Première marque australienne à défiler officiellement sur Paris, Strateas.Carlucci, créée en 2010 par le duo Mario-Luca Carlucci et Peter Strateas, ouvrait les défilés hommes du P/E 2016. Une marque au minimalisme chic sans passer par la case «strict» qui ne nous a pas laissés indifférents.

Nous avons rencontré les deux créateurs quelques jours après leur défilé au showroom de l’agence RMO dans le 9e arrondissement de Paris. Les acheteurs et les appels seront nombreux à interrompre notre conversation, témoins du succès et de la curiosité que rencontre la marque. Le duo s’est approprié une pièce blanche et lumineuse dans laquelle contrastent parfai- tement les couleurs sombres et les imprimés dystopiques de leur collection estivale. Une musique electro-lounge flotte dans l’espace tandis que Mario-Luca Carlucci et Peter Strateas viennent à notre rencontre. Rapidement, on comprend leur dynamique, c’est Carlucci qui gère la communica- tion de la marque. Ce qu’il nous confirmera en riant à la fin de l’interview : « Désolé que Peter n’ait pas pu rester, je parle beaucoup de toute façon. »

Comment décrirais-tu l’identité de Strateas.Carlucci ?
Le vêtement reste notre priorité. Au final pour nous, il s’agit sur- tout de découpes et de pièces de qualité. Nous sommes une marque très conceptuelle, ce qui veut dire que nous partons toujours d’une idée que nous construisons et déconstruisons pour chaque saison. Ce procédé nous rend la collection plus inti- miste et je pense que c’est ce qui permet d’aboutir aux pièces que nous produisons. C’est aussi à propos de qui nous sommes et ce, autant en tant que marque qu’en tant que personnes, nous étendons ces deux aspects à différents médias.

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Ce n’est pas juste de la mode donc…
Non, non, la mode est bien entendu le résultat final mais c’est bien plus que ça. Je pense que lorsqu’on crée une marque, on crée aussi un lifestyle, on invite les gens dans ce monde que l’on crée à partir d’images et d’idées. C’est ce qui pour moi rend une marque attrayante.

On vous décrit souvent comme une marque minimaliste, qu’est- ce que cela signifie pour vous ?
Pour nous le minimalisme c’est surtout se concentrer sur d’autres éléments : une silhouette déga- gée, un tailoring irréprochable et un focus sur les détails, la fabri- cation du vêtement. C’est ce qui nous inspire dans cette esthétique. Mais nous ne nous défi- nissons pas comme minimalistes pour autant, c’est une approche avec laquelle nous travaillons depuis les trois dernières saisons, tout peut changer. En tant que jeune marque, nous découvrons qui est notre clientèle et qui nous sommes en tant qu’individus. En grandissant, les idées changent et évoluent constamment et c’est ce qui est excitant dans cette industrie.

Présentez-nous votre collection P/E 2016.
Notre collection s’appelle « Myo- pia », elle reflète l’idée selon laquelle la mémoire se transforme et se fait manipuler avec le temps. On aime cette idée de manipula- tion et de distorsion du psycho-logique. On a utilisé l’œil comme point de départ visuel et nous avons joué sur l’idée de distorsion de silhouette et de proportions et aussi de détails de textures et d’imprimés qui peuvent fonctionner comme des déclencheurs, comme si le tissu se mettait à parler.

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Comment vous situez-vous face au mouvement slow fashion ?
Nous avons toujours une sensibi- lité classique envers l’habillement et l’idée que l’on peut revisiter les mêmes pièces à chaque saison. Ce qui nous passionne, c’est de créer un produit de qualité qui durera, non pas un que l’on porte une seule saison. Nous ne sui- vons pas les tendances, il s’agit de créer notre propre esthétique. On ne s’attend pas à ce que les gens les portent de la même manière que lors des défilés mais plutôt qu’ils les arrangent à leur manière.

Vous êtes la première marque australienne à présenter à Paris. Quand l’avez-vous appris ?
Il y a seulement quelques semaines [Rires]. Ça faisait un moment qu’on discutait avec la Fédération mais nous n’étions pas sûrs d’être dans la programma- tion officielle. C’est une première importante pour nous, autant en tant que Strateas.Carlucci qu’en tant que marque australienne.

On connaît peu la scène mode australienne, peux-tu nous en parler ?
Il y a une sorte de stéréotype quand on parle de la mode aus- tralienne, on évoque surtout la culture plage et surf qui sont une partie de la culture mais pas son ensemble. L’Australie est en train de devenir une destination culturelle avec des villes phares comme Melbourne qui change et évolue rapidement et constamment. Il y a beaucoup de designers talentueux qui émergent dans ce bouillonnement. Pour nous, la mode australienne c’est surtout une attitude relax, une approche sans effort dans la manière de s’habiller. Je suis d’origine ita- lienne, Peter d’origine grecque. En Australie tout le monde vient d’ailleurs, c’est une histoire unique et je pense que c’est la meilleure définition de l’Australie.

Modzik explore la musique via le prisme de la mode. Quel est votre rapport à la musique ?
La musique est une part importante de qui nous sommes en tant qu’individus et cela se reflète sur notre travail. On est inspirés par énormément de choses, pas d’ar-tistes ou de genres en particulier mais plutôt par la connexion créative que l’on peut effectuer à travers des paroles ou une ambiance. Et la mode est également un outil pour les musiciens donc c’est une relation essentielle.

Et la scène musicale austra- lienne ?
C’est une scène imposante, sur- tout à Melbourne qui attire énormément de groupes et un tas de genres musicaux différents. Beaucoup de musiciens vivent là-bas, c’est un marché prospère et l’une des seules villes où il y a de nombreux concerts ou d’open mic. C’est vraiment une ville qu’on adore. Nous avons plein d’amis musiciens et on collabore avec eux sur différents projets.

L’année a commencé fort pour vous, que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Pour nous, il s’agit de se dévelop- per lentement, petit à petit, c’est aussi ça l’idée de slow fashion : grandir naturellement. On veut aussi continuer à défiler à Paris, et intéresser nos clients autant à Paris qu’à l’international. Avec un peu de chance, on aura une bonne base ici à Paris et puis à Melbourne aussi. C’est ça le plan ! [Rires] STRATEAS-CARLUCCI-PARIS-FASHION-WEEK-0051