Dans le coin bleu, Letherette ou Richard Roberts et Andy Harber de leurs vrais noms. Deux jeunes anglais qui ne se prennent pas (trop) au sérieux. Frères “de coeur” dans la vie depuis leur rencontre à l’âge de onze ans ils vivent dans la petite bourgade de Wolverhampton (dans le top 5 des pires villes du monde). Issus d’une formation musicale maison “on fumait des joints et on se faisait plaisir […] Wolverhampton est la ville parfaite, il n’y a RIEN à faire !” ils ont sorti une tripotée de remixs et d’edits, quelques dates dans les clubs anglais qui amorcent la montée des jeunes britanniques quand, survient en 2012 la signature sur le prestigieux label Ninja Tune, le duo explose à la face de la scène électro européenne.

Dans le coin rouge, Stephen Wilkinson a.k.a. Bibio, originaire des West Midlands (tout aussi pourri que Wolverhampton), musicien homemade lui aussi, Il étudie les Arts Sonores à l’université, études qui joueront un rôle déterminant dans les sonorités mises en place dans les différentes compositions de l’artiste. Attaché à “dame nature” (le -bio de son pseudo n’y est peut être pas pour rien) Wilkinson accorde dans sa musique une place de choix aux bruits du monde qui l’entoure. Tous les trois amis dans la vie, c’est pourtant sur le ring de Modzik qu’ils s’affrontent aujourd’hui.

LET’S FIGHT.

Le “letherette” en anglais, est ce que le skaï est au cuir en français. Pas vraiment de grande qualité, un peu cheap sur les bords, mais une valeur sûre, quoi qu’il en soit. Le nom était donc tout trouvé pour la musique que les deux anglais allaient entreprendre. Leurs premiers EP regorgent de boucles hip-hop lo-fi comparables à un J Dilla un poil plus funky. En témoigne des titres comme Blad ou Clip Your Wingsla recette est quasiment toujours la même, un beat hip-hop sur lequel plane le fantôme de Dilla, des samples un peu saccadés et le tour est joué. Plus efficace, c’est difficile à trouver! Mais le duo ne se repose pas sur ses lauriers et les productions un peu screwed laissent place, avec la sortie de leur premier album éponyme Letherette à des tracks bien plus travaillées où le hip hop s’efface devant la house. Des titres plus à même de faire danser les masses en somme. Notamment sur le featuring avec Natasha Kmeto Restless ou The One. Malgré tout, la fibre Letherette reste bien présente et l’on retrouve volontiers quelques beats bien sentis sur I Always Wanted You Back voir Cold Clam.

Bibio quant à lui puise la force de sa musique dans la nature, jusqu’à son nom qui vient d’une mouche que son père utilisait lorsqu’ils allaient pêcher dans le Pays de Galle. Le son de Bibio prend forme de manière quasi-scientifique. Enregistrements de rivières, chants d’oiseaux et autres vents, le producteur aime travailler dehors; loin des studios et lorsqu’il se décide à rentrer c’est sur de l’analogique que Wilkinson travaille. Ce rapport au vivant donne une musique hybride, à mi-chemin entre l’abstract hip-hop et quelque chose de plus folk. Après plusieurs EPs chez Mush Recording basé à LA, Bibio rentre au pays pour signer sur le label britannique Warp grâce au bouche à oreille effectué par Boards Of Canada en autres. Il sort Ambivalence Avenuequi pourrait se résumer à une rencontre entre les Beach Boys et Flying Lotus (All The Flowers pour les Beach Boys et Sugarette pour Flying Lotus). La dualité habite Bibio et lorsqu’il sort le printemps dernier son septième album Silver Wilkinson, c’est avec un son plus psyché-pop que jamais qu’on le retrouve. Les mélodies rêveuses emplies de spleen de The First Daffodils ou Sycamore Silhouetting côtoient quelques productions hip-hop dignes des plus grand (cf. le très très très lourd You). On ne change pas une équipe qui gagne.

Le match très serré voit tout de même gagner Bibio, bien plus pop que ses deux amis de Letherette (auteurs d’un brillant remix du tube Lover’s Carvings), l’anglais possède un arsenal plus complet, et du coup, plus efficace. Cependant la musique reste une fête pour les trois. Rien d’intellectuel, ni de trop inaccessible, les britanniques replacent l’humour et la légèreté au centre du débat et ça fait du bien !