Le week-end dernier a eu lieu l’élection de la Miss France 2016. Cela fait bientôt 70 ans que ça dure et toujours autant de paillettes et d’artifices. Mais, derrière tout ce fatras de décors, de costumes et de projecteurs, un malaise de plus en plus grand s’installe…

Mais où sont passées les bonnes paroles d’Emma Watson lors de son discours à l’ONU et de sa campagne « HeforShe » ? Mais où peut-on lire sur les visages de Jean-Pierre Foucault, Sylvie Tellier, et autres.. cette volonté de relever le challenge du pouvoir des femmes à l’égal des hommes ? Est-ce à travers ces jeunes femmes aussi frêles qu’une brindille qui claudiquent mal assurément sur des échasses et dont le sourire figé ne laisse transparaître aucune émotion, aucune personnalité affirmée… ? Si elles étaient ce soir-là au nombre de 31, elles se ressemblaient toutes. Toutes ? Non ! Celles que l’on remarque sont soit celles qui ont osé montrer leur faiblesse et qui sont tombées à terre, soit celles qui ont éclaté de tant de beauté et surtout de joie de vivre, qui incarnent une véritable soif de vivre et une envie de faire la révolution.

La révolution ? A l’échelle d’une femme, cela peut passer par la case « capillarité ». Miss Martinique l’a fait. En effet, la grande favorite est allée jusqu’au bout. Si près si loin. La jeune femme a mené son combat et s’est bien défendue. Elle avait l’étoffe, la carrure et surtout les cheveux… Morgane Edwige a déjà fait beaucoup de sacrifices durant sa première vie d’athlète. Son mental d’acier lui a permis de rester à la surface et de ne pas plonger dans les horreurs des remarques racistes dont elle a été victime au cours de cette aventure des Miss France. Mais, Morgane Edwige est devenue un véritable coup de cœur grâce à son courage de s’affirmer avec ses origines « au naturel » … enfin ! Si beaucoup ont cru qu’elle serait couronnée, peu pensait au titre de première dauphine. Sa coupe « afro » sonnait comme une bouffée d’oxygène au milieu des concurrentes toutes adeptes du formatage capillaire à l’européenne soutenu par le Comité des Miss France. Pourtant, on peut dire que cette année, la beauté noire a eu sa revanche (à défaut de faire la révolution!) car sur les cinq finalistes, trois faisaient partie des Dom-Tom ! Certains y voient un signe que la beauté de la femme noire commence à être reconnue. D’autres, comme le chroniqueur Gilles Verdez, y voient la preuve ultime que ce concours des Miss France est le reflet d’une discrimination raciale selon son propre tweet : « Pour être élue Miss France, il est donc préférable d’être blanche que belle ? »

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C’est vrai que pendant un temps, on s’est pris à espérer à Miss Martinique. Mais, Morgane Edwige a été celle que tous les Français voulaient comme Miss France mais aussi celle pour qui les Français n’ont pas voté… Parce qu’il faut voter parait-il ! Comme en démocratie, alors que là c’est pire : il faut payer (quelques centimes) car on ne se déplace pas. Peut-être que cette solution fonctionne mieux qu’un vote à bulletin secret… En tous cas, cette manière pseudo participative et équitable d’ « élire » une jeune femme alors qu’il y a à peine deux heures elle était pour nous une parfaite inconnue apparaît comme une solution stratégique et efficace : c’est la Nordiste Iris Mittenaere la Miss France 2016. Le Comité respire…

Comment pouvons-nous oser décider du destin d’une jolie jeune fille ? Son unique programme : son physique. Tellement ringard aujourd’hui alors que les campagnes de mode avec des mannequins aux dimensions « normales » sont de grands succès et que des initiatives culturelles (comme le calendrier Pirelli 2016 shooté par Annie Leibovitz) mettent en valeur les femmes telles qu’elles sont naturellement.

L’élection Miss France 2016 a encore une fois montré à quel point elle était loin des préoccupations du moment. En effet, impossible de pas faire le rapprochement entre la campagne de Benetton de novembre dernier et le principe des Miss. D’un côté, on salue le slogan « We : Une pour toutes, Toutes pour une » pour lancer la journée internationale pour l’éradication de la violence contre les Femmes centrée sur l’égalité des chances et la non-discrimination. Le spot montrait des jeunes femmes prêtes à s’engager dans différentes voies mais toujours libres d’exploiter au mieux leurs capacités, selon le principe d’égalité des chances. De l’autre côté, on crie haro sur ce concours des Miss qui met en lumière ostensiblement pendant près de trois heures des jeunes femmes dans le seul but de séduire un jury par leurs ronds de jambes et leurs pirouettes.

Pourtant, phénomène inexplicable : les émissions Miss France, Miss Univers, Miss Monde, Miss … font des records d’audiences. Certains vous diront que les Français recherchent un peu de douceur, de beauté et de rêves dans ce monde de brutes et de violences… D’autres s’insurgent que de tels moyens financiers disproportionnés soient mis en œuvre alors que les problèmes sociétaux (chômages, sans-abris…) hantent de plus en plus de foyers… Une équation à deux inconnues encore jamais résolue.

Il est vrai qu’au fur et à mesure des années qui passent, le concours des Miss France a évolué en mettant davantage l’accent sur l’ « intelligence » d’esprit des jeunes filles en leur faisant passer un examen… Par contre, l’idée générale de cette élection fait marche arrière toute par rapport aux avancées de cette année 2015 où des femmes françaises, telles que Léa Seydoux, prônent le statut des femmes à égalité avec celui des hommes. Cette dernière signalait justement alors qu’elle prêtait son image à l’ONG Care France : «  Aujourd’hui encore, être une femme limite l’accès aux droits et aux opportunités. Nous devons nous mobiliser contre ces discriminations (…) L’ensemble de la société à y gagner”. Ne serait-ce pas elle, Léa Seydoux, notre Miss française 2016 ?

Si chacun à son niveau peut devenir acteur de ce changement, Iris Mittenaere figure peut-être parmi les mieux placées de ses concurrentes. En effet, la jeune femme semble très avertie des problèmes d’éducation des jeunes filles et souhaitent mettre son année de Miss France au service de cette cause. Histoire de bousculer une bonne fois pour toutes les préjugés de ce concours trop souvent stigmatisé comme inutile, futile et même désuet. Petite éclaircie qui fait croire que le combat pour l’égalité des femmes et des hommes commence à semer quelques graines ici et là…

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