On a voulu en savoir un peu plus sur la transformation de V.V. Brown après la sortie de son nouvel album “Samson &  Delilah” en totale rupture stylistique avec ses précédentes productions. Rencontre.  

– Pourquoi avoir voulu entrainer cet album vers quelque chose de plus électronique mais aussi de plus sombre que Travelling Like The Light ?

C’est important d’évoluer en tant qu’artiste. On ne peut pas empêcher l’esprit de s’imprégner tous les jours de nouvelles cultures, de nouveaux horizons… A tel point que parfois, la tentation de se laisser porter est quasi-impossible à refréner. Cet album est le produit d’un apprentissage. J’ai dû suivre mes envies tout en absorbant de nouvelles choses. La musique électronique ne m’a jamais parue aussi limpide, comme la sensation d’un “réveil” musical. J’ai eu besoin de grandir et d’expérimenter ce flot d’énergie car il m’a toujours semblé difficile de dissocier mon travail de que je suis. A ce titre, ce changement de perspective dans ma musique est clairement, une image de moi jeune fille, devenant une femme. 

– Comment s’est passée la collaboration avec des artistes comme Pascal Gabriel et Dave Okumu ?

Dave Okumu est un ami. J’ai beaucoup aimé travailler avec lui pour sa compréhension du concept d'”oeuvre” et l’attention qu’il porte à la relation entre l’esprit de l’image et le son. Il m’a énormément appris. J’ai rencontré Pascal Gabriel sur recommandation de mon label YOY Records. C’est un producteur incroyable, j’apprécie sa capacité à travailler avec des chanteuses moins “mainstream” et d’en sortir une électro-pop élégante.

– Les paroles de votre premier album venait de votre vécu aux USA, d’où vous est venue l’inspiration cette fois-ci ?

Principalement de films et de courts métrages, de comment les images font naître l’imagination. Pendant l’enregistrement, on avait un projecteur qui diffusait des vidéos pour nous aider à stimuler notre esprit. L’album raconte des histoires, combine les frustrations de ma vie d’artistes aux besoins d’imagination.

– Pourquoi avoir choisi le mythe de Samson et Dalila ? Vous avez coupé les cheveux de quelqu’un récemment (rires) ?

L’histoire de Samson et Dalila est une métaphore puissante sur la force et la faiblesse, symbolisée par la longueur des cheveux de Samson, coupés par sa compagne Dalila. Dans mon cas, Dalila représente l’industrie musicale et Samson l’Art. Je me suis sentie faible, comme si l’on m’avait coupé les cheveux, puis quand j’ai commencé avec mon nouveau label et à travailler sur ce nouvel album, je me suis sentie réinvestie. J’avais retrouvé ma force…mes cheveux ont recommencés à pousser !

– Ce nouvel album annonce aussi un nouveau look. Comment êtes vous passée du style “vintage années 60” à quelque chose de plus “néo futuriste égyptien” ?

Je me suis inspirée de la culture japonaise et plus particulièrement des Geishas qui ont joué un rôle prépondérant dans ma transformation visuelle. Je me suis surtout intéressée à décrypter  la puissance de la mode à travers des lignes graphiques simples plutôt qu’en étant toujours dans l’excentricité et le décalage. Je ne veux plus jamais être ‘décalée”, c’est bien trop facile.

– Vous qui aimez avoir le pouvoir sur votre look et votre image, comment s’est opéré le passage d’une major à un label plus petit ? Pensez-vous qu’un artiste se doit d’être control freak ?

Je suis une énorme control freak et je pense que chaque artiste devrait tendre à cet état d’esprit. Ton art, c’est ta vie. Personne n’a envie d’être la vision de quelqu’un d’autre. C’est libérateur et bien plus amusant de travailler de cette façon. Avoir son propre label et ses propres règles au moment ou l’on souhaite, c’est moins d’argent mais bien plus de temps centré sur l’art. Cela demande aussi plus de patience, plus de construction, mais on est pas obnubilé par les classements et les chiffres. Ce statut permet d’avoir moins de pression et plus d’espace pour grandir. C’est certes, stressant et un peu plus risqué, mais cela donne aussi une vraie dynamique pour faire de son art quelque chose de plus abouti.

– Pensez-vous qu’aujourd’hui les artistes devraient penser leur travail dans la globalité, intégrant la musique, le visuel, le look…?

A mon avis, les artistes devraient juste se concentrer sur leur travail. Je ne fais pas de business avec l’art, je fais de l’art pour un possible business, je tiens vraiment à ça. En fait, cela ne devrait pas être une globalité si ce n’est pas global. Qu’importe si ça marche à un seul endroit ou dans le monde entier, cela doit rester le plus pur possible. Je n’y pense plus à vrai dire. Peut être que je finirai par vivre dehors dans un abri en carton et sans le sous, mais mieux vaut ne pas finir ses jours dans un manoir avec quelque chose que l’on déteste. Si je peux avoir les deux alors, tant mieux mais malgré tout, je reste concentrée sur les fondamentaux et ne répond pas à l’appel du “global” dans mon processus de création. Si la qualité est là, les gens répondront tout de suite. La musique fait se rencontrer les esprits, il faut se sortir de l’emprise des statistiques.

– Vous êtes-vous “réinventée” sur ce projet ? Saviez-vous depuis le début quelle direction prendrait ce nouvel album ?

Je savais exactement où je voulais aller. C’était tellement excitant et j’avais tellement de chose à exprimer après “Shark In The Water”. J’avais besoin de cette nouvelle “VV”. Se réinventer est la clé pour moi, ça me maintient en vie.

– Avec qui aimeriez-vous travailler dans le futur ? Et pourquoi ?

Björk. Elle a tout pour elle. Si un extraterrestre débarque sur Terre, Björk serait la plus à même de représenter l’art, la musique et la créativité de notre planète. Sa liberté d’esprit et la connexion qu’elle possède avec le monde onirique sont au service de son art de manière quasi-surnaturelle. 

– Selon vous, quels sont les artistes les plus intéressants en ce moment ?

James Blake. C’est un génie. J’aime tout ce qu’il fait, j’apprécie son humilité et la passion qui l’habite. En ce moment, il y a aussi cette jeune artiste FKA Twigs, qui représente bien cet alliage entre force du visuel et son.

Propos recueillis par Joss Danjean

Traduction par Roméo Husquin