury), Patrick Cabasset (L’Officiel), Hervé Dewintre (Fashion Spider), Sophie Guyot (Who’s Next Prêt à Porter Paris), Nathalie Lacroix (Franck et Fils), Tina Lignel (Finch & Partners), et Floriane de St. Pierre, le jury du jour constitue un panel représentatif des différents métiers du milieu de la mode. Les jurés se séparent et déambulent librement à travers les différentes salles où est exposé le travail des élèves. Ils touchent les créations, questionnent les étudiantes sur le choix des matières, l’histoire, le fil conducteur de leur collection… Même s’ils exercent un œil avisé sur les habits et accessoires qui leur sont révélés, ils restent détendus et bienveillants envers les étudiantes. Après leur départ, Stéphanie, Gayeong et Andrea se ruent les unes vers les autres afin de s’échanger leurs impressions. Le stress est retombé.

Nous continuons à suivre les jurés dans les différentes pièces de l’école, et découvrons en même temps qu’eux les collections capsules des autres seniors : Jessica Acosta, Lisa Blom, Mathilde Jansson, Irina Fedotova et Peirong Zhou. Impossible de taxer cette école de conformiste, tant les collections se suivent sans jamais se ressembler. Les inspirations, les couleurs, les coupes et les textiles sont spécifiques à chaque créatrice. Un seul point commun : un travail rigoureux qui laisse à la fois place aux émotions du créateur et de celui qui le juge. Puisant son inspiration dans les thématiques de la planète et de l’espace, Irina dévoile une collection futuriste et crée un monde dans lequel des alter egos féminins du Petit Prince (The Little Princesses) pourraient trouver leur place. Un peu plus loin, Peirong propose une collection urbaine pour homme, faite de pièces qui n’ont nullement besoin de modèles pour les porter, tant elles sont vivantes. Basées sur le principe de l’effeuillage, ses vêtements sont composés de différentes épaisseurs et matières de couleurs sombres, rendant le tout très visuel. Dans un autre coin de la classe, Lisa expose un univers où eau et feu entrent en symbiose. Quant à la dernière salle, elle s’ouvre sur les collections de Jessica et Mathilde. La différence entre leurs deux univers est plus que frappante. Alors que Jessica nous invite à découvrir ses pièces structurées aux couleurs aquatiques, où les tissus flottants rencontrent la laine, Mathilde offre un monde où l’anthracite est contaminé par l’orange. En jouant avec le volume et les couleurs, elle modernise ainsi les tenues masculines à l’époque de l’Âge d’Or.

Après un tour d’horizon complet des huit étudiantes, notre bilan est simple : les présentations sont léchées et abouties, le choix ne sera pas facile. L’une des grandes forces de l’École Parsons à Paris, réside en la grande liberté créatrice dont disposent les étudiants qui y apprennent à exprimer leurs pensées à travers la mode.
C’est maintenant l’heure pour le jury de délibérer. Le résultat ne sera annoncé que dans deux jours, à la fin du défilé. Les filles ont le sentiment qu’une époque s’achève et c’est bien le cas, puisque ce projet est le dernier qu’elles ont réalisé au sein des locaux de l’École Parsons à Paris. Suite à ce cursus de quatre ans, elles devront se séparer, évoluer chacune de leur côté… Mais en attendant, les petits fours et canapés soigneusement disposés sur la table dans le hall détendent l’atmosphère. Étudiants, professeurs et jurés se côtoient avec aisance, chacun laissant pour jeudi le stress des préparatifs du défilé. Avant de partir, Anne-Valérie Hash, présidente du jury, nous a confié avoir été agréablement “surprise par les univers sacrés de chacun” et adresse un message aux étudiants qui ne seraient pas récompensés d’un prix, à l’issue de cette année : “moi j’ai raté tous les concours à l’école, bon courage, accrochez-vous !”.

Paris College of Art
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Dans le très beau cadre du Cirque d’Hiver parisien, prenait place l’événement le plus attendu de l’Ecole Paris College of Art : le défilé de fin d’année, parrainé par Jean-Charles de Castelbajac. Le public y a savouré pas moins de 75 créations, pour le plaisir des yeux… Modzik était dans le feu de l’action, ce soir-là, se faufilant dans les coulisses et au premier rang du show. Reportage.

Par Valentine Croughs

L’EPàP fait son cirque. Quel cadre plus adapté que le Cirque d’Hiver pour présenter le fruit du travail passionné et minutieux des créateurs en devenir de l’EPàP ? Le monument historique situé rue Amelot à Paris, avec son décor d’or et de rouge velours, avait en effet de quoi accueillir avec faste les convives de la soirée, et leur offrir un défilé joliment mis en valeur en ses murs. Bref, un lieu à la hauteur de son événement.

Effervescence et tourbillon. Bien que l’après-midi touche à sa fin, le soleil, anormalement ardent en ce mois de mai, est loin d’être couché. Nous ne sommes donc pas mécontents de pénétrer dans l’antre du cirque pour bénéficier d’un peu de fraicheur. Mais bien vite, une chaleur d’une autre nature, née du stress et de l’excitation, se fait ressentir alors que nous approchons du backstage, trois heures avant le « top » chrono. Discrètement, afin de ne pas perturber les participants affairés, nous voilà plongés dans l’atmosphère unique dans laquelle s’agite un microcosme typique de tout fashion show qui se respecte : six maquilleurs et coiffeurs s’appliquent aux dernières retouches de certains modèles, pendant que les autres font les derniers essayages sous le regard déjà très professionnel des étudiants, eux-mêmes épaulés par les professeurs et le directeur du programme de fashion design, Donald Potard. Quant à Tzigane De Braconier, professeur en troisième année, elle nous confie : « Ayant été responsable des pièces spéciales pour le défilé chez Castelbajac, j’ai l’habitude de l’effervescence et du tourbillon en coulisses. J’ai trouvé ceux-ci organisés et spacieux ». Un tourbillon, certes, mais d’une efficacité indiscutable : peu de mots, beaucoup de ces gestes qui dégagent une assurance tranquille.  

