Difficile de manquer cette petite Anglaise, arborant une coupe à la Louise Brooks avec des cheveux de jais et un make up architectural ! On aurait pu la confondre avec une énième nymphette à la mode, mais cette auteur-interprète qui a déjà signé des titres pour un aréopage d’artistes fameux déboule dans les charts internationaux à la manière d’un boulet de canon !

Tu as commencé très tôt sur les planches ?

J’étais déjà sur scène dès l’âge de 9 ans dans une comédie musicale d’andrew lloyd Webber, intitulée Whistle Down The Wind (pendant deux ans), et j’ai senti que je voulais en faire mon métier, même si j’étais encore jeune. J’ai participé à des pubs télé, des shows et, à 16 ans, je suis entré à la brit school où j’ai étudié de concert le chant, la comédie et la dance pendant deux ans. J’ai ainsi auditionné pour un groupe de filles et j’ai été prise. Puis le label indépendant gut records m’a signée et j’ai commencé à travailler sur un premier album, j’ai fait de nombreuses premières parties d’artistes comme Cindi Lauper ou Chris Brown, mais malheureusement le label a fait faillite avant même que l’album ne soit terminé. À ce moment cela m’a vraiment mis un gros coup au moral, mais je n’ai pas abandonné. Et maintenant je suis enfin l’artiste principal sur scène ! Mon rêve est enfin exaucé ! Être passé par toute cette période et ces expériences m’ont préparée à ce qui m’arrive aujourd’hui.

Cependant tu avais aussi un contrat d’édition avec Sony ?

Oui, c’est d’ailleurs par ce biais que j’ai poursuivi ma carrière, j’ai écrit sans cesse des chansons et j’ai fini par avoir des morceaux chantés par Chris Brown, Justin Timberlake, Christina Aguilera, mais c’est Party In The USA (coécrite avec Dr. Luke, ndlr) par Miley Cyrus qui a mis le feu aux poudres ! Je me souviens encore du jour où l’on m’a appelée en me disant que la chanson était entrée directement à la seconde place du classement billboard américain ! Quel choc ! Lorsque tu es dans un processus d’écriture tu peux avoir l’idée d’une bonne chanson, mais tu sens qu’elle ne te convient pas. c’est à partir de ce constat que je me suis mise aussi à écrire en pensant à d’autres interprètes possibles. après cela, j’ai signé un nouveau contrat d’artiste avec universal republic aux états-unis et j’ai commencé à travailler avec Dr luke sur mon album. comme on avait déjà eu un gros hit avec Party In The USA, j’avais vraiment une grosse pression et je pensais qu’on ne pourrait pas faire mieux. et voilà, on a écrit Price Tag ! C’est presque magique, non ? le bon côté, c’est que, malgré le fait d’être une artiste signée aux états-unis, ils ont accepté que mon album sorte en premier en Angleterre ! C’est comme si j’avais le meilleur des deux mondes en fait ! Et une opportunité comme celle-ci n’arrive pas tous les jours, donc bien sûr je l’ai saisie au vol !

Tu écris vraiment constamment ?

Oui. J’essaie d’écrire le plus possible, c’est comme une thérapie pour moi : j’aime beaucoup cela et en plus je pense déjà à mon album suivant… avec un premier disque tu mets des choses personnelles et lorsque vient le moment du second album ta vie a changé : tu vis entre deux chambres d’hôtel, tu ne vois plus beaucoup tes amis et cela devient plus difficile d’écrire et de trouver l’inspiration… À ce jour, j’ai des centaines de chansons écrites ! certaines des chansons de mon premier album pour gut records ont été utilisées, comme Sexy Silk que l’on a pu entendre dans une pub pour nivea, mais aussi dans un film intitulé Easy A (réalisé par Will Gluck et paru en 2010, ndlr).

Puisque tu es une artiste anglaise signée auxÉtats-Unis,as-tu réfléchi à des éléments de production qui pourraient convenir à ces deux territoires ?

Pour être honnête, j’ai toujours eu en tête que ma musique devait s’adresser à tout le monde. Elle peut attirer bien sûr la controverse, mais sans être agressive. l’exemple de ma chanson Price Tag parle de lui-même : le titre a grimpé simultanément dans huit pays où je n’ai jamais mis les pieds jusqu’à aujourd’hui ! une des choses les plus remarquables à propos de la musique, c’est qu’elle est universelle. ma voix a toujours été perçue comme plus américaine, un peu dans la veine d’Aretha Franklyn, mais mes paroles sont délibérément plus anglaises dans le ton, et plus « crues » aussi peut-être… Je fais partie des deux mondes comme on dit. Comparativement à l’album Who You Are qui est ultra produit et très dense, on vous voit beaucoup en acoustique sur YouTube ou divers shows TV… J’aime revenir aux prémices d’une chanson et cela se résume souvent à la voix et un seul instrument : si une chanson est bonne, alors elle fonctionne tout aussi bien en version acoustique. J’aimerais d’ailleurs beaucoup faire un album complet comme cela. J’ai la chance d’avoir une voix assez puissante.

Qu’est-ce qui arrive en premier lorsque tu composes : la mélodie ou les paroles ?

En fait je préfère composer et écrire les deux en même temps. Pour moi, l’un ne va pas sans l’autre.

Les chansons de ton album sont récentes ?

