Angèle est une perle rare tout droit débarquée de Bruxelles. Elle sort aujourd’hui son tout premier album intitulé Brol. La jeune femme de 22 ans séduit petits et grands avec ses mélodies pop, ses paroles engagées et un second degré à toute épreuve. Rencontre.

Photos Julot Bandit – Style Nicolas Dureau – Maquillage Cyril Laine – Cheveux Sayaka Otala / Angèle porte une veste Gucci et des boucles d’oreilles Atelier Swarovski

On t’a découvert sur Instagram avec tes montages vidéo dans lesquels tu chantais. Depuis quel âge écris-tu des chansons ?

Angèle : J’ai toujours fait de la musique. La première fois que j’ai écrit une chanson (qui ressemblait à quelque chose), j’avais 16 ans. Il s’agissait d’une chanson en anglais et elle parlait du mauvais temps en Belgique.

De quoi t’inspires-tu généralement pour l’écriture ?

A : Je m’inspire de ce qui m’entoure, de ce que je vois ou de ce que je vis. Je suis incapable d’écrire des chansons sur ce qui ne me touche pas, de près ou de loin. J’écris souvent sur des sujets négatifs que je détourne de manière légère. Quand il s’agit de sujets sérieux ou trop premier degré, j’essaye d’utiliser des mots relativement simples afin d’apporter une touche d’innocence. 

D’ailleurs, ton univers est très second degré, notamment dans tes clips « La Loi de Murphy » et « Je veux tes yeux ». Comment as-tu entretenu ce second degré et cet univers surréaliste ?

A : C’est comme ça que je suis dans la vie. Cela me vient également de la peur d’être enfermée dans quelque chose de trop sérieux. J’utilise l’humour dans n’importe quelle situation car il me permet de fuir les moments gênants et difficiles de la vie. L’humour permet de se défendre de toutes les attaques.

Tu entretiens tout le temps cette notion de second degré, même dans ta vie privée ?

A : Pas toujours parce que, parfois, il y a de vrais problèmes à gérer, dont on ne peut pas rire et je suis plus sérieuse qu’on ne le pense. Ma famille (et surtout ma mère) a toujours essayé de désamorcer les situations dramatiques et je pense avoir récupéré ce trait de caractère. Même dans les moments difficiles, nous essayons de garder une certaine légèreté.

Interview Marie Zawalich – Photos Julot Bandit – Style Nicolas Dureau – Maquillage Cyril Laine – Cheveux Sayaka Otala / Angèle porte un ensemble Gosha Rubchinskiy, des bottes Gucci et des boucles d’oreilles Atelier Swarovski

Dans ton album Brol, tu parles beaucoup d’amour…

A : L’amour fait partie de ma vie. Tomber amoureux, c’est très fort ; la rupture l’est également. Il n’y a rien de comparable à l’amour dans la vie. Je suis très romantique, je crois à l’amour et aux couples qui durent dans le temps. J’ai toujours su qu’un jour, je rencontrerai quelqu’un et ce serait la bonne personne car je reste persuadée qu’il y a peu de personnes qui nous correspondent. Quand tu as la chance de rencontrer une personne compatible, il suffit de surmonter les difficultés. Dans mes chansons, je parle aussi beaucoup de frustrations, notamment celles des ruptures ou de l’amour à sens unique.

Tu parles aussi beaucoup des réseaux sociaux qui font forcément partie de ta génération et on a l’impression que tu les aimes autant que tu les détestes…

A : Ils font partie de mon métier et, malheureusement, peut-être de ma vie. Je ne les déteste pas car sinon je les fuirais. Mais je les vois surtout comme un outil, alors qu’avant je les voyais plutôt comme un divertissement et une manière de m’exprimer librement sans codes. J’aimais l’idée de pouvoir faire ce que je voulais et de chanter. Instagram m’a aussi servi de tremplin pour devenir chanteuse.

Concernant le titre de ton album Brol, qu’est-ce qu’il signifie ?

A : C’est un mot court et très familier qui est beaucoup utilisé à Bruxelles. « Brol » signifie désordre ou bordel, un peu comme des objets accumulés dans ton sac, dans ta chambre ou sur une table. Il s’agit d’une manière de parler de sujets différents dont on ne peut pas se séparer tels que la jalousie, l’amour, la frustration ou encore la flemme.

Photos Julot Bandit – Style Nicolas Dureau – Maquillage Cyril Laine – Cheveux Sayaka Otala / Angèle porte un ensemble Gucci et des escarpins Isabel Marant

Ton succès a été fulgurant ces derniers mois, tu as fait la première partie de Damso et d’Ibeyi. Comment ta vie a changé depuis ?

A : Ma vie a changé, mais finalement elle avait déjà beaucoup changé à partir du moment où j’ai décidé de faire de la musique mon métier. C’était un peu brutal, mais c’était un choix et tout c’est fait de manière crescendo. Il y a un an, j’ai ressenti un choc lorsque j’ai commencé à travailler pour les premières parties d’artistes, que j’ai tourné le clip « La Loi de Murphy » et que le projet s’est installé. Je suis devenue une chanteuse avec un projet et je me suis posée des milliers de questions auxquelles je n’avais pas forcément les réponses.

