Miss Meatface est un personnage SM coloré, imaginé par la photographe américaine Kat Toronto, qui prend elle-même la pose pour ses photographies enjouées. L’artiste originaire de San Francisco place son personnage fétiche et dominant, “Miss Meatface”, dans des situations ordinaires de la vie et souvent dans un décor kitsch, aux antipodes de l’imaginaire collectif sur ce monde méconnu et fantasmé. Nous avons rencontré l’artiste afin d’en savoir un peu plus sur elle, son travail et son engament féministe.

Kat Toronto / Miss Meatface

D’où viens-tu ? Peux-tu m’en dire plus sur ta carrière ?

Kat Toronto : Je viens de la baie de San Francisco, j’ai étudié au California College of Arts pendant deux ans puis je suis partie au Kansas City Art Institute où j’ai obtenu mon BFA en design textile en 2005. Pendant dix ans, j’ai travaillé en tant que bibliothécaire et il y a trois ans, j’ai quitté ce travail pour suivre mon cœur (et mon art). J’ai déménagé à Londres pour être avec mon mari et travailler à plein temps dans la photographie.

Quand as-tu commencé la photographie ? L’as-tu étudié à l’école ou es-tu autodidacte ?

KT :Mon père est photographe donc j’ai été exposée dès mon plus jeune âge à la photographie. C’est lui qui m’a acheté mon tout premier appareil photo (un Kodak Instamatic) et de là, je suis devenu accro. J’ai étudié la photographie pendant un an à l’université, mais curieusement, mes parents n’ont pas approuvé, alors je suis rentrée à contrecœur dans le design textile. Aujourd’hui, je travaille à plein temps en tant que photographe et c’est merveilleux !

“Pendant dix ans, j’ai travaillé en tant que bibliothécaire et il y a trois ans, j’ai quitté ce travail pour suivre mon cœur (et mon art).” Kat Toronto aka Miss Meatface

Kat Toronto / Miss Meatface

As-tu des idoles dans la photographie ou d’ailleurs ? Si oui, lesquelles, et pourquoi te fascinent-elles ?

KT : Quand j’étais petite, mon père m’a fait découvrir le monde merveilleux des photographes telles que Cindy Sherman et Diane Arbus. Dès le début, j’ai été très inspirée par ces deux photographes féminines. J’adore également le travail de Pierre Molinier pour son surréalisme sexuel et rêveur, celui de Seydou Keïta pour son utilisation exquise du motif, le flou de Larry Sultan entre la photographie documentaire et la mise en scène, et bien sûr, les photographies dans les magazines fétiches vintage comme “Exotique”,”Bizarre” et “AtomAge”. Je suis aussi passionnée par la mode et le costume dont les univers de Vivienne Westwood, Alexander McQueen, Colleen Atwood et M. Pearl.

Comment définis-tu ton style photographique ?

KT : Il s’agit d’autoportraits photographiques surréalistes.

Kat Toronto / Miss Meatface

Tu es ton propre modèle et tu prends les photos en même temps, comment est-ce possible et pourquoi utilises-tu ce procédé ?

KT : Lors des prises de vues avec mon appareil numérique, j’utilise un déclencheur à distance sans fil qui est une minuscule télécommande que je maintiens tout au long de la prise de vue. Les caméras Polaroid vintage que j’utilise ont un retardateur, du coup, je dois donc courir entre chaque prise ce qui est une sorte de défi ! De temps en temps, j’ai des amis qui m’aident si je sais que ça va être un tournage complexe, mais la plupart du temps, c’est juste moi, un trépied et la caméra. J’ai choisi ce processus parce que c’est ce qui convient le mieux à mes concepts.

Tu aimes jouer avec les contrastes et placer des personnages fétiches dans des décorations très colorées et kitsch, pourquoi utiliser cette ambivalence ?

KT : Il y a quelque chose de fascinant quand on juxtapose le kitsch des napperons et des tissus floraux aux looks sexy et fétiches car il est  merveilleux et subversif de transposer le fétichisme dans un univers où votre grand-mère ou grande tante pourrait être, comme dans un salon à l’heure du thé.

Kat Toronto / Miss Meatface

Comment as-tu découvert la communauté “BDSM” et pourquoi cela t’inspire ?

KT : Ma fascination pour le monde fétiche et le BDSM a débuté à adolescence où j’ai commencé à faire des recherches sur le sujet. Plus tard et pendant un moment, je suis également devenue de plus en plus impliquée dans le mannequinat fétiche et j’ai participé à des événements fétichistes de la région de la baie de San Francisco. De plus, j’ai toujours été obsédée par la mode et le costume et je me suis vite rendu compte qu’il y avait un lien très étroit entre le fétichisme et la mode et cette connexion m’a beaucoup plu. Petit à petit, j’ai commencé à incorporer des éléments liés à cet univers dans ma photographie et d’autres projets créatifs .

En quoi le latex est une matière intéressante pour toi ?

KT : J’ai longtemps été attirée par le latex qui est une matière utilisée aussi bien dans la mode que dans le monde fétiche et le BDSM. J’adore la façon dont il épouse superbement les courbes du corps et brille sous les lumières. J’aime aussi comment il peut immédiatement vous transformer en ce que vous désirez. Voilà pourquoi j’aime l’incorporer dans ma garde-robe “Miss Meatface”.

“j’ai toujours été obsédée par la mode et le costume et je me suis vite rendu compte qu’il y avait un lien très étroit entre le fétichisme et la mode” Kat Toronto aka Miss Meatface

Kat Toronto / Miss Meatface

Comment choisis-tu tes modèles ?

KT : L’ensemble du processus de tournage Meatface est une expérience incroyablement intime et j’implique des personnes avec lesquelles je suis très proche. Les deux principaux modèles qui sont présentés dans les shootings sont généralement mon mari ou un ami très proche qui partage des intérêts similaires avec le monde fétiche.

Quels messages veux-tu transmettre avec tes photos ? Comment transmets-tu un message féministe via votre travail ?

KT : J’aime jouer avec les stéréotypes liés aux genres et mettre en valeur la domination et la soumission dans les relations. Dans mon travail avec Miss Meatface, je préfère faire des commentaires sociaux et/ou politiques d’une manière enjouée, tout en suscitant (je l’espère), des questions et des conversations chez des personne afin qu’ils se posent des questions plus larges sur la société dans son ensemble.

Kat Toronto / Miss Meatface

“J’aime jouer avec les stéréotypes liés aux genres et mettre en valeur la domination et la soumission dans les relations.” Kat Toronto aka Miss Meatface