Don’t smile, don’t cry. Répétition générale des modèles dans l’arène. Après que Patricio Sarmiento, directeur artistique du défilé, a montré dans une démarche décontractée l’exemple du parcours à suivre, se font entendre les conseils de M. Potard : « Nous voulons du rythme, rien d’ennuyant. Soyez sophistiqués tout en marchant naturellement, comme si vous étiez en rue. Ne souriez pas, mais ne pleurez pas, non plus » s’exclame-t-il face à la petite assemblée des mannequins qui l’écoutent religieusement, un sourire aux coins des lèvres.   

Compte à rebours. Les premiers invités commencent à remplir le hall de réception, le staff du cirque sert les premières coupes de champagne, l’humeur est à la joyeuse impatience de découvrir ce qui sera dévoilé au lever du rideau. Du côté des coulisses, l’adrénaline monte immanquablement,  les cœurs palpitent… Dans une heure à peine, la salle circulaire sera comble.

Moment fort. Voilà enfin tout le monde installé autour de la piste de cirque qui, d’une minute à l’autre, se transformera pour un soir en catwalk géant. Mais avant, un mot d’accueil de la directrice académique de l’école, Linda Jarvin pour présenter le programme du défilé, le jury ainsi que le parrain de la soirée, Jean-Charles de Castelbajac, acclamé sous un tonnerre d’applaudissements. Soudain, les lumières s’animent et avec elles, les platines du Dj Dembowsky. Pleins feux sur les modèles qui défilent à un rythme soutenu mais pas trop, arborant les créations des étudiants Certificate (programme d’un an) d’abord, Junior (3ème année) ensuite, pour terminer sur les silhouettes des étudiants Senior (4ème et dernière année), et ce, une demi-heure durant. Intense et jouissif. Parmi les collections, nous reconnaissons les tenues que nous avions vues inertes, deux jours plus tôt, en présence du jury. Ce soir, elles prennent vie sous nos yeux. Rien à dire, c’est exquis.


Remise des prix. Si chaque pièce avait son caractère et chaque étudiant sa patte, les règles du jeu veulent que ne soient décernées que trois récompenses. Il faut donc trancher. Qui est parvenu à se démarquer cette année aux yeux des professionnels ? « La gagnante du prix Sophie Hallette 2012, avec le meilleur projet de trench coat junior est… Maram Aboul Enein », annonce Maud Lescroart. Tandis que « la gagnante du prix Golden Thimble 2012 pour la meilleure collection Senior est… Irina Fedotova »,  déclare cette fois Sophie Guyot, membre du jury. Et enfin, le prix de créatrice de l’année 2012, décerné par Jean-Charles de Castelbajac en personne, revient à Stéphanie (Hui-Yu) Wu. 

Mot de la fin. Pour conclure la soirée, Jean-Charles de Castelbajac prend le micro : « Il n’y a pas de futur sans créativité. (…) Ce soir, j’ai pu apprécier différentes visions du monde et constater que l’internet permet aux nouvelles générations d’ouvrir des yeux plus grands, de regarder plus largement. La créativité est dans la jeunesse ». Et de poursuivre en regardant Stéphanie Wu : « J’ai beaucoup aimé la façon dont tu as interprété le drapeau français, ainsi que ton sens du détail. » Ce à quoi Stéphanie, encore sous le coup de l’émotion, répond par un large sourire et des remerciements à l’école et à ses proches, qui l’ont entourée tout au long de ses quatre années de cursus. 


Chapeau, les artistes. La fête est finie, tout le monde remballe et nous aussi. Le staff et les étudiants sont contents, ne dissimulant pas leur soulagement après tant d’émotions. Pourtant, ils savent que ce défilé signe la fin d’un cycle, une page qui se tourne. Les portes du cirque se referment derrière nous. 