Comment s’est passée la première partie de Damso d’ailleurs, lui qui a un public résolument différent du tien ?

A : Comme n’importe quelle première partie : c’était difficile et assez ingrat car tu arrives devant un public qui n’a aucune idée de qui tu es. Les premières parties sont obligatoires pour grandir car tu es dans des conditions de concert, ce que je ne connaissais pas avant. C’était un entraînement dur, mais j’en garde un très bon souvenir.

Dans ton album, tu as écrit la chanson « Balance ton quoi », est-ce que tu peux me parler de sa signification ?

A : « Balance ton quoi » fait évidemment référence à « Balance ton porc », mais je ne voulais pas me l’approprier. « Balance ton porc » a lancé un débat génial. J’avais envie de parler du sexisme et de la manière dont il me touchait. C’est une chanson qui se positionne avec un axe féministe, de mon point de vue personnel avec mon statut de jeune fille relativement privilégiée. J’avais envie de parler des remarques sexistes que je subis et du sexisme de différentes manières. 

Photos Julot Bandit – Style Nicolas Dureau – Maquillage Cyril Laine – Cheveux Sayaka Otala / Angèle porte un top Filles à Papa, un pantalon en cuir Acne Studios, une doudoune Aigle, des basket Gucci et des boucles d’oreilles Atelier Swarovski

Le féminisme est donc un sujet qui te touche particulièrement ? 

A : Bien sûr, j’y suis très sensible. N’importe quelle jeune fille (même sans le savoir) est féministe, mais le mot a tendance à faire peur. J’ai moi-même longtemps pagayé lorsqu’on m’en parlait, mais j’ai toujours eu des convictions féministes sans même connaître le terme. Ce mot est encore mal perçu dans la société et pas uniquement chez les hommes. Il y a tellement de choses à dire sur le sujet que je pourrais lui dédier un album entier, même si j’ai encore des choses à apprendre. 

Plusieurs de tes clips ont été réalisés par Charlotte Abramow. J’ai l’impression que vous êtes sur la même longueur d’onde ?

A : Dès le début, je souhaitais avancer avec des gens de manière intime (que ce soit pour la direction artistique, le son ou l’image). J’essaye de travailler en équipe, avec peu de personnes afin de rester maîtresse des projets. Il faut que ça colle humainement et artistiquement. Charlotte m’a donné une image magnifique tout en s’adaptant à ma personnalité. Nous avons eu beaucoup d’idées ensemble, notamment pour le clip de « La Loi de Murphy » qui, grâce à sa patte, est explosif et coloré.

Photos Julot Bandit – Style Nicolas Dureau – Maquillage Cyril Laine – Cheveux Sayaka Otala / Angèle porte un pull AMI et un trench Louis Vuitton

Dans ta chanson « La Loi de Murphy », tu chantes le refrain en anglais. Est-ce que tu as déjà envisagé de chanter exclusivement en anglais afin de rendre ta musique internationale ou chanter en français reste ta priorité ?

A : Cela m’ennuie de penser de manière stratégique, même si je ne suis pas à l’abri de le faire un jour. Mélanger le français et l’anglais est quelque chose qui peut déranger les gens dans le sens où ça ne va pas plaire à certains francophones et anglophones ; l’entre-deux peut être compliqué. Beaucoup d’artistes l’ont déjà fait et j’avais envie de le faire aussi. J’aurais du mal à chanter uniquement en anglais par ailleurs.

Qu’est-ce que ça fait de monter sur scène avec son propre frère (Roméo Elvis, ndlr) et de chanter devant des milliers de personnes ?

A : C’est vraiment cool et très émouvant à chaque fois. Lors de mes premiers concerts, j’étais tellement émue que parfois je me retrouvais submergée : il m’arrivait de pleurer, je me demandais comment j’allais faire pour dépasser cela. Heureusement, l’habitude forge et j’ai réussi à entretenir une certaine distance afin de rester concentrée. Aujourd’hui, j’arrive à mieux gérer mes émotions.

Tu es sensible ?

A : Oui, hyper sensible. Avec Roméo, j’ai du mal à prendre du recul et je suis toujours très émue. Chacun des concerts que je vois de lui est toujours très fort.

Quel rapport entretiens-tu avec la mode ?

A : Mon rapport est partagé. Quand j’avais 15 ans, je prenais des cours de couture et je faisais mes propres vêtements. Les choix que je faisais était rudes, notamment mes choix des couleurs. Puis, je me suis désintéressée. Je peux adorer m’habiller comme n’avoir aucune envie de me saper. Parfois, je me dis : « À quoi bon, ce ne sont que des vêtements » et parfois j’ai envie, tout dépend du moment.

Si tu devais créer ta marque, quelle serait ta pièce signature ?

A : Ce serait une pièce super confortable parce que si je ne suis pas à l’aise, ça se voit directement et je n’ai aucune allure.

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Angèle Brol (Initial Artist Services)

Découvrez ANGELE en live:
21 November – Vooruit, Gand
26 + 27 November – Ancienne Belgique, Bruxelles
30 November – Trix, Anvers