Dans un petit bar typiquement parisien situé non loin de Pigalle, nous nous retrouvons plongés dans une ambiance néo-punk dont l’atmosphère vintage nous ramène aux heures de gloire du mouvement grunge. Tamy Glauser (NEXT) pianote sur son portable tandis que Paul Lemaire (Rockmen) se fait coiffer. Les derniers réglages de la lumière se terminent. Le shooting est sur le point de commencer. Mais, avant que les flashs ne crépitent, nous nous octroyons quelques minutes pour connaître davantage le photographe qui se cache derrière notre prochain shooting. Rencontre avec Stéphane Feugère,un fashion insider photographe au parcours atypique qui fut l’oeil de Vogue pendant près de dix ans.

MODZIK - SHOOTING Marion Trumier

Explique nous ton parcours, comment en es-tu venu à la photographie  ?

Au départ j’ai fait des études pour devenir directeur artistique. J’ai travaillé tout d’abord dans la pub comme directeur artistique junior chez Publicis et BDDP, mais je me suis rendu compte que ce que j’aimais le plus c’était la photo.
J’ai donc bifurqué dans cette direction et j’ai commencé a travailler pour WWD en 1998,  qui est le seul quotidien de mode au monde et qui avait un bureau à Paris. C’est une très bonne école pour un quotidien, car cela permet de toucher à tout ( des portraits, des reportages, des shootings de produits..). Et puis, la France était, et est toujours, la capitale mondiale de la mode, donc j’étais au bon moment au bon endroit et j’ai pu comme cela rencontrer toute la planète mode parisienne et Française!

Qu’est-ce qui te passionne en tant que photographe ?

Je pense que comme pour toute personne qui aime créer, le plus passionnant est le futur. C’est ce que tu n’as pas encore fait. Les quelques jours avant un shooting par exemple sont pour moi souvent un moment très fort et excitant. Tu as pris le temps de discuter avec la styliste, de faire un moodboard et d’avoir vu les vêtements, tu as booker les bons mannequins (et ce n’est pas rien, crois moi, d’arriver à avoir les filles que tu veux…) et tu te projettes alors dans l’énergie du shooting et dans ce que tu veux arriver à faire passer aux gens qui vont voir la série.
MODZIK STEPHANE FEUGERE JALOUSE

Ça ne doit pas être évident de savoir se renouveler pour chaque série, où puises-tu ton inspiration pour tes shootings ?

Internet est une vraie source d’inspiration. Je pense qu’internet a révolutionné la culture de l’image et l’image a envahi internet. Ma génération, et celle qui a 20 ans aujourd’hui, a la chance d’avoir accès a des millions de visuels, c’est parfois trop, mais en même temps c’est très enrichissant si on sait où aller chercher les bonnes images. Tumblr restant une valeur sure dans ce domaine.
D’autre part, je suis avant tout connu pour mes photos de soirées et de défilés et j’ ai eu la chance de devenir “l’Oeil de vogue” pour le Vogue Paris et de travailler pendant presque dix ans avec une des plus grandes stylistes et rédactrices en chef a mes yeux qui est Carine Roitfeld. My “fashion queen for ever!”. Grâce à elle j’ai appris à avoir un oeil acerbe sur la mode, à aller chercher les images et a ne pas me contenter de ce que je voyais mais de provoquer les choses. Je ne fais pas une image sans penser à elle. Elle m’inspire au quotidien et me donne toujours envie d’aller plus loin…
Enfin, l’énergie d’un lieu , d’une situation ou d’une personne est très inspirante aussi ! C’est pour ça que je fais aussi très attention au choix de mes modèles. La mannequin qui contrôle toutes ses poses et qui se regarde poser, ce n’est vraiment pas pour moi… Je veux avant tout des personnages, des personnalités, des gens qui ont du vécu. J’aime ce qui est “vrai” et j’aime tenter de le retranscrire… Même dans une série de mode.

Raconte nous ton meilleur souvenir en tant que photographe

J’en ai pleins mais peut être ma rencontre inoubliable avec Helmut Newton et sa femme June… C’était dans le sud de la France dans la villa d’une milliardaire américaine qui fête chaque années son anniversaire en France avec “ses amis” du monde entier. J’étais le seul photographe autorisé pour Vanity Fair US. Ce fut l’une des soirées les plus folles de ma vie.  Il y avait le compositeur et producteur Quincy Jones qui a produit les plus beaux albums de Michael Jackson qui était venu avec son band de 50 musiciens, tous habillés en smoking blanc, qui ont joué durant 2 heures dans le jardin de la villa. Son cadeau d’anniversaire!!!
De mon coté j’avais décidé de me faire plaisir et j’avais pris mon Leica M6 (argentique!) et un petit flash. J’étais sur la terrasse avec une coupe de champagne, histoire de me mettre en condition pour couvrir cette soirée de malade! Et la, j’entends derrière moi une personne qui me dit “ Nice camera… !” Je me retourne et c’était Helmut Newton et sa femme qui me faisaient un grand sourire. Lui toujours super chic en Repetto blanc aux pieds et un smoking blanc ouvert sur une chemise à fleurs et elle plus réservée dans une robe de Issey Miyake blanche toute plissée. Puis amusé en prenant mon leica, il me dit: “je peux faire quelques images?!” à peine lui ai-je dis oui qu’il partait avec mon Leica comme un enfant a qui on donne un nouveau jouet ! Trente minutes plus tard il est revenu me voir et m’a dit “tu as raison de faire ça avec un Leica , c’est fun!” avant de rajouter en riant: “Au fait… j’ai fini ta pellicule!” et de me glisser qu’il y aurait quelques surprises dessus. J’étais fou ! Une fois développée par un labo pour ne prendre aucun risque, je me suis rendu compte qu’il n’avait photographié que des femmes présentes à l’anniversaire, et qu’il les avaient faites poser de manière sexy dans le jardin ou dans la villa. L’effet Newton! Quel cadeau! Ce mec était la classe et mon héros à jamais… Même sa mort était dingue! Il est mort a 83 ans d’une crise cardiaque a bord de sa Cadillac décapotable blanche alors qu’il sortait du très branché hôtel Château Marmont sur Sunset boulevard a Hollywood! What else!?
VOGUE MODZIK
Crédit Photos : Stephane Feugère, Marion Trumier