Avec la participation de l’Ecole Paris College of Art
www.paris.edu
Crédits photos : Patrick Montary (2, 3, 5) & Mélody Thomas (1, 4)
Crédits Vidéo : interview par Valentine Croughs ; images par Léo Lardy ; montage par François Tariel ; musique par Laurent Oversteyns
Au Royal College of Art de Londres (RCA), une des écoles les plus prestigieuses de la capitale anglaise, le show de fin d’année académique du programme mode révélait des créateurs en herbe de haute volée. Un rendez-vous que Modzik ne pouvait pas manquer ! Pour vous qui désirez découvrir la mode outre-manche à sa source, un conseil : stay tuned, comme on dit là-bas.
Par Valentine Croughs
Kensington. A la veille d’un week-end festif de Jubilé, plus de vingt-cinq collections défilaient devant un public de fashionistas, lesquels y ont indubitablement trouvé leur compte de nouveautés. En filigrane de cet événement d’importance pour les étudiants de dernière année du progamme Fashion de la School of Material – département de la RCA qui comprend également les formations en Ceramics & Glass, Textiles and Goldsmithing, Silversmithing, Metalwork & Jewellery -, l’école aujourd’hui dirigée par Professor Wendy Dagworthy célébrait ses 175 ans d’existence depuis sa création par Madge Garland. 
Epinglés : Tom Crisp et sa collection homme, street style et patchwork (à l’exception de son gilet de laine à paillettes très osé), ou encore Rachael Hall qui vêt la femme de costumes aux motifs ethniques, mixant les matières, teintées par endroits d’un orange et bleu fluorescents voire électriques. Sans oublier la pièce du jour, le fascinant pantalon de Daniel Pollit, à double couche, avec son effet plastique vernis rouge. Nul doute, l’extravagance était à son comble. 
En véritable passionnée, la promotion 2012 qui représente quatorze nationalités différentes a fait du beau travail cette année, au vu des créations toujours plus excentriques, futuristes et colorées que l’on a pu y apprécier, avec pour dénominateur commun, une touche résolument moderne et frondeuse portée par une réelle attention au détail et l’utilisation de techniques dernier cri. Et pour clôturer les déambulations sur le catwalk, rien de tel qu’un bon « I am what I am » par Karen Mulder, sous les applaudissements d’une audience plus que satisfaite. 
Avant et après le show, les invités ont également eu l’occasion d’admirer une collection durable, résultat d’une collaboration avec la marque Esprit, ainsi que le travail des six étudiants de la section chaussures et accessoires, le tout exposé dans le hall d’entrée de l’école. L’artisanat est définitivement de retour au Royal College of Art. La paire de chaussures de Tariq Mahmoud, par exemple, constituée de fourrure recouverte de plastique, avec des semelles translucides en témoignent.
Le soir, pour marquer le coup en grandes pompes, la RCA organisait un gala rassemblant des personnalités d’importance du milieu telles que Sarah Burton, Erdem, Peter Copping, Zandra Rhodes, Suzy Menkes, Paul Thompson… et bien d’autres. De quoi se donner la fashion fever ! Affaire à suivre…
Sarah Burton, Wendy Dagworthy, Paul Thompson

En collaboration avec le Royal College of Art
www.rca.ac.uk
Crédits photos : Maëlle Coindreau (1), Saga Sig (2) & Darren Gerrish (3)
Crédits vidéos : film by Maëlle Coindreau, music by Bogdan-Cristian Ionescu
Notre dossier “New Fashion Generation” sur les écoles de mode à Paris, Londres et Bruxelles nous a permis de rencontrer des jeunes noms prometteurs, ainsi que les différentes équipes pédagogiques qui les encadrent. Tout au long de la semaine, découvrez ces acteurs qui font tourner les ateliers de haute couture, à travers interviews, photos et vidéos. Mais aujourd’hui, suivez-nous dans les coulisses du défilé de La Cambre Mode(s) à Bruxelles. L’école étant très réputée, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous avons pris le chemin des Halles de Schaerbeek.

Par Mélody Thomas & Valentine Croughs

A peine arrivées, nous voilà d’ores et déjà plongées dans la frénésie d’un des fashion shows étudiants les plus courus par les professionnels de la mode. Sa particularité ? Il révèle le travail de la première à la cinquième année, environ 400 silhouettes au total. Sponsorisé par Dior et Biguine, ce show de grande envergure n’a rien à envier à ceux des fashion weeks. Des gradins d’une capacité de 2000 personnes entourent le catwalk d’un blanc immaculé que parcourront d’ici une heure ou deux les modèles des différentes promotions de l’école. 

Il nous faut trouver une place stratégique pour capturer au mieux les images qui vous feront (re)vivre ce défilé bruxellois. Livrées à nous-mêmes, nous mettons à profit l’expérience acquise durant le show de l’Ecole Parsons à Paris et celui du Royal College of Art à Londres. On se faufile en coulisse pour palper l’ambiance. Si tout est organisé au millimètre près dans ce labyrinthe géant, cela n’empêche pas les bonnes ondes entre les étudiants. Bien que sur le qui-vive, ils répondent avec plaisir aux quelques questions que nous avons à poser. Ils nous montrent, nous amènent à toucher les pièces de leur plus ou moins grande collection. Tout ici attire notre regard. 


Malheureusement, nous ne disposons que de peu de temps avant le défilé. La voix des parlophones signale aux jeunes créateurs que le show va bientôt débuter. Nous les laissons donc à leurs dernières retouches et allons rejoindre l’emplacement choisi pour prendre photos et vidéos. Il fait chaud dans la salle. On sent monter la tension dans les gradins. 

Les lumières lancent un regard cru sur le catwalk. Le défilé commence et dès l’apparition des premiers mannequins, nous savons que nous allons assister à un grand spectacle. Les couleurs sont au rendez-vous et d’incroyables tenues offrent un regard inédit sur le futur de la mode. Des objets du quotidien s’animent tandis que Jeanne d’Arc reprend vie dans des silhouettes médiévales. Soudain, la musique s’arrête, le temps se fige et l’on entend des claquements de doigts suivis de près par le chant a cappella de « Fever ». Eddy Anemian, 3ème année, a décidé d’assurer la bande son pour ses silhouettes. Très vite, le public parcouru de frissons se laisse agréablement emporter par l’originale intention. 

Côté accessoires, rien n’est laissé au hasard : des chaussures rétro-futuristes, chapeaux à piques et autres lunettes-moustaches farfelues sèment des grains de folie et pimentent l’ensemble. La haute couture se veut artistique, impressionnante, et surtout étonnante. Autre singularité du show, les chorégraphies soigneusement apprises qui donnent du mouvement aux matières et écartent toute possibilité de s’ennuyer. Tous les éléments sont pensés pour éveiller la curiosité et l’imagination des spectateurs. 


Entracte. Déjà deux heures que nous sommes ici, le temps passe vite à l’intérieur de cet espace où tout est stimulation visuelle. Après une brève pause rafraichissante, nous voilà de nouveau à notre poste, croulantes sous la chaleur, certes, mais curieuses de voir la suite : les collections des dernières années. 

