En 2016 la voix de Gossip prenait son indépendance. Se détachant pour la première fois de ses deux acolytes, Beth Ditto signait un premier Album solo aux contours plus personnels, Fake Sugar. Un concentré aussi âpre que suave, terriblement addictif. Le coeur de la chanteuse s’y est posé dans les nombreux remous de sa vie. Mais depuis quelques temps, ladite Beth Ditto avait laissé entendre la possibilité d’un retour à plusieurs. Des spéculations vite confirmées avec l’annonce de nombreuses dates européennes cet été pour la célébration  des 10 ans de l’album culte du groupe: Music For Men. Un retour qui fait chaud au coeur à Beth tout comme à nous.

 

La dernière fois que Modzik est venu à ta rencontre ( Modzik #52) nous t’avions demandé ce que Fake Sugar, ton album solo, signifiait pour toi. Peu certaine encore de la réponse tu nous avais demandé de réitérer le coup une prochaine fois. Nous revoila donc! 

C’était la première fois que j’enregistrais de A à Z sans Gossip. C’était un sentiment bouleversant, effrayant mais aussi très libérateur. Trouver de nouveaux partenaires pour suivre ce nouvel élan créatif a été le plus compliqué. J’ai beaucoup appris sur moi-même mais aussi sur ce que j’avais apporté à Gossip. Ecrire des paroles est une chose qui nous expose émotionnellement parlant d’autant plus dans un projet solo. Sans groupe, il n’y a personne derrière qui se cacher et à la fin toute la responsabilité m’appartient. Fake Sugar est un disque très “adulte” dont la visée était de trouver mon indépendance et nouvelle voie à suivre quand l’énergie de Gossip était totalement épuisée. C’était exactement ce que j’avais besoin de faire à cette période de ma vie et maintenant je suis très excitée par la suite à venir.

Tu as présenté ce nouvel album lors d’une tournée européenne Eté 2018. Comment as-tu vécu ce nouveau contact avec le public sans Gossip ? 

C’était dur! J’ai travaillé avec les mêmes personnes depuis mon adolescence, il y avait véritablement ce sentiment de “famille” quand on était en tournée. Etre dans une nouveau groupe de personnes m’a donné l’impression d’être adoptée par une nouvelle famille et de partager une intimité avec de parfaits inconnus. Cela prend du temps de créer une alchimie ensemble sur scène et en dehors. Les premiers concerts ont été périlleux , je dois l’admettre. Mais sur scène je me nourris de ce chaos, j’adore quand les choses tournent mal, donc je fais avec! Et à la fin de la tournée, nous étions tous si proches! Je les adore! C’était vraiment un cadeau d’apprendre à les connaître et de faire preuve de créativité avec eux.

 

Ta carrière solo a aussi été ponctué de nombreux remous personnels, ta séparation avec ton ex-compagne, ton nouveau copain, ta vie partagée entre les US et l’Europe…

Je vis encore à plein temps aux US et saute dans un vol pour Londres quand le travail m’appelle. Même si je pense qu’il n’y a jamais eu un temps aussi propice à foutre le camp des Etats-Unis. Oui j’ai divorcé à la fin de l’année dernière. Honnêtement, ça a été un bouleversement, triste mais positif pour nous deux. Je suis tombée éperdument amoureuse de Teddy, qui joue de la basse dans le groupe et ça a été deux ans de pur bonheur! C’est un homme doux, calme mais aussi très drôle. Il me canalise et fait de moi une meilleure personne.

Reprendre ce contact a été génial et très drôle! Et bien sûr j’ai oublié la moitié des paroles de nos chansons!

 

Es-tu excitée à l’idée de retrouver ta famille musicale avec Gossip ? 

Oui! Nous étions des bébés en Arkansas, on a tous bougé à Olympia et voyagé à travers le monde ensemble. Ces expériences vous lient aux gens. C’est comme une famille dans le sens où comme avec ta famille biologique vous voulez parfois vous entretuer mais ils sont dans ton coeur pour toujours. Cet éloignement nous a changés, nous avons grandi et sommes devenus plus sages. Mais reprendre ce contact a été génial et très drôle! Et bien sûr j’ai oublié la moitié des paroles de nos chansons! (rires) Hannah est devenue je ne sais comment une batteuse encore plus incroyable et la gratte de Nathan toujours aussi bonne. Nous avons aussi ajouté un petit nouveau à l’équipe: Gregg Forman qui faisait partie des Delta 72 et qui a joué avec Cat Power pendant de nombreuses années.

Pourquoi avoir décidé de célébrer les 10 ans de Music for Men ? Qu’est-ce que cet album représente ? 

C’est un peu l’album qui a tout changé pour nous. Nous avons été très chanceux de travailler avec Rick Rubin et d’avoir finalement assez d’argent pour l’enregistrer. On a enregistré Standing In The Way of Control en 7 jours, avec Music For Men on a passé 3 mois en studio et ça a vraiment été l’occasion de nous tester et de repousser nos limites. Nous sommes passés des petits clubs au début de l’enregistrement à être la tête d’affiche de Bercy à sa fin. Partout mais tout particulièrement en France nous avons eu énormément de soutien pour porter l’album. On a rencontré des visionnaires à cette époque avec notre label et dans l’univers musical français où nous avons trouvé de très bons amis, dédicace à  Delphine Ferre, Elodie Bensoussan, Geraldine Sarratia, Stephane Saunier, Frederic Baldo, que des gens trop cool! Ce disque était un cadeau, une grande étape à célébrer.

 

Tu t’es senti plus enclin à parler avec la voix et l’énergie de Gossip pour des questions actuelles telles que la politique ou encore la question du genre ? 

Je parle avec ma propre voix et je l’ai toujours fait! Fake Sugar comportait beaucoup de chansons d’amour alors qu’avec Gossip il y a plus de chansons sur la colère politique et les utiliser aujourd’hui et plus que jamais d’actualité. Mais je n’ai jamais arrêté de parler de ça. Les personnes Queer ne peuvent s’arrêter de parler de politique et de genre car nos vies sont constamment en danger. Et en tant que personne blanche, nous sommes dans un moment critique pour se lever et confronter cette répugnante suprématie blanche et nationaliste qui bout partout. Nous devons nous soutenir les uns et les autres.

 

Pourquoi avoir choisi les scènes européennes pour célébrer cet anniversaire ? 

J’ai le sentiment que l’Europe nous a toujours mieux compris, les goûts culturels y sont plus risqués et intéressants. Il y a 10 ans de cela, quand l’album est sortie il n’y avait pas de place en Amérique pour une grosse/lesbienne/féministe et chanteuse dans un groupe. Mais l’Europe n’en avait rien à faire. Je ne dis pas que le sexisme, la grossophobie ainsi que l’homophobie n’existent pas là-bas mais il y a une certaine ouverture d’esprit que nous avons moins. Il était donc logique que nous voulions jouer ces titres une nouvelle fois dans un endroit où on les apprécie vraiment.

 

Est-ce que cette réunification annonce la renaissance du groupe ? 

Personne ne le sait ! xoxoxo