Il y a 11 ans, tu es partie du Japon pour étudier le cinéma à Paris, et voilà que tu fais de la musique. Atypique, non ?

Oui, c’est vrai que j’adore la culture et la chanson françaises des années 60 un peu yéyé. Au Japon, j’ai fait des études de langue française pendant 4 ans. De la grammaire, de la conversation, un peu de littérature et de géographie. Mais cela ne me suffisait pas, il fallait vraiment que je parte vivre à Paris. A 19 ans, j’y ai fait un séjour d’études d’un mois. Le matin, j’avais cours de français, et l’après-midi, j’étais libre, alors je visitais. A nouveau, ce n’était pas assez. Du coup, je suis revenue en 2001 et ne suis jamais repartie. 


Et pourquoi le cinéma ?

Au Japon, je faisais une thèse sur François Truffaut et le cycle Antoine Doinel. Je voulais étudier le cinéma en France, car il y a la Nouvelle Vague. N’ayant eu aucun diplôme au Japon, il a fallu que je recommence les cinq années d’études. Quant à la musique, j’en faisais déjà au Japon, car je m’exprime à travers la musique et le cinéma. Au fur et à mesure, toutefois, c’est plutôt la réalisation vidéo et clip, la technique, et moins le cinéma d’auteur qui m’intéressait. D’ailleurs, mon premier clip est très cheap, image par image, en stop motion. Il montre des raisins, d’autres fruits et du pain. Il s’appelle « Dance Music ».


Au Japon, tu avais donc un groupe ?

J’avais un groupe avec une amie japonaise : Crazy Curl. C’était bizarre, deux Japonaises qui faisaient de la bossa nova et chantaient en français.


Comment est née l’aventure The Konki Duet ?

A l’époque, j’habitais juste à côté de chez elle. On voulait aller au cinéma, mais il n’y avait aucun film qui nous intéressait, alors on est restées à son appartement. Elle m’a fait écouter la musique qu’elle composait alors sur quatre pistes. Elle en parlait très modestement, or c’était pas mal du tout. Je lui ai suggéré de continuer, mais elle s’en fichait un peu. « Pourquoi pas », disait-elle. Puis, nous avons développé sa musique, juste pour s’amuser. Jusqu’au jour où une date est tombée par hasard, alors que nous n’avions que trois morceaux. Nous avons quand même joué, et c’était rigolo, à Gare du Nord dans l’ancien local de notre label du moment, Active Suspension. Et Tamara, violoniste d’origine russe, nous a rejointes par la suite.


Comment vis-tu ton départ du groupe, après 10 ans d’existence ?

C’était le moment. Nous avions fait un beau troisième album, et si je ne me lançais pas pour ma carrière solo, je n’aurais fait convenablement ni l’un ni l’autre. Je ne voulais plus jouer sur les deux plans en parallèle. D’où ma décision de me concentrer sur ma carrière solo. Je pense que je ne le regretterai pas.


En 2008, tu avais fait un premier album, My Love For You Is A Cheap Pop Song, avec Active Suspension qui n’existe plus. Comment es-tu arrivée chez EMI ?

Michael, un ancien employé de chez EMI, a entendu passer ma musique, par hasard, dans une boutique du Marais. C’est lui qui a fait passer le mot.


Parle-moi des titres qui figurent sur ton EP… 

« Commencement » est un instrumental, sauf à la fin, car je chuchote « commencement », comme suggéré par mon producteur, Alf. Une bonne idée, je trouve. En fait, je suis plus douée pour composer, faire des mélodies qu’écrire. Je ne suis pas poète. J’écris les textes, mais la musique passe toujours avant. Si je pouvais, je ferais un album instrumental, mais cela ne se vendrait jamais. « Cœur frag » n’est pas très prolixe, mais cela parle à tout le monde. Le cœur brisé devient plastique, tu peux le jeter par terre. Je voulais faire de la trompette dessus et Alf a accepté. Pour « Chocolat », j’avais en tête d’inviter un black qui rappe, et Alf m’a suggéré Patrick, du groupe électro Twin Twin. Il avait préparé son texte, et tout de suite, il a été très performant. Cela l’a fait rire. Il disait qu’il était le fondant au chocolat et que j’étais la tarte au citron ! La musique d’« Ongaku », je l’ai composée avec un ami, dont le nom de scène est Viknet. A la base, ce titre devait être en japonais, puis finalement Zoé de Konki Duet m’a aidée à écrire en français. Je lui ai fait confiance, car elle écrit vraiment des textes sublimes. « Tadaima » signifie « Je suis rentrée », composée par l’ex-femme de Sakamoto, Akiko Yano, très connue au Japon. Récemment, je lui ai posté un message sur Twitter lui disant que j’avais repris sa chanson, ne sachant pas si cela allait lui plaire. Elle m’a remerciée d’avoir choisi son titre, et j’étais trop contente. J’aimerais la rencontrer pour lui donner cet EP, mais elle habite aux USA.


La pochette colorée, avec ce chat qui pose à l’infini, mérite quelques explications…

Le chat s’appelle Eclair, il est professionnel. Mais c’est dommage de dévoiler le secret. Parce qu’on pourrait dire que dans l’univers de Kumisolo, le chat multicolore existe. A vrai dire, c’est un chat blanc que nous avons emprunté. Nous lui avons fait subir de nombreux sauts pour la photo. Il y avait deux assistants qui tendaient un tissu noir et le dresseur le positionnait. Au milieu, le photographe disait à chaque saut : « Vas-y Eclair ». Au final, c’est lui qui a coûté le plus cher sur cette journée de shooting. Quant à la robe que je porte, elle vient de chez Rodier, marque plutôt vieille France avant, tandis que maintenant, tout y est plus moderne, adapté au corps et à la morphologie de la femme actuelle. 

par Valentine Croughs