Pile dans un mois, la première édition du festival City Sounds aura pour dessein de te déboîter la cervelle dans l’enceinte du Centquatre. La scène rock’n roll 60’s indé de San Francisco est en ligne de mire et la déflagration viendra de toutes parts, sous toutes formes, des White Fence à Moon Duo, des Thee Oh Sees à Ty Segall. Et justement, parlons de ces San-Franciscains qui foutent la gomme dans des genres voisins du garage, de la noise, du lo-fi… Parlons de ces deux groupes, prolifiques à se damner et dont la soif musicale ne tarit pas.

Si pour certains, les accouchements musicaux sont douloureux avec une gestation longue et pesante jusqu’au geyser et l’album tant attendu. D’autres vivent plutôt bien la chose. Ils en sont même férus. C’est le cas des Thee Oh Sees et Ty Segall, chaque bande menée par un sacré « leader ». Les Thee Oh Sees viennent de loin, l’élaboration du projet trouvant sa cohérence dans les débuts de John Dwyer en 1997, alors qu’il cumule les expériences et projets au sein de divers groupes. On se souvient notamment des Coachwhips, noise punk d’une crudité absolue qui exultait en live. Peu à peu le projet Orinoka Crash White (OCW) prend de la place dans la vie de John Dwyer et un véritable trio finira par se former. Sortira alors en 2006 The Cool Death of Island Raiders, premier album sous le nom de Thee Oh Sees. Le trio deviendra ensuite un quator, le son d’abord simple aux influences parfois proches des Mamas & the Papas trépassera en devenant hardiment d’une lourdeur garage, punk. L’album Help de 2009, première sortie sur leur label actuel In the Red Records, marque l’évolution parmi toutes les autres sorties d’EP, d’albums studios, de compilations…Des sorties à n’en plus finir qui nous donnent le tournis. La dernière sortie date d’avril dernier avec l’album studio Floating Coffin, et le son s’est acéré, asséché. La voix de Brigid Dawson est dorénavant plus en retrait, préférant les chœurs et l’enveloppement de la voix de John Dwyer. Mais rassurez-vous, les fuzzs sont toujours là, les accents folks d’antan aussi. Et on remue, on « rock » sans vergogne dans le passage creusé par Tunnel Time dans les souterrains du rock crado. Toe Cutter laisse les guitares roucouler et pousser des brouhahas. Night Crawler t’entraîne dans des tourbillons empreints de noirceur. Stimulant.

Notons ici avant toute chose que John Dwyer est l’heureux créateur de Castle Face Records, label qui loge entre autres les Fresh & Onlys, White Fence avec les Thee Oh Sees et Ty Segall. Ty Segall et son groupe,  qui sont les protégés de John Dwyer et possèdent, oh combien de points communs,  avec les Thee Oh Sees. Ty Segall, fameux meneur avec ses 26 ans, a mis les pieds dans la marmite musicale en s’impliquant dans plusieurs projets. Souvenez-vous, si vous le pouvez, des Epsilons. Il commença ensuite une carrière en solitaire en 2008 avant de se constituer une petite équipe le menant à sortir albums, EP… à foison. Cette année a déjà été l’occasion de plusieurs rééditions ainsi qu’un LP et un album studio prévus autour d’août. Poussant vers un style plus lo-fi, mais sans nul doute nourri au punk, garage et j’en passe, leur son semble plus dense que celui des Thee Oh Sees, plus détruit et violenté. Mais Ty ne se contente pas de mariner dans son jus, il expérimente et va autant vers le garage pop, que le garage plus punk… Dernièrement, on peut notamment souligner la sortie d’un 7inch Ty Rex volume 2 pour le Disquaire Day. Le disque révèle de lourdes guitares sages, avec notamment une reprise de T-Rex. S’il pullule d’idées, si ces deux bandes aux deux meneurs vont clairement dans la même direction, Ty Segall serait actuellement en pause. Et c’est effrayant. De quel son va-t-il nous terrasser à son retour ? Où va-t-il essayer de nous perdre ? Ces deux gangs de la côte ouest monopolisent les décibels de leur zone géographique, deux trempes d’énervements qui font trembler la baie de San Francisco.