Muse ultime devant l’Éternel, on retrouve Arielle Dombasle là où l’on ne l’attend pas : airs sacrés, opéra, flamenco, pop française, elle passe d’un style musical à l’autre avec une facilité déconcertante et toujours avec brio. Cette fois, elle s’est mise au service de la musique de Nicolas Ker, figure de proue du groupe Pony Hoax pour un disque teinté rock, punk et noir et qui porte en son sein les secrets d’Arielle. L’album empreint de romantisme noir s’intitule La Rivière Atlantique.

On retrouve cet étonnant tandem dans un salon cossu de l’hôtel Raphael à Paris, un lieu chargé d’histoire pour la famille d’Arielle, le temps d’un shooting et d’une entrevue haute en couleur.

Photos : Alex Brunet / Style : Tiphaine Menon / Interview : Joss Danjean

Arielle, voici un nouveau disque et donc une nouvelle collaboration ?
Nicolas  : Moi, je vais te raconter ! Nous nous sommes rencontrés Arielle et moi au Cirque d’Hiver. Moi je chantais avec mon groupe Pony Hoax et Arielle se produisait là-bas aussi. Au début, nous nous sommes regardés en chiens de faïence mais au final, nous avons terminé tous ensembles, avec le groupe et Arielle, après le concert. Au matin, nous nous sommes retrouvés en compagnie de filles qui font du burlesque.
Arielle : Il s’agissait de ces danseuses burlesques américaines qui ont du reste été filmées par Mathieu Almaric pour son film Tournée.
Nicolas  : Arielle a rencontré Matthieu Culleron qui a suivi Pony Hoax durant deux ans avec sa caméra. Mais en fait, tout cela prend racine beaucoup plus tôt : quand j’avais 16 ans, alors que j’étais en pleine période Nick Cave, Cabaret Voltaire et consorts, j’avais vu un film que j’avais adoré et ce film c’était Les Pyramides Bleues, réalisé par Arielle justement. Je lui ai donc avoué que son film avait beaucoup marqué l’ado que j’étais et que j’avais rêvé de la rencontrer. Et de là nous avons sympathisé et nous en sommes venus à faire un disque ensemble. Et même un film d’horreur ! [rires !] En fait, nous sommes mis à nous voir pendant que j’enregistrais un disque, Les Faubourgs de l’’Exil, et j’ai demandé à Arielle de venir faire des chœurs sur l’un des titres. Puis nous avons enregistré une chanson qui s’intitule « Cartegena ». Ensuite, sa manageuse a proposé qu’on fasse un EP ensemble. Du coup, nous avons enregistré quatre chansons puis on a poussé jusqu’à faire un album ! Mais rien de tout cela n’était prémédité. Nous nous voyions, nous échangions des idées sur plein de sujets, nous parlions musique bien sûr mais sans finalité avouée. Les choses sont venues de manière naturelle et expérimentale, chemin faisant.
Arielle : Nicolas a la plus belle voix du rock. Et l’écriture, le timbre de la voix, ce qui est dit, ça bouleverse ! Et pour moi, c’est cela qui compte avant tout !
Nicolas  : Moi, j’en joue un petit peu. J’écris des choses sur des feuilles, mais je m’en fous et je balance tout. Arielle collecte tout ça et on en fait des chansons ensuite.
Arielle : Il s’agit d’une prosodie, un rythme, des paroles, des signifiants et des mondes qui sont tellement singuliers, tellement forts et en même temps tellement inédits.

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Une nouvelle fois, Arielle on vous retrouve dans un registre inédit.
Arielle : À mon sens les choses se correspondent, s’équilibrent, font partie de toute une géométrie, de toute une cosmogonie même.
Nicolas  : Et maintenant il y a un film ! Ça va s’appeler Alien Cristal Palace ! J’ai trouvé le titre en utilisant Random Name Generator : j’ai tapé trois fois et le nom est sorti ! Ensuite on a écrit un script. Ce film c’est un élan de folie après l’album, que je trouve très réussi d’ailleurs.

Ce projet de film fait-il partie de cette aventure discographique ?
Arielle : Le film est né de cette « Rivière Atlantique » et qui est un peu le corpus inconscient de la Rivière. À partir de ces haïkus, de ces secrets que je lui ai révélés par fragments, s’est constituée cette plongée dans l’inconscient et dans les forces qui nous animent et nous échappent. On retrouve cela dans La Rivière Atlantique, il y a des territoires inexplorés qui ne peuvent être révélés qu’au moyen de l’agencement des mots et de la musique. Cela ne peut passer que par là. Ces choses-là ne peuvent être que comme cela.

Pourquoi ce titre La Rivière Atlantique ?
Arielle : Dans ce que j’ai livré à Nicolas, il y a cette idée de transatlantique. Moi je suis franco-américaine et élevée au Mexique. J’ai raconté à Nicolas que ma mère, à la question qu’on lui posait toujours lorsqu’elle était enfant, à savoir si elle préférait la France ou l’Amérique, répondait : « Je préfère le bateau ». C’est comme ça qu’est né l’album.

