De « Bimbo » moquée à reine du « cool », il n’y a qu’un pas. 27 ans plus tôt, son maillot rouge échancrée a fait d’elle une figure éternelle de la pop culture. Aujourd’hui, Pamela Anderson prend la pause pour Vivienne Westwood et invente ses propres règles du jeu, passant d’icône « cheap » à muse intergénérationnelle en un coup de bouée. Décryptage. 

Une icône pop éternelle des années 90

Pamela Anderson est l’icône de toute une génération, celle d’un public éclectique ainsi que l’incarnation ultime de la  bimbo grâce à son rôle phare dans Alerte à Malibu, sa blondeur peroxydée et son corps sculptural. La réputation de la bimbo a bon dos et la société l’a souvent observé d’un oeil accusateur. Mais d‘où vient la bimbo? Jean-Marc Leveratto, sociologue spécialisé dans la culture explique « Initialement, il s’agit d’une expression italienne –l’équivalent de Bébé – qui est le résultat de la contraction du terme Bambino (enfant en italien). Le mot Bimbo a d’abord été utilisé dans l’argot du monde anglo-saxon du début du XIXe siècle pour désigner un jeune homme un peu stupide. Dans les années 70, l’usage du terme en français s’est généralisé pour désigner spécifiquement ce qu’on appelait une « ravissante idiote » (aujourd’hui la figure à plaisanteries de la blonde stupide), et son succès résulte du fait qu’il évoque à la fois le dessin animé américain — Bimbo était le nom du chien de Betty Boop — ainsi que la femme-enfant des défilés de mode (où des adolescentes sont recrutées). ». Bimbo était donc un terme destiné aux hommes qui a fini par découler sur les femmes.

Son rôle de C.J. Parker moulée dans son légendaire maillot rouge dans Alerte à Malibu en 1992, l’a fait connaître du grand public. Jeune et jolie californienne halée immortalisant à jamais son statut d’icône de la pop culture. Il faut dire que les nineties ont le vent en poupe et tous millenials qui se respectent, s’arrachent baggies camo et sacs banane. Trêve de chiffons, la belle Canadienne a fait du chemin depuis le petit écran, se perdant parfois dans les pénombres du grand (un petit rôle dans Scary Movie 3) ou décriée dans différents scandales relayés par les tabloïds. Qu’on l’aime ou qu’on la déteste, Pamela a cette faculté inébranlable de toujours retomber sur ses pattes et ne laisse personne de marbre. Elle, qui a toujours pris un malin plaisir à défrayer la chronique, se moque bien du « qu’en-dira-t-on » et poursuit son chemin à grands coups de convictions et de traits de liner prononcé. Un culot indéniable qui l’a même mené jusqu’à l’Assemblée nationale française pour un discours devant une tripotée de députés sexistes afin d’y dénoncer le gavage des oies en France pour la fabrication du foie gras.

“Le mot Bimbo a d’abord été utilisé dans l’argot du monde anglo-saxon du début du XIXe siècle pour désigner un jeune homme un peu stupide.” – Jean-Marc Leveratto, sociologue

Pamela Anderson dans Alerte à Malibu

Elle est la princesse d’un conte de fées moderne : celle d’une jeune native (et ancienne prof de fitness) du Canada au fabuleux destin. Lors d’un match de football, elle se fait repérer par une marque de bière locale. Ni une ni deux, elle débarque à Los Angeles et entame sa carrière d’actrice dans la série Papa bricole, puis intègre le casting d’Alerte à Malibu en 1992. S’en suivra alors une carrière laborieuse et prolifique.

Elle est l’incarnation des stéréotypes ultimes et attachants de la blonde pulpeuse et de la bimbo, des vieux fantasmes masculins que la société épie toujours d’un œil méprisant bien que leur réputation tend peu à peu à se transformer en quelque chose de plus acceptée socialement et culturellement. Selon Jean-Marc Leveratto, La bimbo suscite des réactions négatives de la part des puritains et des élites intellectuelles et artistiques dès lors qu’elle illustre l’aliénation féminine, « Celle de la figure d’une jeune femme se complétant dans le rôle de la femme-objet et se prêtant allègrement à son objectivation, à son utilisation comme un objet sexuel et comme une image stéréotypée de la beauté. Cependant pour la jeune génération, l’image de la bimbo n’est plus la même qu’avant, « Les jeunes générations, notamment des classes moyennes et populaires, sont, à l’heure des réseaux sociaux, sensibles à la fois au pouvoir d’attraction de la bimbo et à sa réussite économique, dès lors qu’elle sait tirer profit “cyniquement ” de son charme comme un atout économique. L’entrepreneuse de soi qui sait faire prospérer son capital physique et assume sans complexe son manque d’éducation intellectuelle est incarnée de façon exemplaire aujourd’hui par Nabilla ». La société porterait un regard plus doux et bienveillant sur la bimbo, refoulant toujours plus les stigmatisations à son égard.

