Après Canine  et The Lobster, le réalisateur grec Yórgos Lánthimos nous surprend une nouvelle fois avec La Favorite. Une plongée délirante dans la cour de la reine Anne d’Angleterre, entre opportunisme, trahison et rivalité amoureuse. Un film de costumes dépoussiéré qui joue sur le fil historique grâce au talent qui n’est plus à prouver de la costumière Sandy Powell. Quand corps à baleine et jupons rencontrent des matières venues du futur, du cuir et du jean à la cour on n’avait encore jamais vu ça, le résultat est bluffant. Un nouveau coup de maître ou plutôt de ciseau remarquable pour la triple oscarisée du costume.

Elles lui ont toutes dis merci, Rachel Weisz, Emma Stone, Olivia Colman, toutes. Il est vrai que Sandy Powell a fait un fabuleux travail pour habiller ce triptyque déjanté. Comment respecter les codes de la cour où le protocole vestimentaire définit le rôle que chacun doit jouer quand ces rôles se trouvent bousculés par l’oeil de Yórgos Lánthimos ? Loin de faire table rase de cette époque riche visuellement parlant, Sandy Powell a tiré l’étoffe du bon côté comme elle avait su le faire pour Shakespeare in Love ou récemment avec Le Retour de Mary Poppins.

 

La subtile métamorphose d’une époque 

Il voulait des silhouettes historiquement justes avec un jeu de textures et de couleurs, elle les lui a donnée. Corset et panier pour les femmes, culotte, jabot et gilet pour les hommes y sont mais se trouvent extrapolés. Dans ce film, ce sont les femmes qui brillent. La reine Anne (Olivia Colman) tout en bouffants, robe à pois, tantôt trop maquillée tantôt pas assez. Mal à l’aise dans ces accoutrements comme elle l’est dans son rôle de reine à la fois colérique et autoritaire mais aussi d’une étrange sensibilité (une impressionnante collection de lapins dans sa chambre à la mesure du nombre de ses grossesses avortées). Autour d’elle gravitent la rivalité entre Sarah Churchill (Rachel Weisz) autoritaire voire masculine habillée en cavalière conquérante et Abigail Masham (Emma Stone) qui délaissera petit à petit son costume de servante entaché de boue pour venir copier les tenues de la reine jusqu’à lui faire de l’ombre.

«Elle s’est servie de matières inutilisées à l’époque. Du cuir noir et blanc, du jean… Des choses très anachroniques»

La Favorite place au contraire les hommes dans leurs retranchements. Le côté féminin des costumes masculins propre à cette époque est volontairement exagéré: perruques bouclées démesurées, rose à joue et mouche très marqués. Le pouvoir est laissé aux femmes.

Des costumes au coeur de l’intrigue

Côté couleurs, le cinéaste et la costumière se sont accordés sur la restriction:  noir ou blanc, un point c’est tout. “Comme dans un échiquier”, les personnages avancent dans l’intrigue en se mangeant les uns et les autres. Pas étonnant que les pois noirs de la reine se retrouvent subtilement dissimulés dans la capuche d’Abigail quand celle-ci fait de la concurrence à Sarah Churchill. Les hommes politiques sont quant à eux définis par les couleurs, les Tories en rouge et les Whigsen bleu. Une chose est sûre, Sandy Powell à le sens du détail et on ne peut que lui souhaiter l’oscar du meilleur costume pour La Favorite.

 

Pour un panorama complet sur l’Histoire du vêtement, “Histoire des modes et du vêtement : Du Moyen Age au XXIe siècle” de Denis Bruna et Chloé Demey, édition Textuel :