Cela induit donc l’idée de voyage…
Arielle : Et d’exil, de traversée…

Comment avez-vous articulé votre travail commun?
Arielle : Nicolas m’a initié à toute une galaxie de musiques étonnantes. J’ai pû me rendre compte qu’il est l’un de ceux qui connaît le mieux l’histoire du rock. Des Stooges en passant par les Floyd mais aussi Bowie, Morrissey, Hazelwood, jusqu’à l’inspiration iconographique du Velvet Underground. Et puis il y a eu aussi la rencontre avec tout un groupe de musiciens qui a été très inspirante pour moi.
Nicolas : Pour ma part j’ai écrit et composé les chansons et choisi les musiciens avec qui nous avons enregistré. Mais la présence d’Arielle à mes côtés a été déterminante. Pour le film, c’est Arielle qui va le réaliser car moi je ne sais pas faire. Mon domaine c’est la musique. D’ailleurs on va aussi enregistrer une BO pour ce film !
Arielle : C’est-à-dire qu’en même temps que nous faisions l’album, moi je faisais des images. Je fais toujours des images underground sans les montrer quand je travaille sur un album. Donc, parallèlement, à chaque morceau correspond un clip. Et c’est comme cela que s’est fait la transsubstantiation du son à l’image, en partant de cette partie visuelle-là. Ce film est l’occasion de la figuration des inconscients et des forces qui nous animent et qui nous dépassent.
Nicolas : Ce sera très psychanalytique. Au départ je voulais qu’on fasse un film d’horreur. D’ailleurs j’ai fait découvrir à Arielle les maîtres italiens du genre comme Dario Argento, Mario Bava ou George Romero.

À la première écoute, l’album est un peu sombre sans toutefois tomber dans le désespoir ou le négatif…
Nicolas : effectivement ce n’est pas du tout un disque désespéré.
Arielle : Et outre la musique, il y a aussi cette communauté de goùts que nous partageons. Cela inclut des artistes comme Lovecraft, Philipp K. Dick (qu’il m’a fait découvrir car que je ne le connaissais qu’au cinéma), le romantisme noir, nous adorons tous les deux Baudelaire, toute cette période du club des hashischins, Barbey d’Aurevilly…
Nicolas : Arielle m’a d’ailleurs offert le miroir de Barbey d’Aurevilly. Franchement c’est la classe ! J’avais peur de le voir dans son miroir !
Arielle : Il est aussi question de toute la flottille des morts qui accompagnent les vivants.

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Vous avez des tempéraments assez différents tous les deux…
Nicolas : Moi, je m’adonne volontiers à l’ivresse. Mais Arielle reste toujours d’une sobriété exemplaire.
Arielle : Pour moi l’idée de l’appréhension du monde de Nicolas, c’est Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry. Et c’est quelque chose que je connais : c’est le Mexique, c’est toute mon enfance et mon adolescence, c’est ce rapport à l’alcool…
Nicolas : D’ailleurs Malcolm Lowry est eurasien comme moi…

On vous a entendue dans beaucoup de registres, mais vous surprenez aussi sur cet album par votre manière de chanter assez inédite. Ici c’est un peu comme découvrir une nouvelle Arielle…
Arielle : C’est un peu comme lorsque l’on fait des films avec des réalisateurs différents. Moi, j’aime bien être quelque chose avec Ruiz, autre chose avec Schröder, autre chose avec Robbe-Grillet et encore autre chose avec Rohmer. Et en musique c’est pareil. Je viens d’un territoire qui est celui du baroque avec Purcell, Rameau, Haendel qui sont la base de mon apprentissage musical. Ensuite, j’ai fait très peu d’opéra, beaucoup d’airs sacrés ; j’aime les requiems, les motets, les cantates.. Et je me suis promenée dans d’autres styles au gré de mes diverses collaborations.
Nicolas : Je l’ai beaucoup empêché de chanter sur l’album (Rires !) je lui ai beaucoup demandé de susurrer mais à certains moments précis, je voulais avoir cette dimension baroque et là, elle a cette capacité incroyable. Elle est impressionnante !

En tout cas, vos deux voix se marient de manière assez unique.
Arielle : C’est copernicien : ça fonctionne mais on ne sait pas vraiment pourquoi. C’est l’harmonie des sphères !

Quels sont les chemins empruntés par cet album ?
Arielle : Je pense que parfois il s’agit de sanglots, parfois de prières, et parfois, de jubilation.

ROBE HERVE LEGER COLLIER PORTE EN CEINTURE ELIE TOP
ROBE HERVE LEGER
COLLIER PORTE EN CEINTURE ELIE TOP

Arielle Dombasle/Nicolas Ker
La Rivière Atlantique
(Pan European Recordings)

Tous nos remerciements à l’Hôtel Raphael – 17 Avenue Kléber 75116 Paris 

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FOURRURE TIBI

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