“Les jeunes générations, notamment des classes moyennes et populaires, sont, à l’heure des réseaux sociaux, sensibles à la fois au pouvoir d’attraction de la bimbo et à sa réussite économique, dès lors qu’elle sait tirer profit “cyniquement ” de son charme comme un atout économique.” Jean-Marc Leveratto, sociologue

La mode, qui a souvent dénigré la « vulgarité », l’embrasse aujourd’hui et ce qui était considéré comme populaire avant s’invite sur les podiums les plus prisés (le label de skateboard Supreme avec Louis Vuitton ou Kappa chez Dada). Par ailleurs, le style vestimentaire de Pamela a évolué au fil des années et mini-shorts, décolletés plongeants et smoky-eyes prononcés ont laissé place à des robes plus sobres et des fards plus légers. Lors du dernier festival de Cannes, elle est apparue méconnaissable et plus fatale que jamais, vêtue d’une robe griffée Vivienne Westwood et cheveux plaqués en arrière. Ce changement d’image plus sage, dont la mode et la société raffolent tant, n’est pas passé inaperçu et s’est vu salué par l’opinion publique.

Sirène évolutive, forte et engagée

Pamela est fascinante car elle incarne une femme moderne, forte et authentique tenant plusieurs rôles d’une main de fer : celle d’une business woman aguerrie, d’une mère, d’une actrice et d’une femme engagée. Sa plastique avantageuse fut souvent à l’origine de moqueries et de médisance de la part des médias et de la société. La faute aux stéréotypes misogynes (où les étiquettes sont collées rapidement) jugeant qu’une femme sexy aux atouts généreux et aux tenues sexy ne peut pas être jugée « crédible », cantonnée trop rapidement à un statut d’objet sexuel. Pour la créatrice française Amélie Pichard, Pamela tire principalement sa force de son individualité et de sa liberté, « Pamela n’est pas une personne que l’on peut ranger dans une case et c’est pour cela qu’elle dérange et qu’elle fascine en même temps. Fascinante pour ceux qui ne l’aiment pas, autant que ceux qu’ils l’aiment. Elle est libre, l’a toujours été et le sera toujours. ». Il est vrai que l’artiste s’est toujours plus à afficher fièrement son corps avec une liberté éclairée malgré diktats et railleries snobs. Au cours de sa carrière, elle a toujours assumé une féminité exacerbée et une liberté d’être à toute épreuve, se moquant bien de la bienséance.

Cette fascination à son égard dépasse parfois celui de l’entendement et les frontières du milieu du divertissement, notamment chez celui des hommes politiques. En 2015, elle subit de vives critiques des députés masculins suite à son discours lors d’une conférence à l’Assemblée nationale (organisée par la député EELV Laurence Abeille) afin d’y présenter un projet de loi visant à interdire le gavage des oies en France. Malgré le sexisme dégoutant des commentaires post-conférence de la part des députés (« Elle n’y connaît rien. Pas de silicone dans le foie gras. Qu’elle continue à courir. Ça nous rappellera des souvenirs » a écrit Patrick Ollier, ancien ministre et maire de Rueil-Malmaison), tous étaient présents pour assister à son discours (députés comme journalistes) et certains en sont même venus aux mains (c’est dire). Preuve une nouvelle fois de sa popularité et de son courage face à l’adversité, touchant tous milieux confondus, du cinéma à la politique.

“Pamela n’est pas une personne que l’on peut ranger dans une case et c’est pour cela qu’elle dérange et qu’elle fascine en même temps.” Amélie Pichard

Quant à la mode, elle se fait de plus en plus consciente, à l’image de la communication concernant les modes de production comme s’attelle à le faire le label Honest By ou de l’annonce récente de l’abandon de la vraie fourrure dans les collections chez Gucci. Pamela Anderson serait-elle une avant-gardiste ? Il faut croire que oui. Pour cause, elle a a énormément de choses à dire sur le traitement des animaux dans l’industrie agro-alimentaire et dans celui de la mode et milite corps et âme pour leurs droits. Fervente défenseuse des animaux depuis 20 ans via différentes associations dont la sienne (Pamela Anderson Foundation) et Peta (depuis 2006), elle est évidemment vegan et sillonne le monde entier afin de faire entendre sa voix, du Kremlin en Russie à l’Assemblée nationale française. Une manière de mettre à profit sa célébrité et faire passer des messages forts. Son engagement envers les animaux lui vient de son amour pour eux et des différentes expériences traumatisantes vécues au cours de sa vie. En 2016, elle adresse même une lettre à Kim Kardashian, la suppliant d’arrêter de porter de la vraie fourrure ou envoie un manteau en fausse fourrure à Melania Trump afin de la remercier de son choix de tenue signée Ralph Lauren (sans fourrure) lors de l’inauguration présidentielle de son mari.

