Du 13 février au 7 avril 2013, La gaîté Lyrique présente Arrrgh ! Monstres de mode. L’exposition hybride se situe au croisement de la mode et du phénomène du character design. une première internationale signée par le collectif grec, atopos.

Tout droit venu de Grèce, le collectif Atopos, baba de la figure humaine et du costume, s’apprête à faire trembler les sols de la Gaîté Lyrique, pendant plus de deux mois, à coups de monstres et créatures énig- matiques, s’inspirant des personnages et super-héros du design, de l’animation ou du dessin. Dans les grandes lignes, Vassilis Zidianiakis a trouvé l’idée, Angelos Tsourapas a collaboré, et Stamos Fafalios a mis en scène ce projet contemporain innovant dédié à la culture visuelle, qui avait déjà été présenté sous le nom d’Arrrgh! Monsters in Fashion à Athènes, en 2011.

À la genèse de l’expo, il y a un ouvrage d’Atopos intitulé « Not a toy : fashioning radical characters » (Pictoplasma Publishing Berlin, 2011), réalisé en collaboration avec Pictoplasma (à la Gaîté Lyrique, en décembre 2011) : «une première enquête approfondie sur l’influence croissante de la création contemporaine de personnages dans la mode».

Mais d’où vient cet engouement pour le character design ? D’abord présent dans le secteur de la publicité (aux Etats-Unis, puis au Japon), la production artistique et culturelle mondiale s’en empare dans les années 90, par le biais de l’humour ou du détournement. Ainsi, le street art, les jeux vidéo, l’animation, le cinéma, les art toys, le design d’objets, la mode et bien d’autres domaines, ont été touchés par le virus, dont la transmission, par la force des choses, numérique et virtuelle était inéluctable, à l’heure où les utilisateurs du net sont interconnectés, mènent plusieurs vies et possèdent un avatar personnel.

La tendance est à la métamorphose et la dissimulation : le visage tend à disparaître au profit du masque, le corps est méconnaissable, l’être devient hybride, entre homme et monstre. L’étrange et l’abstraction s’invitent au rendez-vous de la création de cette nouvelle espèce surnaturelle aux possibilités infinies, qui apparaît et envahit tous les supports, du papier à la toile, en passant par l’écran, la rue et, récemment, les mannequins des vitrines et podiums qui portent des quasi-costumes, tantôt monstrueux, voire inquiétants, tantôt grotesques, qu’eux seuls peuvent légitimement porter.

Un fait qui n’a pas échappé à Atopos, lequel a observé, longuement et de très près, son application dans le champ de la mode contemporaine. Là où la mouche du character design a piqué, la mutation est frappante : les designers expérimentent des silhouettes singulières et extravagantes, osent des textiles aux couleurs éclatantes, donnent à voir des formes et volumes extrêmes et audacieux… On assiste à une véritable redéfinition de la relation entre le corps et le vêtement, un bousculement des normes esthétiques établies, et une remise en question de la notion objective de la beauté.

Qui mieux, donc, que La Gaîté Lyrique – temple d’investigation des questions de société à l’ère numérique – pouvait accueillir cette monstrueuse- ment belle idée baptisée «Arrrgh!» pour exprimer «un vrai langage primitif», celui des nouveaux monstres que le visiteur est invité à rencontrer. D’ailleurs, l’exposition propose au public de revê- tir les masques de l’Allemand Boris Hoppek et des Grecs de The Brainstorm Design, afin de se fondre dans l’autre foule, pour mieux la comprendre et la regarder, au-delà de ses bizarreries : «Venez libres et ouverts pour rencontrer l’autre, accepter l’autre, même s’il est différent de vous!», recommande ainsi, chaleureusement, Vassilis.

Cinquante-cinq artistes (Sotiris Bakagiannis, Bart Hess, Paul Graves) et créateurs (Alexander McQueen, Issey Miyake, Jean-Paul Lespagnard ou encore, Walter Van Beirendonck,) de styles et notoriétés différents, quatre-vingt costumes et installations, voilà le programme qui forme, en fait, une seule et unique œuvre d’art. Pour l’identité graphique de l’exposition, le styliste londonien, Craig Green, a imaginé quatre monstres amusants et colorés, également protagonistes de la vidéo qu’il a réalisée avec David Curtis-Ring. Quant à la bande sonore, c’est l’artiste français, Freeka Tet, qui s’en est chargé. Aller voir Arrrgh! Monstres de mode, c’est faire un tour dans un monde à la fois ludique et fantasmagorique. À ne manquer sous aucun prétexte.

Arrrgh! Monstres de mode
Du 13 février au 7 avril 2013 à la Gaîté Lyrique
Paris www.gaite-lyrique.net
www.atopos.gr

Par Valentine Croughs