Le défilé s’achève et nous avons tout juste le temps d’interviewer le chef d’atelier de La Cambre Mode(s), Tony Delcampe, et celle qui a fondé cette section de l’école des arts visuels, Franc’Pairon, pour l’occasion présidente du jury, et actuellement directrice de l’IFM Paris. Tout comme nous, ils sont enchantés par ce qu’ils ont vu ce soir.

En collaboration avec La Cambre Mode(s)
www.lacambremode.com
Crédits photos : Valentine Croughs
Crédits Vidéo : interviews by Valentine Croughs, film by Charlotte Devaert, music by Laurent Oversteyns
Stéphanie Wu vient de terminer sa formation de quatre ans au Paris College of Art, et en beauté, puisqu’elle a été récompensée meilleure créatrice de l’année par le parrain du défilé 2012, J.-C. de Castelbajac. Si elle vient de Vancouver, la jeune femme d’origine Taïwanaise vit temporairement à Paris. Humble et un peu timide, Stéphanie nous parle de son univers artistique baignant dans le multiculturel, empreint d’une subtilité des détails.

Propos recueillis par Mélody Thomas et Valentine Croughs

Pourquoi as-tu décidé de suivre tes études à Paris ?
Paris est une des grandes villes de la mode. Au départ, je voulais faire mes études à New-York, mais j’avais envie de quelque chose de différent. Je voulais connaître l’Europe et sa culture. Cela fait maintenant quatre ans que je suis à Paris. D’ailleurs, c’est assez embarrassant, je ne parle pas très bien français. Comme nous sommes dans une école américaine, tout le monde ici parle anglais, ce qui est pratique dans le monde de la mode.

Parle-nous de ta collection de fin d’études…
J’ai commencé à travailler sur cette collection en janvier. Pour résumer, je voulais revenir à mes origines alors j’ai visité un village aborigène à Taiwan. L’art y est incroyable alors j’en ai fait la base de mon inspiration. En fait, l’idée de départ de ma collection, c’est de raconter ce pays à travers les femmes des colonies qui ont traversé l’histoire à Taiwan. Il y a beaucoup d’étrangers à Taïwan. Des Allemands, des Espagnols et bien sûr des personnes venant de Chine. C’est multiculturel, il y a aussi des Japonais puisqu’ils ont occupé l’île pendant longtemps. Ainsi, dans les vêtements que j’ai créés, il y a des éléments issus de la culture chinoise. Les ceintures quant à elles ont une influence japonaise. Il y a d’autres détails pris du style aborigène. J’ai mélangé des éléments traditionnels en ajoutant un aspect moderne à mes silhouettes, grâce à des textiles modernes. Tout ce que je fais peut être porté, j’essaye de faire en sorte qu’il ne s’agisse pas de costumes. J’ai pris des éléments que j’aime et les ai mis dans différents styles vestimentaires.


Qu’as-tu ressenti une fois tes vêtements achevés ?
Au début, j’étais très excitée à l’idée de faire ce projet. Puis, à la moitié du chemin, je me suis sentie à bout de souffle. Mais quand c’est fini et que tu peux voir les photos ou encore les vêtements portés les mannequins, tu te rends compte que tu as accompli quelque chose. Le jour du jury, j’étais nerveuse mais je voulais surtout avoir des critiques constructives, pour me permettre d’avancer et de m’améliorer. Ce n’est pas grave s’ils n’aiment pas ce que je fais (chacun à un style différent), tant que je peux avoir un retour sur ce que je crée. Je suis seulement une étudiante, alors j’ai encore des choses à apprendre.

Y’avait-il une compétition entre les différents élèves de ta promotion ?
On se respectait les uns les autres. Nous étions une bonne année. Chacun avait son style et c’est vraiment sympa. On essaie de s’encourager mutuellement. J’ai été contente de suivre cette formation.

Quel est ton projet en tant que créatrice dans le milieu de la mode ?
J’aimerais faire du prêt-à-porter de luxe. Je veux faire quelque chose que l’on puisse porter tous les jours mais qui a une touche particulière. Mais avant, je vais essayer de me trouver un stage et rester sur Paris pour me reposer et profiter de mes amis.
Avec la collaboration de l’Ecole Paris College of Art
www.paris.edu
Crédits photos : Patrick Montary (1), Mélody Thomas (2)
Après avoir travaillé cinq ans aux côtés de Jean-Charles de Castelbajac, la créatrice belge Tzigane De Braconier, ancienne étudiante à La Cambre Mode(s) à Bruxelles, est actuellement professeur des étudiants junior au Paris College of Art. Elle y enseigne “le passage clé du dessin au volume”, cours dont elle nous dévoile ici tous les tenants et aboutissants.

Propos recueillis par Valentine Croughs

Peux-tu nous parler de ton parcours professionnel ?
Cela fait un an que je donne cours au PCA et que, parallèlement, je me consacre à mes projets personnels, en tant que styliste indépendante et artiste. Mais avant d’en arriver là, j’ai travaillé cinq ans chez Castelbajac, comme styliste 1e ligne femme et homme, suite à notre rencontre lors de mon Jury de fin d’année à La Cambre (Ecole des arts visuels à Bruxelles, ndlr.). Il avait beaucoup apprécié mon travail, le qualifiant de « déconstruction poétique à l’humour surréaliste ». Un homme 40 ans d’expérience aux côtés duquel j’ai beaucoup appris. Sinon, ces dernières années, j’ai également eu l’occasion de travailler auprès de créateurs comme Asfour à New York ou Preen à Londres, qui sont autant d’expériences enrichissantes durant mon parcours.