Symbole féministe et de résilience pour les femmes du monde entier. Elle relève publiquement avoir subi plusieurs viols et des agressions sexuelles plus jeune lors d’un discours en 2014. À l’heure de la libération de la parole sur les violences sexuelles faites aux femmes (grâce au dévoilement de l’affaire Weinstein dans le monde du cinéma) et du mouvement #Metoo, cette courageuse annonce devient politique car le relever publiquement est un acte militant difficile quand on sait que la société ferme consciemment les yeux sur ces drames bien réels et récurrents.

La mode et Pamela, une douce histoire d’amour

Des plages californiennes aux catwalks, il n’y qu’une paire de mules rouge à plateformes signées Amélie Pichard. Depuis des années, Pamela la muse, s’immisce dans la mode, des campagnes publicitaires aux défilés, sans jamais perdre son sourire ultra-bright. Amie avec la créatrice anglaise, Vivienne Westwood, elles ont de nombreux points communs dont ceux d’être des personnages qui suivent leurs propres instincts et engagées pour des causes nobles (la défense des animaux pour Pamela et celui de la planète pour Vivienne Westwood). Les deux sirènes collaborent ensemble depuis longtemps pour des projets divers. Ainsi, début 2017, Pamela devient l’égérie de la créatrice punk pour la campagne SS17, baptisée « Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood » dans une série photo pointue et conceptuelle. Quelques années plus tôt, elle défilait également pour la collection AW09 ainsi que pour d’autres marques plus confidentielles telles que Richie Rich.

Andreas Kronthaler for Vivienne Westwood SS17

Plus étonnant encore, en 2017, Pamela Anderson prenait la pause pour une campagne en noir et blanc de l’enseigne streetwear française, Eleven Paris, vêtue d’un simple hoodie blanc et cheveux au vent. Une association improbable pour une marque habituée aux égéries juvéniles à l’esprit plus underground. Elle ne s’arrête pas là, en 2016, elle est immortalisée par Zoe Ghertner pour les pages du magazine anglais le plus pointu de sa génération, Dazed & Confused. Plus incendiaire que jamais, l’édito s’intitule « Pamela Anderson and the mythology of a sex symbol ». Shootée sur du sable fin (clin d’œil aux plages de Californie ?) avec des pièces dans des camaïeux beige, la naïade se fond parfaitement au décor minimal. En février dernier, GCDS, le label américain très en vogue dévoilait la nouvelle campagne loufoque réalisée par Nadia Lee Cohen, accompagnée de Pamela Anderson en guest-star aux côtés de la chanteuse Brooke Candy et de la it-girl Caroline Vreeland.

Véritable caméléon de la mode, elle fait partie de ces gens capables de poser pour des grandes enseignes accessibles aux labels plus créatifs et prend la pause pour des magazines grands publics telle que Playboy sans délaisser la presse indépendante. Côté création, la femme d’affaires n’est pas en reste. Avec la créatrice française Amélie Pichard, elle élabore une collection d’accessoires vegan bigarrée et kitsch à l’image de leurs deux personnalités flamboyantes et la campagne est shootée par David Lachapelle. « Depuis l’âge de 9 ans, je suis obsédée par Pamela Anderson. Tout l’univers de ma marque tournait autour de cette femme aux multiples talents – elle est un sex-symbol, une mère, une businesswoman, une activiste et une femme à part entière. J’ai toujours dessiné mes pièces en m’inspirant d’elle à ma manière. J’aime ce grand écart entre le naturel et le glamour. Avec cette ligne vegan, nous avons poussé le challenge au maximum en n’utilisant des matériaux techniques qui ne sont pas issus des animaux. » nous explique la créatrice française concernant son choix plein d’audace. Plus récemment, Pam s’associait avec la marque de lingerie Coco de Mer pour la réalisation d’une collection de lingerie inspirée des pin-ups des années 60.

Amélie Pichard x Pamela Anderson

La mode n’est pas la seule à s’enticher d’elle. Julien Doré l’a sollicité pour le clip de sa chanson Le lac. À cette occasion, le chanteur français qui partage le même amour des animaux et des femmes avec elle, lui avait même dédié un poème : « Ô Pamela. Sublime icône écorchée des reflets de mon Lac, sensuelle, maternelle, révoltée. Protectrice de la nature & des hommes, de la planète & des animaux, de mon enfance & de mes souvenirs. Pourvu que les hommes nous regardent, amoureux de l’ombre & du pire. ». Pamela est la muse de toutes les femmes et incarne la liberté. Une muse moderne émancipée de toutes formes de répression féminine morale et sociale.