« On s’est battu contre des textes de l’académie de médecine soutenant que le tatouage appartient à des gangs, des drogués et homosexuels et ça, c’était il n’y a pas si longtemps que cela ! », confie Tin-Tin, tatoueur émérite et président du SNAT (Syndicat de professionnels). Avec ces quelques mots, il confirme que malgré un engouement visible et réel, le tatouage a dans la société, encore du chemin à faire. Pourtant, contre vents et marées, le Mondial du Tatouage renait de ses cendres, l’an dernier et avec 15 000 visiteurs, en ressort galvanisé pour une seconde édition dans les 10 000m2 de la Grande Halle de la Villette. Un événement orchestré par Piero et Tin-Tin, artiste tatoueur que l’on est allé sonder dans son fief de Pigalle…

C’est aussi ce même Tin-Tin qui, avec le Syndicat National des Artistes Tatoueurs (qui existe depuis 2003) s’est battu contre l’interdiction des encres de couleurs en France en ce début d’année 2014, mais aussi comme il le rappelle; « pour des stages adaptés à leur pratique ». Ce bonhomme tatoué, imposant, à la grande gueule toujours prête à faire marrer son assemblée, c’est Tin-Tin. Le tatoueur français à la renommée internationale qui a décidé de remonter, l’an dernier, avec son confrère Piero de Toulouse, le Mondial du Tatouage.

Tin-Tin

Crédit : Julien Lachaussée

Un nom qui résonne comme une lettre grecque dans l’oreille du quidam mais qui symbolise tous les efforts d’une communauté de tatoueurs et tatoués, qui représente dans ce pays : un français sur 10. C’est cette communauté en pleine expansion de 4000 professionnels aux quatre coins de notre territoire que défend ce tatoueur, au style hyper réaliste et japonisant, exerçant depuis 30 ans. Et c’est ce savoir-faire qui a permis la renaissance d’une convention oubliée à l’envergure incontestée : le Mondial du Tatouage. « Est-ce que ce n’est pas plutôt parce qu’on y met tout notre cœur que cela a de l’envergure », corrige Tin-Tin.

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Celui qui a accumulé autant de contacts internationaux, que de respectabilité en écumant pendant 30 ans à la fois conventions mais aussi shows, documentaires et même défilés de mode (prêtant ses services pour de faux – tatouages) est au cœur de l’effervescence d’un artisanat traditionnellement méprisé devenu une expression personnelle et surtout un art à part entière. « Effectivement il y a un engouement, mais qui était valable aussi il y a 13 ans ! (quand la convention s’est arrêtée, ndrl) Car le tatouage n’est pas une mode. Les gens qui se sont faits tatouer, le sont encore aujourd’hui. C’est exponentiel et ce n’est pas éphémère comme une tendance mais plutôt un moyen d’expression artistique mondial ». Le pavé dans la marre est jeté.

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Filip Leu /Suisse

Alors que le tatouage était perçu comme un signe de criminalité au début des années 1920, le 7,8, 9 mars il envahira la Grande Halle de la Villette avec plus de 300 artistes tatoueurs recrutés parmi la crème de la crème mais aussi une programmation musicale, des concours et même des expositions. Bref ! Plus qu’un aperçu, c’est l’univers du tatouage qui se montre de manière transversale dans toutes ses formes et ses inspirations. Car le mondial c’est avant tout cela, permettre au grand public de voir tout ce qui se fait de mieux pour pouvoir s’en inspirer…

« Le tatouage appartient à toutes les cultures, il touche aussi bien le hip hop, le rock ou celui qui veut se faire tatouer le visage de Johnny… » s’exclame d’un ton bourru l’artiste pour qui l’attente est de 6 à 8 mois avant de pouvoir se faire tatouer, et attention pas n’importe quoi « je choisis même beaucoup ce que je tattoo ! ». Dans son évolution le tatouage s’est de plus en plus identifié selon les particularités de ses instigateurs. Du moderne, new school en passant par le japonais ou le Dot, cette pratique a vu apparaître des visionnaires, des courants artistiques, des artistes majeurs et le tout à l’international.

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Une expression personnelle qui séduit aussi musiciens et personnalités d’aujourd’hui : « La programmation musicale est composée de gens tatoués car même si ce n’est pas une condition on essaie de rester dans cet environnement. Skip The Use et son chanteur Matt Bastard est plein de tatouages, cette année le président du Jury, Tété aussi, Da Silva qui l’était l’an dernier, Alizée ou encore Béatrice de Coeur de Pirate qui viendra en tant qu’aficionados au mondial, même si ils sont d’horizons différents, ils sont contents de venir pour un événement inhabituel qui traite d’un milieu qui les intéresse… » raconte Tin-Tin, en abordant justement la présence d’un artiste qui surprend dans ce paysage de rockeurs tatoués : Tété.

Président du jury, le musicien est aussi un passionné de tatouage qui a lancé en janvier sa webTV : « Tattoo by Tété ». « Il fait cela avec un côté candide que je trouve intéressant et surprenant » commente Tin-Tin. En effet, dans ce programme court, plutôt joliment réalisé, Tété explique certains symboles du flash traditionnel aka le tatouage de marin (initié par l’américain Sailor Jerry). Dans la seconde partie et pour mettre en lumière encore une fois le concept derrière le tattoo, Tété invite un de ses comparses artiste ou personnage tatoué à en parler. Un programme ludique qui se termine sur des conseils de santé, alors papa, maman…pas de quoi s’affoler pour vos enfants !

Le tatouage a sa place dans la communauté artistique, comme le confirmera dès le mois de mai, l’ exposition nommée : « Tatoueurs, tatoués » au Quai Branly. Une reconnaissance incomparable pour cet art ancestral exploré dans son intégralité et dont Tin-Tin est le conseiller artistique : « j’ai réalisé un tatouage sur une peau synthétique qui sert à l’affiche de l’exposition et j’ai pu participé aux échanges entre les artistes et commissaires de l’exposition pour obtenir une vision plus large, moderne mais aussi traditionnelle de ce qui se fait », explique-t-il, alors que le doux ronronnement de sa machine se fait de plus en plus pressant sur la poitrine de la demoiselle d’une demoiselle qu’il tattoo en même temps. La bonne trentaine, cette jolie blonde, commence à grogner “c’est normal que ça fait plus mal ici?”, Tin-Tin peu surpris, répond “ah oui!”.

Car il faut souffrir pour être tatoué, parait-il…Vous l’aurez compris, on se donne rendez-vous pour les plus aventuriers au Mondial du Tatouage le 7,8,9 mars mais aussi pour celles et ceux qui souhaitent jeter un oeil curieux sur un univers de tatoués qui n’a plus rien à envier.

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