Ex-directeur artistique d’Adidas, Dirk Schönberger a repris la tête de la création de MCM il y a un an en présentant une collection qui résonne encore dans nos têtes et nos tympans. En  réinventant les fondamentaux de la maison née en 1976 à Munich, cet amoureux de la musique et de l’art a réussi à retranscrire toute l’ADN techno et disco allemande dans ses fameux sacs et autres outfit sportswears. Des collections qui parlent désormais à des artistes comme Billie Eilish avec qui il a collaboré cette saison. Rencontre.

A ton arrivée chez MCM il y a un an,  la marque présentait sa collection prêt-à-porter 1976 pour le printemps-été 2019. Un retour au lieu de naissance la maison, Munich, fief du disco et de la vie nocturne à cette époque. Une évidence pour toi ? 

Quand je rejoins une marque j’adore regarder dans ses vieux grimoires, dans son passé. MCM a une histoire très riche. La marque est née dans la période où Munich et la société allemande plus généralement était  très glamour, hédoniste, extravertie. Quand l’Allemagne de l’est était quant à elle beaucoup plus industrielle et sombre, pas aussi festive… Freddy Mecurry a vécu à Munich, c’est ici que Giorgio Moroder a enregistré les plus grands hits de Donna Summer. C’était naturel que la première marque de luxe allemande de voyage soit fondé dans cette ville.

C’était important pour toi de rendre hommage à l’itinéraire de la marque, de Munich jusqu’à Berlin, son nouveau siège ? 

Oui c’est l’ADN de la marque, le voyage, c’est ainsi que tout a commencé. Je vois toujours MCM un peu comme un avion qui est allé à New York et s’est imprégné de la culture hip-hop, puis a fait une escale en Corée et s’est mêlé à sa pop pour finalement atterrir à Berlin et son terrain techno incroyable. L’idée de ‘From Berlin to dico techno” était exactement ça.

Tu n’étais qu’un enfant durant cette période mouvementée, comment tout ce bouillon musical a eu un impact sur toi ?

J’avais un grand frère qui avait 7 ans de plus que moi du coup j’écoutais également ce qu’il écoutait. Il était un peu plus rock que disco. Personnellement  j’appréciais aussi  l’électro mais aussi la punk et la new wave. J’étais toujours plus intéressé par des morceaux inédits, novateurs.

Tu étais aussi inspiré par les looks des personnes autours de toi ?

Tout à fait. J’avais l’aspect rebelle de là où je grandissais. Quand j’étais adolescent ma mère me disait toujours « je ne sais pas quelle couleur de cheveux tu auras demain matin». J’arrivais au petit déjeuner avec un blond platine ou un rouge vif. Un look assez décollé donc mais aussi avec un côté plus classique. Quand mon grand-père est décédé, j’ai récupéré ses vieux costumes pour ensuite les remettre à mon goût. J’adorais ce look des années 60. Une chose est sûre, je ne voulais pas appartenir à tel ou tel groupe. En résumé j’adore tout ce qui fait du bruit.

C’est la raison pour laquelle tu as toujours eu cette aisance à connecter la mode et la musique.

Oui, ça peut sonner un peu cliché mais la musique et l’art mais aussi la littérature sont les fils conducteurs de la mode. J’adore l’écrivain allemand Arno Schmidt, son écriture était très expérimentale, il avait presque une approche scientifique et j’adore ça dans la mode aussi. C’était un avant-gardiste,  à l’image des premières collections d’MCM.

Les collections d’MCM ont quelque chose de très visuel, tu affectionnes l’art ? 

J’achète énormément d’art de jeunes artistes berlinois, trop probablement mon appartement sature. Avec MCM on a ouvert un espace galerie dans notre enseigne de Tokyo. On a fait l’ouverte avec le photographe Juergen Teller et on recevra prochainement Alicjia Kwade. J’adore les artistes jeunes mais aussi ceux qui ont plus de bouteille comme Francis Bacon.

 

Pour Adidas tu as remis au goût du jour des classiques de notre vestiaire comme la Stan Smith. Désormais avec Mcm tu t’attaques à la valise de voyage. Les accessoires ont un pouvoir ? 

Ma réponse ne va pas être très romantique. On doit limiter ce que l’on transporte et avoir les mains les plus libres possible aujourd’hui. Ce soir, vous ne rentrerez peut-être pas chez vous, nous ne sommes plus sédentaires. C’est pour ça que le sac à dos a été un tel succès pour MCM. Regardez le retour de la banane chez les festivaliers. 

Pourquoi cet attrait tout particulier pour le sportswear que l’on a pu voir avec la collaboration d’MCM avec Bape? 

J’ai toujours été attiré par la mode en général. J’adore ce qui est fait main, sur mesure, c’est pourquoi le tailoring a été mon premier amour. Mais en même temps la tradition n’est pas toujours d’actualité. Donc que pouvons-nous faire de cette dernière?  Un clash entre le côté structuré du tailoring et déstructuré du sportswear! C’est une chose à laquelle je me suis adonné depuis que j’ai lancé ma propre marque au milieu des années 90.

Une alliance que tu concrétises au quotidien avec MCM, ça a été facile de mettre ta patte?  

On a la chance d’avoir ce logo omniprésent, matière inépuisable à création. De travailler avec une marque qui a cette connexion émotionnelle avec le consommateur aussi. Avec Adidas c’était presque trop simple car il y a tellement de choses que les gens connaissent déjà de la marque aux trois bandes . MCM donne aussi plus de liberté car la marque n’a pas l’histoire d’une maison de luxe française, italienne ou américaine. Nous sommes une marque très internationale, on est un mixe très éclectique d’influences, la raison pour laquelle je ne considère pas MCM comme une marque allemande.

Musicalement,  on a pu voir des pointures comme Nas, Mary J.Blinge ou encore Diplo porter du MCM. Récemment, tu as collaboré pour la collection automne-hiver 2019 avec Billie Eilish qui vient d’être nommée Femme de l’année 2019 par Billboard, elle n’est pas trop jeune ? 

J’adore son attitude, sa musique, son look, l’âge n’était pas une question qui avait lieu d’être. Je l’ai choisi car elle va à l’encontre du mainstream tout en touchant un large public. Elle est une porte-parole de sa génération, j’adore les gens qui prennent position. Je pense que tout ce qu’il y a de nouveau démarre avec une rébellion adolescente, cette énergie a toujours changé la société.

Et toi, en tant que petit jeune de 53 ans, est-ce que tu sors à Berlin? 

J’ai peu à peu échangé ma vie en club avec les restaurants. Mais ça ne veut pas dire que je ne reste pas attablé jusqu’à 4 heures du matin ! (rires) Mais chaque fois que je me décide à aller en club ça me rappelle combien d’énergie je reçois de la musique et des personnes emportées dans cette espèce de capsule. J’ai besoin d’une dose des deux en réalité.