Cela dépend vraiment : certaines comme Mama Knows Best ou Stand Up ont 5-6 ans, et d’autres par contre ont moins de 1 an. Quand j’écoute ces titres, peu importe quand ils ont été écrits, mais ils fonctionnent pourtant bien ensemble. Et cela me fait plaisir de voir que mon écriture perdure dans le temps et que j’évolue sans pour autant changer.

Concernant les textes, quels sont tes thèmes de prédilection ?

J’observe beaucoup et j’écoute beaucoup mes amis et ceux qui m’entourent. Depuis mes débuts j’ai vu des choses chouettes, mais aussi de beaucoup moins belles, et mes chansons sont faites de ça : c’est la vraie vie, ou en tout cas celle que j’ai vue et vécue. mes chansons sont honnêtes : parfois tu tombes amoureux de la mauvaise personne, parfois tu dois supporter des choses pas cool de la part de certaines personnes et tu dois faire avec, parfois tu quittes quelqu’un parce que tu ne l’aimes plus… tout cela, c’est tout ce à quoi un artiste doit réagir, son moteur c’est la vie ! et le bon côté des choses aussi, c’est que peu importe que tu sois connu ou riche. la rencontre avec une chanson est un moment qui fait fi de ce genre de contingences matérielles.

Un autre aspect de toi qui semble ressortir lorsque l’on te rencontre c’est cette habilité à rire de toi-même !

Oui, carrément, mais il faut savoir rire de soi-même sinon tout cela devient vite très lourd. Avant tout, je suis une chanteuse, j’écris des chansons, je suis une jeune fille et je veux m’amuser. La vie est si ennuyeuse quand on prend tout cela de manière trop sérieuse. Je veux pouvoir faire des choses stupides, c’est ma bouffée d’oxygène. Quand j’ai débarqué avec la vidéo Doing Like a Dude, c’était tellement loin de mon style habituel, ce côté sérieux comme ça et sexuellement agressif. Mais ensuite il y a eu Price Tag, où là je me reconnais vraiment et c’est complètement moi. Je ne fais pas n’importe quoi. Je fais ce que je fais pour des raisons précises, pour mettre en avant une idée ou prouver quelque chose. la semaine prochaine je pars en Bulgarie, pays où je ne pensais jamais mettre les pieds un jour, pour tourner la vidéo de mon prochain single Nobody’s Perfect. et cette fois encore ce sera dans la même veine que Price Tag, mais attendez de le voir…

Collabores-tu encore aujourd’hui avec d’autres artistes ?

Je co-signe toujours des chansons, mais en ce moment il est plutôt question de moi. et pour être honnête, j’ai attendu ce moment très longtemps. J’avais écrit une chanson pour l’album de Britney Spears, mais elle n’a pas été retenue. cela ne fonctionne pas à tous les coups !

Lorsque tu étais plus jeune, tu rêvais de devenir chanteuse. Imaginais-tu toute cette pression, cette course, cette vie planifiée ?

Je pense qu’on ne peut pas imaginer cela sans l’avoir expérimenté dans son corps. mais je ne regrette rien, j’aimerais seulement pouvoir ne plus être Jessie J quelques minutes pour souffler, comme éteindre la machine. Pouvoir descendre juste faire mes courses, boire un verre avec mes amis… ce serait bien de pouvoir être invisible parfois. toutes ces choses si simples sont devenues tellement compliquées pour moi. Quand je rentre en Angleterre pour l’anniversaire d’un proche, je deviens le centre d’intérêt alors qu’il ne s’agit pas de moi et je me sens coupable. et pourtant j’aime ce que je fais, j’en ai toujours rêvé. il s’agit plus pour moi d’avoir un statut d’artiste et une crédibilité artistique que d’être plus ou moins connue.

Dans les images que l’on voit de toi, tu sembles avoir deux facettes : l’une ultra-travaillée et l’autre beaucoup plus nature. Ces deux aspects font partie de toi ?

J’adore la mode, mais ce n’est pas quelque chose que je poursuis 24 heures/24. J’aime les vêtements, le maquillage, la coiffure… Parfois j’ai envie de porter juste un jean et un t-shirt, et parfois je veux du Louis Vuitton, des Jimmy Choo… J’ai totalement craqué sur cette veste Gucci que je porte dans la série photo. Mais pour la mode, j’apprends tous les jours, je prends de l’assurance, je me permets des pièces que je n’aurais jamais osé porter auparavant. la mode c’est quelque chose de personnel et c’est aussi une question d’assurance, la manière de porter tel ou tel vêtement peut tout changer.

Tu as 22 ans et tu sembles complètement impliquée dans la culture web ?

Effectivement, aujourd’hui on a toutes sortes de moyens de communiquer et internet est génial, car on peut passer de l’information directement à son public. c’est ce que je fais avec mon blog que j’alimente personnellement, mes petits documentaires que j’ai appelés Dare Jessie J, mais aussi Facebook, twitter, etc. c’est comme ça qu’on peut me voir dans la rue chanter une chanson de noël pour les fêtes de fin d’année, ou lors de mes voyages aux états-unis ou d’autres pays. en plus, c’est vraiment fun de se laisser aller devant la caméra, je peux jouer les fofolles à loisir !

Jessie J, Who You Are (Universal Republic/AZ)

Propos recueillis par Joss DanJean
Photos : Taki Bibelas
Réalisation : Melanie Brault