Qu’enseignes-tu PCA ?
Nous travaillons le passage clé du dessin au volume, au modèle 3D, avec tout ce que cela implique, notamment la coupe et le patronage. Il y a un grand travail de recherche de drapage, de forme, de volume à faire, en tenant compte du fait que chaque matière, chaque tissu a ses différentes utilisations et ses propriétés propres. On essaye d’amener les élèves à se dépasser, à s’aventurer au-delà de leurs connaissances, à tester différentes solutions. A cette fin, je pousse mes élèves à regarder les finitions, les coupes et l’utilisation des matériaux de grands stylistes émergents.

Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de donner cours à des étudiants ?
J’apprécie beaucoup la relation de travail que j’entretiens avec mes élèves ainsi que la notion de transmission de savoir. C’est génial de pouvoir les accompagner vers leur monde créatif, d’être au premier rang quand ils ont des déclics, de les voir grandir et nous étonner. 

Comment ton cours se déroule-t-il concrètement ?
Un exercice, élaboré parallèlement avec les professeurs des autres cours, est lancé sur plusieurs semaines. Le cours de design et le mien sont très imbriqués, les designs peuvent évoluer au fil de la recherche menée dans mes cours, et à l’inverse, les modèles que nous élaborons avec les élèves changent en fonction du design. L’emploi du temps des élèves est donc très structuré, semaine par semaine. Quand j’arrive en cours, je fais le tour des élèves pour voir où ils en sont dans l’exercice, je les interroge sur ce qu’ils font. Nous évaluons ensemble chaque étape du processus. Ils m’expliquent leurs choix et ce faisant, ils cherchent eux-mêmes des solutions, tandis que j’encadre, je guide. On ne retient jamais mieux quelque chose qu’on a découvert soi-même. Si un élève se pose une question essentielle, elle est développée avec la classe entière. 

Qu’attends-tu de tes étudiants à la fin d’une année de cours avec toi ? 
J’attends une mini-collection cohérente, créative et qui leur ressemble, dans laquelle ils ont pris des risques et trouvé des solutions de coupe novatrices. Je n’attends pas des couturières mais bien des créateurs capables de me surprendre.

Quelles qualités requiert un bon créateur, à l’époque actuelle ?
Etre passionné, persévérant et avoir l’œil curieux.

Qu’as-tu pensé du défilé 2012 du PCA ? 
C’était le premier défilé que je faisais avec le PCA. Ayant été responsable des pièces spéciales pour le défilé chez Castelbajac, j’ai l’habitude de l’effervescence et du tourbillon en coulisses. J’ai trouvé ceux-ci organisés et spacieux.  Les modèles professionnels ont contribué à la belle mise en avant du travail des élèves, et ce dans un cadre sublime. 

Avec la collaboration de l’Ecole Parsons à Paris/Paris College of Art
www.parsons.paris.edu
Crédit photo : Mélody Thomas
Après le reportage sur le défilé du Royal College of Art, Modzik vous invite à cerner un peu plus encore cette école et son cursus mode, avec les interviews de deux personnes respectables de son corps pédagogique : l’illustre Wendy Dagworthy, doyenne de la School of Material, dans laquelle elle enseigne et dirige le programme mode et textiles, ainsi que Tristan Webber, tuteur du programme mode femme pour les étudiants senior. Tous deux nous ont fait part de leur réaction à chaud suite au spectacle haut en couleurs, futuriste et optimiste qu’offraient à voir les jeunes créateurs diplômés de la promotion 2011-2012. 

Par Valentine Croughs

Cela fait dix ans que Tristan Webber officie au Royal College of Art. Formé à Central St. Martin’s, ce fasciné et spécialiste du cuir a notamment fondé un label de création à son nom qu’il a dirigé une décennie durant. A présent, l’homme quarantenaire partage sa riche expérience et transmet son savoir à la future génération de créateurs de passage dans ses cours. S’il a les cheveux soigneusement peignés et le col blanc de sa chemise à roses boutonné jusqu’au cou, c’est bien un Tristan détendu qui converse avec nous, en cette année académique qui s’achève. 


Qu’avez-vous pensé du défilé ? 
J’ai été très lourdement impliqué avec ces étudiants dont j’ai suivi le développement pendant deux ans. Je suis conscient de tout le travail qui a été fourni derrière, les efforts difficiles et les longues nuits sans dormir. J’ai été enchanté de ce qui est ressorti au défilé. 

Les étudiants ont-ils atteint le niveau que vous attendiez d’eux en début d’année ?
Oui, j’étais très satisfait de la qualité cette année. Il faut savoir que c’est toujours un grand défi pour les étudiants. Beaucoup tracent un chemin très personnel afin d’obtenir leur collection.

Que ressentez-vous maintenant que l’année 2011-2012 est terminée ?
Plus relax. Les étudiants ont peu dormi. Tout comme le staff (les tailleurs, machinisites, professeurs…). Cela représente une grande quantité de travail de tout assembler. Mais vous savez, tout le crédit reste aux étudiants. 
Comment décririez-vous le travail des étudiants ?
Optimiste, passionné, joliment coloré et de forte personnalité. Tous ont fait du beau boulot. Je n’ai pas de préférés, mais certains ont un discours très fort et courageux. Je pense notamment à Shubham Jain, Trine Hav Christensen, Peiran Gong ou encore Holly Russell.

Quel message voulez-vous leur adresser, maintenant qu’ils doivent voler de leurs propres ailes ?
Qu’ils se tiennent à l’esprit de ce qu’ils font. Souvent, ils se retrouvent à travailler pour une entreprise de laquelle ils doivent adopter la personnalité. C’est ainsi que ça fonctionne. Mais quoi qu’il arrive, ils ne doivent pas oublier que si les entreprises les désirent, c’est parce qu’ils proposent quelque chose de nouveau. Il ne faut pas perdre cette fraicheur.

