On ne va pas cacher qu’on espérait, de la part des Dum Dum Girls, un album un peu plus rageur et foutraque. Malheureusement, I Will Be sonne parfois artificiel. Qu’importe : les filles sauront sans aucun doute le défendre sur scène et restituer aux compositions de Dee Dee la dose de craderie qu’elles méritent.

 

À l’époque de ton premier EP, Dum Dum Girls n’était pas encore un groupe…
Oui, j’ai toujours voulu avoir un groupe, mais je n’arrivais pas à trouver les personnes avec qui ça collait. Ça fait par contre des années que je connais Frankie, qui a été batteuse pour Vivian Girls et Crystal Stilt. Pareil pour Jules et Bambi, ce sont de vieilles copines mais on était toutes éparpillées aux quatre coins des États-Unis, on n’avait jamais joué ensemble. Mais quand on s’est retrouvées toutes les quatre au CMJ en 2009 et qu’on a fait un concert, c’est devenu une évidence : on s’était trouvées.

Pourquoi avoir endossé initialement un nom au pluriel ?
Oh, je ne sais pas, c’était pour faire ma maligne : une moitié de Iggy Pop, une moitié de The Vaselines (pour leur album Dum-Dum, ndlr), ça sonnait bien. C’était important, pour toi, d’avoir une formation 100% féminine ? Essentiel : j’aime le rock féminin, notamment pour la performance live. Les groupes de filles ont une énergie différente, peut-être un peu plus fragile mais aussi plus ouvertement sexy. J’adore ce genre de concerts.

Alors qui est l’homme qu’on entend chanter sur «Blank Girl» ?
C’est mon mari, Brandon Welchez, qui fait partie du groupe Crocodiles.
Au moment d’enregistrer, je me suis rendu compte que c’était une chanson qui fonctionnait comme un ping-pong verbal. Je ne me sentais pas d’endosser tour à tour les deux discours, alors j’ai pris un air mignon et je le lui ai demandé gentiment…

«Blank Girl» est justement une chanson très révélatrice de l’esprit sixties qui règne sur l’album.
J’adore les harmonies vocales : c’est donc une musique vers laquelle je suis naturellement portée. Il y a quatre ans encore, à part quelques rudiments de piano, je ne jouais d’aucun instrument. Mes qualités musicales sont donc plus du côté de ces harmonies, qui sont à la base de toutes mes compos.

En revanche, le son de l’album est beaucoup plus policé que ce que vous faites en concert : pourquoi ce choix?
Mon premier EP était vraiment crade. Même si j’adore ce son lo-fi plein de distorsion, là, j’avais envie d’ouvrir ma musique à un public plus large. Et puis ça met vraiment en avant les voix, ça permet de mieux saisir les fameuses harmonies dont je parlais. 

Les énergies sont assez différentes d’un morceau à un autre : il y a quelques chansons vraiment nerveuses, qui tranchent avec le reste du disque. Tu as tout écrit en même temps ?
Oui, quasiment : ça m’a pris huit mois en tout. C’est marrant que tu dises ça, j’ai l’impression que c’est assez cohérent… C’est un disque de chansons d’amour, un disque assez teen, qui parle de la peur, de la perte, de la mort. Des sujets banals en pop, mais des thématiques qui m’intéressent quand j’écoute une chanson.

À quel point te sens-tu héritière du mouvement riot grrrl et surtout, qu’est-ce que ça signifie, en 2010 ?
Je suis moins agressive, moins politique globalement. Je vis plus la musique que je fais comme un hommage à l’ado que j’étais, à cette fille qui voulait ressembler aux Babes in Toyland, dans son petit bled de la Côte Ouest. J’adorais porter des robes de princesse avec des collants déchirés. Ma tante m’avait refilé toutes ses robes de bal de promo : c’est de là qu’est venu mon goût de la frippe. J’étais fan de Pretty in Pink, bien entendu.

Et pourtant, tu ne t’habilles qu’en noir…
Oui, car en quittant l’enfance, je suis sortie de ce fantasme infantile d’une féminité à la Marilyn Monroe. Je me suis mise à considérer l’élégance comme étant l’apanage de filles comme Audrey Hepburn. Le noir a cette finesse.

C’est toi qui a demandé aux autres filles du groupe de ne porter que cette couleur?
Oh, elles ne m’ont pas attendue de toute façon, mais oui, je trouvais ça important de nous créer une identité visuelle.
En parlant de ça, j’aime bien le tatouage sur ton majeur.
(Elle dresse fièrement son doigt où s’inscrit « Dum Dum ») T’as vu ? On a fait ça en octobre, toutes les quatre. Cool, non?

Dum Dum Girls, I Will Be (Sub Pop / Pias) www.myspace.com/dumdumgirls 

Propos recueillis par Mathilde Janin
Photo : Thomas Paquet