Mike Hadreas AKA Perfume Genius est un peu à la pop folk américaine ce que Xavier Dolan est au cinéma canadien ou François Ozon au cinéma français  : un formidable empêcheur de tourner en rond. Avec son 3  ème et certainement meilleur album , Il devient nécessaire de se plonger dans son univers à la sensibilité à fleur de peau, émaillé de vernis à ongles rouge sang et de talons haut perchés.

Si on a connu Perfume Genius avec ses mélopées pop-folk piano-voix au charme intimiste, avec «  Too Bright  » et sous la houlette d’Adrian Utley aussi membre de Portishead, son style connaît de soudaines et roboratives envolées entre lyrisme exacerbé et électro princier. Nous avons rencontré ce drôle de jeune homme qui n’a décidément pas froid aux yeux…

Comment as-tu commencé  ?
En fait écrire des textes a fait partie de ma désintox et je ne savais pas que cela pouvait devenir des chansons. C’est un peu accidentel en fait. Mon premier abum a eu définitivement un effet thérapeutique sur moi. Le second était plus tourné vers la musique et non plus les seules paroles et nous voilà au 3ème album où je crois que l’équilibre entre les deux est assez réussi.

Ce disque a l’air plus audacieux musicalement…
Avec mes précédents disques, il s’agissait beaucoup de mon passé. Avec Too Bright il est question de moi aujourd’hui, de qui je suis, et il faudra faire avec  ! Comme si je voulais jeter tout ça à la figure des gens  ! Je peux être très coléreux parfois et je voulais catalyser cette rage dans ma musique. J’ai vu et je suis passé à travers beaucoup de choses depuis mon dernier disques il y a trois ans et je voulais canaliser tout cela dans cet album. Même si ma vie va beaucoup mieux et que j’ai une carrière aujourd’hui je sens que je ne dois pas me taire, ne pas baisser les bras.

Quel a été le rôle d’Adrian Utlay  ?
Il a pu retranscrire mieux que je n’aurais jamais pu le faire les sentiments que je souhaitais faire passer dans les chansons en terme de sons et d’atmosphères. On s’est bien entendus, je lui ai expliqué si je voulais que tel morceau ait une ambiance effrayante ou triste et avec sa façon de jouer avec les sons il a pû transposer cela  : cela tient presque à de la magie pour moi  ! Créativement il est aussi sombre que moi. Mais à sa manière à lui.

Ce disque semble aussi plus sérieux, si c’est le bon adjectif  ?
Je voulais que l’album ait une sorte de densité, de valeur, qu’il signifie quelque chose. Mes icônes musicales sont PJ Harvey, Kate Bush, ce genre de femmes fortes qui n’ont pas peur du qu’en dira-t-on. Je pense souvent que les femmes sont plus fortes que les hommes car elles doivent sans cesse se battre.

Tu n’as pas peur de montrer que tu es gay à travers ta musique  : c’est important pour toi  ?
J’ai la chance de vivre dans un coin assez libéral mais je sais qu’il y a des endroits des Etats Unis où quelqu’un comme moi se ferait facilement lyncher. Et ce n’est parce que j’ai de la chance que soudain le combat s’arrête, au contraire. Je sens que je dois utiliser ma voix et ma musique dans ce combat pour l’égalité et l’acceptation des autres. Et ce n’est pas parce que je peux me marier que tout est plus simple.

Tu as toujours joué avec ton image avec audace , tu n’as peur que cela t’enferme dans une niche  ?
Oui je sais que faire une vidéo comme celle avec Arpad Miklos (RIP) pouvait choquer ou éventuellement me desservir mais cela fait partie de qui je suis  : depuis longtemps j’ai décidé de ne pas avoir honte ni peur, ou en tout cas de ne pas le montrer. Donc mettre du vernis rouge écarlate sur mes ongles ou déambuler en haut taons n’est pas si téméraire pour moi. Et puis il va falloir faire avec  !

En tout cas que vous soyez adeptes des garçons en talons ou pas, on ne saurait que trop vous pousser à bousculer vos préjugés et écouter cet album qui est l’un des meilleurs en ce début d’hiver. Osez un brin de folie, cela vous fera le plus grand bien  !