En plus de cette idée de nouveauté, quelles sont les qualités requises pour être un bon créateur ?
Je pense qu’il faut absolument une vision forte, de la détermination ainsi que la capacité de mener à bien des précisions techniques. Mais ce qui fait surtout un créateur, c’est l’édition. Nos étudiants démarrent souvent un projet avec beaucoup d’idées qu’ils veulent concrétiser en même temps. C’est là que le procédé d’édition est important. C’est cette étape qui leur permet d’obtenir le meilleur de leur travail. 

D’une grande gentillesse et pleine d’humilité, Wendy Dagworthy force le respect. La dame d’une activité débordante est une référence dans le milieu de la mode anglaise, une vraie prêtresse dans son domaine, comme l’a dit un jour le Télégraphe. Son charisme inspire, ses conseils sont précieux, les maisons Laura Ashley, Liberty et Betty Jackson peuvent en témoigner. Rencontre filmée avec l’une des fondatrices de la fashion week londonienne sans qui le Royal College of Art ne serait pas ce qu’il est devenu aujourd’hui.

En collaboration avec The Royal College of Art
www.rca.ac.uk
Crédits photos : Valentine Croughs (1), Maëlle Coindreau (2, 3)
Vidéo : Interview by Valentine Croughs, film by Maëlle Coindreau
La Danoise Trine Hav Christensen, âgée de 27 ans, a élu le Royal College of Art pour faire ses armes en fashion design. Elle a terminé son cursus avec une collection au propos fort, audacieux et marin : des créations dignes des plus belles sirènes qui, comme l’héroïne d’un conte bien connu, seraient parvenues à mettre pied à terre.  Réfléchies dans leurs moindres détails, les tenues brillent et changent de couleurs sous l’effet de la lumière grâce aux touches nacrées qui les composent. Tour d’horizon de la collection d’un talent prometteur, pièce par pièce.
Par Valentine Croughs


L’inspiration
Ma collection baigne dans un monde sous marin synthétique. C’est très scintillant, étincelant et coloré. J’ai tiré mon inspiration de l’univers de la vidéaste suisse Pipilotti Rist, ainsi que des vases en verre plutôt fun de l’artiste Janet Kelman. J’ai voulu les réinterpréter en crénelant des “éventails de mer”, comme je les appelle. Ils sont brillants et changent de couleurs quand tu les mets dans la lumière. 
Le manteau 
J’ai voulu dessiner le corps par des silhouettes audacieuses avec des détails tels que les diamants swarowski qui ornent le bord des manches. Quant au plastique que j’utilise, c’est ma manière d’illustrer l’eau.  
Le top 
Le manteau peut s’assortir par exemple avec l’un de mes tops. Pour développer les imprimés qui les constituent, j’ai collaboré avec Joanna Burdett, experte en la matière. A nouveau, c’est un tissu brillant qui reflète la dynamique de la mer une fois les motifs imprimés dessus. J’ai mis des volants au bout des manches.
La jupe 
Tout cela peut s’accompagner de la jupe velours fluorescente. Elle a ce look humide aussi, avec les éventails de mer qui en poussent et tout ce chiffon qui donne un mouvement très fluide, quand la femme marche sur le podium. C’est très important.
Les robes 
Il y a beaucoup de robes dans ma collection. Je voulais qu’elles se portent en tenue de soirée mais sans que ce soit trop sérieux pour autant. C’est de la couture mais dans une approche synthétique. Elles sont très cintrées, également composées de chiffon et de mes éventails de mer sculptés sur le corps. Elles laissent découvrir les jambes de celles qui les portent. 
La collection et la femme
Selon moi, il est crucial de faire une collection qui n’est pas seulement jolie sur un cintre. Cela doit vraiment être bien porté sur une femme, près du corps, pour la rendre belle et faire en sorte que cela allonge la silhouette et être certain qu’il y ait du mouvement, de la brillance. La femme doit se sentir spéciale quand elle revêt ma collection.

Pour voir l’interview en anglais, cliquez ici.

En collaboration avec The Royal College of Art
www.rca.ac.uk
Crédits photos : Apphia Michael (1)
La découverte des noms de la mode de demain continue… Aujourd’hui, c’est Alex Mullins qui vous dévoile son univers très inspiré.

Par Valentine Croughs

L’aventure dans le milieu de la mode ne fait que commencer pour Alex Mullins qui se retrouve désormais aux portes d’un nouveau tournant, l’inexorable entrée dans la vie active après les études. Découvrez la collection pour homme très “native american” de ce jeune créateur quelque peu illusionniste dans l’âme, formé par le Royal College of Art à Londres où il s’est construit une véritable identité.

Avec la collaboration du Royal College of Art
www.rca.ac.uk
Crédit photo : Apphia Michael
Crédits Vidéo : Interview by Valentine Croughs, Film by Maëlle Coindreau

Toujours dans le cadre du dossier « New Fashion Generation », Modzik est allé à la rencontre de six étudiants de La Cambre Mode(s) à Bruxelles. On commence le tour des présentations en 3ème année, avec Hélène Coudret et Eddy Anemian, tous deux tournés vers la mode pour homme, des idées plein la tête et un discours déjà très riche. Echantillon.

Par Valentine Croughs
Hélène, pourquoi avoir choisi d’étudier à La Cambre Mode(s) ?
Passionnée depuis toujours par la mode, j’ai assez vite été fascinée par le travail des créateurs belges, ce qui m’a par la suite influencée pour le choix de mon école. En fait, je vois la mode belge comme un espace-temps dédié à l’expérimentation, l’approche qui va le plus à l’essence du vêtement. 

