Boy réunit la Zurichoise Valeska Steiner (basse) et Sonja Glass (chant), originaire de Hambourg. Produit par Philipp Steinke, leur premier album Mutual Friends est une pépite optimiste aux sonorités pop, folk et électro. Rencontre avec les demoiselles sur la terrasse ensoleillée du Café A de Paris.

Comment vous êtes-vous rencontrées ?

S : Durant un workshop à Hambourg, une sorte de speed dating pour jeunes musiciens s’étalant sur six semaines. Ce n’est pas un stage pour apprendre un instrument, c’est vraiment fondé sur la rencontre de personnes qui veulent démarrer quelque chose. Beaucoup de musiciens allemands se trouvent là-bas et forment un projet,un groupe.

V : On était une cinquantaine, il y avait le choix. Sonja et moi nous sommes rencontrées dès le deuxième « rendez-vous », et la connexion est apparue de manière évidente, immédiatement. Ensuite, après le workshop, je suis rentrée en Suisse où j’habitais à l’époque. Ce n’est que deux ans et demi plus tard, lorsque j’ai déménagé à Hambourg, que j’ai recontacté Sonja, en 2008. C’est à ce moment-là que tout a réellement commencé. 

Que faisiez-vous avant Boy ?

V : Je faisais déjà partie d’autres projets musicaux à Zurich, en tant qu’auteur-compositeur interprète pop. Un jour, j’ai senti qu’il fallait que je passe à autre chose, que cette histoire-là touchait à sa fin et que je devais bouger, d’où l’idée de venir à Hambourg.

S : Pour ma part, je travaillais comme bassiste.J’ai rencontré pas mal de groupes et artistes allemands différents. Si la plupart du temps, on me sollicitait pour des concerts, il m’est aussi arrivé

de travailler en studio. 

Avez-vous étudié la musique ? Était-elle déjà présente dans votre famille ?

S : J’ai commencé par une formation classique en violoncelle, puis j’ai étudié la basse aux Pays-Bas. Chez moi, personne ne faisait de la musique, mais ma mère était photographe et elle peignait beaucoup. Elle n’était pas musicienne mais s’intéressait fortement à l’art en général. Du coup, elle m’a toujours soutenue.

V : Je n’ai pas suivi de cours de musique. Et si mon père aime prendre un instrument, n’importe lequel et jouer un peu, on ne peut pas parler pour autant de carrière musicale sérieuse (rires). Comme Sonja, mes parents ont toujours été très ouverts à l’art et ont été très heureux de découvrir que j’appréciais faire de la musique. C’est un immense cadeau d’être soutenue de cette manière par les siens, surtout quand les parents sont étrangers au milieu de la musique. C’est important de savoir qu’ils croient en nous. À mes débuts à Hambourg, mon père me téléphonait pour me demander : « Mais que fais-tu de ta journée ? ». Je ne lui en veux pas, car c’est dur pour eux d’imaginer à quoi ressemble ce métier au quotidien.

Si la musique n’existait pas, quel serait votre métier ?

S : Je n’aime pas faire des photos, mais par contre, cela ne me dérangerait pas d’habiller les modèles, d’être styliste, car j’adore les tissus.

V : Je ne sais pas trop. J’ai travaillé pour une station radio avant, et j’ai bien aimé, mais je ne pourrais pas en faire toute ma vie. À la limite, pourquoi pas quelque chose en rapport avec les fleurs…

Pourquoi avez-vous choisi un patronyme masculin ?

V : On cherchait un nom pour nous décrire, et on ne trouvait rien. Alors on a simplement décidé de prendre l’opposé de ce qu’on est, et ça marche parce que cela interpelle les gens, ils s’en souviennent du fait de ce petit twist : derrière Boy, il n’y a pas ce à quoi on s’attend.

Comment décririez-vous votre musique ?

V : À deux facettes. D’un côté, nous sommes très attachées aux histoires, aux paroles auxquelles on voulait laisser de la place. Mais de l’autre, on ne désirait pas non plus faire un album trop épuré, uniquement avec voix et guitare acoustique. On imaginait des arrangements plus imposants. C’est le cas au final, avec une impression  de légèreté et de transparence en bonus.

À partir de quel moment datez-vous le début de l’aventure Boy ?

S : On a commencé à jouer très tôt, alors même qu’on écrivait encore les chansons. Plus on jouait, plus on construisait le projet.

V : Le live a été le déclencheur. Je pense surtout à notre tournée allemande, l’an dernier, en première partie. C’était la dernière étape avant la sortie de notre album. Pas mal de monde nous a connues via nos concerts, ce que je trouve bien et plus naturel. Les gens ont le sentiment de découvrir un nouveau groupe par eux-mêmes, sans qu’il n’ait été recommandé par qui que ce soit.

S : Et puis est venu le temps de trouver un label. Notre manager a fait deux rounds de démarchage avant que Grönland, notre label actuel, nous dise : « On veut bien faire votre album, on aime vraiment ce que vous faites ». Un facteur de motivation énorme pour nous.

À quel moment votre producteur Philipp Steinke est-il intervenu pour la première fois ?

S : Philipp est un vieil ami avec qui j’ai joué souvent. C’est un très bon batteur et je l’ai présenté à Valeska.

V : Il a commencé à nous aider dès les premiers essais, au tout début. Pour tout dire, l’enregistrement était achevé quand on l’a présenté au label qui nous l’a pris tel quel. On n’a rien dû changer, ce qui est une chance énorme.

Pensez-vous déjà à écrire un nouvel album ?

S : Oui, bien sûr, mais nous n’avons pas le temps, car nous jouons énormément.

V : Nous sommes toutes deux assez lentes pour écrire. Je collecte des petites idées de paroles parci, par-là, tout le temps.

S : Mais moi, pour la partie instrumentale, j’ai besoin de temps et d’espace, de mes instruments et de mon home studio, que je ne peux évidemment pas trimballer avec moi en tournée.

V : On préfère prendre notre temps, comme pour notre premier album, plutôt que de foncer avec le risque de ne pas être satisfaites à la fin.

 

Propos recueillis par Valentine Croughs

Photos_Thierry Lebraly

Réalisation_Muriel Quoix