Parle-nous de ton univers de mode, tes aspirations et inspirations, en quelques lignes…
Ce qui m’intéresse à travers la création est de tendre vers le paradoxe. Amener une confrontation de sens, de matières que l’on n’attendait pas, mais que  la mode et le style réunissent.  Par exemple, avec la collection homme « Alea/Aller à » : dans un pull en laine rustique à la forme aléatoire,  est tricoté un motif toile de Jouy historique et populaire, où vient se loger un QR code, ce petit visuel  urbain que l’on scanne et qui nous renvoie au numérique. Formellement, ce  n’est  qu’un motif noir et blanc où les éléments se confondent, mais symboliquement, il pose la question de la lecture et de la communication. Ensuite, au fil des silhouettes, ces accumulations d’associations créent un état d’esprit et une attitude singulière à la collection.


Qu’apprécies-tu le plus dans les cours donnés à La Cambre Mode(s) ? 
La diversité des approches que l’on acquiert sur le vêtement et le corps au fil des années, un enseignement technique mais toujours en vue de nourrir la création. 

Qu’as-tu le plus appris cette année ?
D’une part, l’organisation qui permet de mener à bien des projets, même s’ils paraissent insurmontables au début. Et d’autre part, j’ai appris à dépasser la pièce de vêtement réalisée, afin de lui apporter un contexte. A l’échelle de la collection, il a été question de construire une identité, par la scénographie, la musique, la photographie.

Raconte-nous un des projets marquants que tu as mené dans le cadre de tes cours.
Dans une des silhouettes,  j’ai aimé pouvoir mettre en avant une matière atypique, produite dans ma région d’origine : l’Orylag. C’est une fourrure différente des autres, car en plus d’être très belle, elle est avant tout éthique. Grâce à une collaboration entre cette coopérative et le fourreur Walter Lecompte à Bruxelles, j’ai vraiment pu découvrir et m’étonner d’une nouvelle matière. Le toucher était si doux que l’on voulait tous se lover dans le manteau !

Qu’est-ce qui compose une silhouette réussie selon toi ?
L’équilibre, ou peut-être justement le déséquilibre.

Pour suivre l’actualité d’Hélène Coudret, rendez-vous sur son site.

En collaboration avec La Cambre Mode(s)
www.lacambremode.com
Crédits photos : Mélody Thomas (1), Damien Milan (2), Yves Molitor (3)
Crédits vidéo : Interview by Valentine Croughs, Film by Charlotte Devaert, Music by Laurent Oversteyns
Après Pablo Henrard, c’est à l’étudiante Emmanuelle Lebas de nous parler d’elle, de sa collection et de son aventure académique en quatrième année à La Cambre Mode(s), à Bruxelles. La demoiselle pare la femme de robes aux tons blanc et écru très élégantes, entre sobriété, asymétrie et déséquilibre. 

Par Valentine Croughs

Peux-tu te présenter, ton univers de mode, tes aspirations et inspirations, en quelques lignes ?
Je m’appelle Emmanuelle Lebas et je vais commencer ma dernière année à La Cambre Mode(s). Je suis attirée en général par les émotions que certaines images et plus particulièrement certains lieux insufflent. Je cherche à les retranscrire dans les vêtements. Cette année, je me suis inspirée de lieux en ruines; j’en ai retiré quelques aspects architecturaux mais surtout un sentiment de solennité, de fragilité et de calme après la tempête. J’aime que ma collection génère, au-delà de mes inspirations évidentes, une deuxième lecture plus émotionnelle, instinctive et aléatoire.

Qu’apprécies-tu le plus dans les cours donnés à La Cambre Mode(s) ? 
Avec le temps, j’apprécie une certaine forme de liberté. Il y a bien sûr des cours plus techniques que d’autres, avec des contraintes. Mais le but premier est de développer son propre univers et d’arriver à en faire ressortir des créations qui renferment un certain sens de la modernité ou du moins qui le questionnent. Nous avons une organisation de travail qui nous est propre et un support des professeurs artistiques comme techniques des plus précieux. 

Qu’as-tu le plus appris cette année ?
Cette année m’a permis d’approcher tous les détails qui forment une collection ainsi que ceux qui permettent de la mettre en valeur. Toutes les étapes sont à notre charge, on est à la fois chasseur de mannequins dans les rues, petite main, illustrateur, tout en gérant la logistique des shootings et installations. Cela fait beaucoup de travail mais en même temps, on se rend vraiment compte du besoin d’être polyvalent.

Qu’est-ce qui fait qu’une création est réussie ?
Ce qui me permet d’apprécier une création ou du moins de l’estimer, c’est la réflexion, l’innovation ou les sentiments qu’elle suscite tout en gardant l’intention subtile.

Pour toi, que représente la Belgique en termes de mode ?
Je vois la Belgique comme un laboratoire de création. Il y a beaucoup d’écoles pour la superficie et le nombre d’habitants mais assez peu de travail à envisager à la sortie. Je pense que la Belgique permet de s’épanouir dans un cursus scolaire de qualité mais oblige à voir plus loin que ses frontières et c’est tant mieux.

Où te vois-tu dans 5 ans ?
Il y a encore beaucoup de choses qui m’intéressent dans la création en général, donc je pense encore pousser les portes de plusieurs ateliers, pour me permettre de voir d’autres choses et d’apprendre encore. Et l’avenir fera le reste.
Avec la collaboration de La Cambre Mode(s)
www.lacambremode.com
Crédits photos : Freddy D’Hoe et Mélody Thomas
Elles n’étaient que deux en dernière année à La Cambre Mode(s) : Gioia Seghers et Louise Leconte. L’Arctique et les peintures religieuses pour l’une, les armures pour l’autre, des sources d’inspiration pour le moins originales qui témoignent de l’imagination sans limite de ces jeunes créatrices. En octobre prochain, toutes deux se retrouveront à la fashion week de Paris pour présenter leur collection en showroom. Le périple ne fait que commencer…

Par Valentine Croughs

C’est le tricot avec sa grand-mère qui a initié Gioia pour la première fois au monde du tissage et de la matière. Depuis, elle a fait du chemin. Des cours du soir en couture, une formation en design textile à Madrid et enfin l’aventure longue de 5 ans à La Cambre. Cette dernière étape l’aura définitivement amenée à comprendre ce qui lui plait vraiment ainsi que son mode de fonctionnement qui repose avant tout sur l’instinct : « je crée directement sur buste avec les matières. Je ne travaille pas du tout par dessin. Ce sont les matières qui m’inspirent pour créer les volumes », avait-elle déclaré à La Libre Essentielle, partenaire du défilé 2012 ayant décerné son grand prix au talent de la jeune femme – tout comme Dior, MAD et RA, Antwerp d’ailleurs – pour sa collection baptisée « Crystallised Halos ». 

D’une part, l’iceberg, son ambiance irréelle et ses contrastes de couleurs, de l’autre, le Christ et les apparats des bonnes sœurs ont donné naissance aux larges robes et parkas noirs et blancs ponctués de bleu et rosé de la ligne Seghers. Parfois, dentelles et œillets viennent orner les silhouettes ainsi créées dont se dégage une grande féminité.

L’impressionnant défilé du mois de juin qui signe l’aboutissement du travail des étudiants de la première à la cinquième année, est « la plus belle ouverture que l’école puisse nous apporter », selon Gioia. Mais avant d’en arriver à ce stade ultime de démonstration au public d’amateurs et professionnels qui remplissaient les Halles de Schaerbeek, les deux ainées de la promo 2011-2012 se sont échinées à la tâche, livrées à elles-mêmes, consacrant tout le temps et l’énergie dont elles disposaient à la confection de leurs pièces, à tel point que Louise avoue aujourd’hui être « au bout du monde, en train de récupérer ». Un parcours de combattant rendu encore plus difficile par le fait de « n’être que deux en fin de cursus, renforçant le sentiment de solitude », relève Gioia. D’un autre côté, elle ajoute que « cela ne doit pas être un obstacle. J’ai appris a bien m’entourer, à rebondir, à gagner confiance petit à petit et à travailler encore et toujours ».

Quant à Louise, la condisciple de Gioia, elle signe la collection « Apostasy » : des tenues et accessoires aux contours guerriers qu’elle dévoile à travers une petite vidéo, captée juste avant le lancement du show. 

Avec la collaboration de La Cambre Mode(s)
www.lacambremode.com
Crédit photos : Guillaume Kayacan
Crédits vidéo : Interview by Valentine Croughs, Film by Charlotte Devaert, Music by Laurent Oversteyns
Pablo Henrard termine sa quatrième année à La Cambre Mode(s) avec les félicitations du jury pour le travail minutieux qu’il a proposé : des tenues très visuelles, reliées entre elles par l’utilisation commune de touches de bleu, noir, vert et rouge sur fond à dominance de blanc. Autant de couleurs franches qui se côtoient dans le contraste, pour former des motifs géométriques s’emboitant comme les pièces d’un puzzle tantôt chargé d’informations, tantôt épuré, entre transparence et opacité.

Par Valentine Croughs

Pablo est encore en train de récupérer suite à l’année de dur labeur qu’il a consacrée à sa collection. Un effort intense qui a porté ses fruits, puisqu’il termine premier de sa promo, avec le prix du jury en poche : « J’ai été très content de voir que j’avais fait l’unanimité auprès des professionnels qui constituaient le jury. J’étais très impressionné et intimidé de montrer mon travail devant des gens comme Francine Pairon, Cédric Charlier, Isolde Pringiers, Daniel Firman,… qui ont déjà vu tellement de choses. Pourtant, ils ont été à l’écoute et intéressé par l’univers que j’amenais et la proposition que j’en faisais ».
 Les créations du jeune homme n’ont pas seulement séduit les experts, constat dont il est d’ailleurs très satisfait : « ce qui m’a surtout fait plaisir cette année, c’est d’avoir eu enfin la sensation de faire des choses qui parlent vraiment à un public qui n’est pas forcément connaisseur ou sensible à la mode au départ ».  
Les grandes forces de Pablo ? Son ambition et son envie de vivre de nouvelles expériences. Tandis que l’an dernier, il a officié aux côtés de Jean-Paul Gaultier pendant trois mois, à la couture et comme maquettiste sur le prêt-à-porter, cet été, il sent le besoin de changer d’air, tout en continuant de se faire les dents. C’est pourquoi il aimerait poser ses valises à New-York pour y faire son stage jusqu’en octobre. En attendant que cela se concrétise, ce créateur en herbe ne compte apparemment pas se reposer sur ses lauriers : un nouveau projet est déjà en cours, celui de créer les costumes pour un film belge. 
Que de belles perspectives qui nous donnent envie de ne pas perdre de vue ce talent prometteur, qu’on a accosté peu avant le show final de La Cambre, alors qu’il était affairé aux réglages de dernière minute d’une robe que portait un modèle au très joli minois, Tine Maertens. La scène a attiré notre attention, on n’a pas pu s’empêcher de lui voler quelques propos entre deux retouches.
Avec la collaboration de La Cambre Mode(s)
www.lacambremode;com
Crédit photos : Mélody Thomas
Crédits vidéo : Interview by Valentine Croughs, Film by Charlotte Devaert, Music by Laurent Oversteyns