Après le carton plein de A Mouthful il y a trois ans,The Dø revient avec Both Ways Open Jaws. Plus sombre, ce deuxième opus surprend par des arrangements pointus et des chansons accrocheuses qui font mouche à tous les coups. Plus profond, le duo gagne en mysticisme et démontre que son talent de composition et d’interprétation n’est plus à prouver. Nous avons passé la journée avec Olive et Dan, entre session mode des plus décontractées et discussion autour de la musique. Et l’on a découvert un couple sincère, honnête et résolument animé par sa passion commune pour la musique. 

Est-ce que cela a été facile pour vous de composer ce deuxième album après le succès du premier ?

Olive : ce n’est jamais facile de faire un album. pour celui-ci, on était conscients d’avoir un public, mais il faut faire abstraction de ça pour se libérer.
si l’on pense aux attentes des gens, ça perturbe la création. on s’est enfermés au début. on est allés enregistrer le début du disque dans une maison dans le sud, ça nous a isolés.

Le disque a un côté mystique, limite sombre, beaucoup plus que le premier album…
Dan : c’était voulu dès le départ. quand on a commencé le disque, on voulait qu’il soit cohérent et l’on voulait aller à l’opposé de ce que l’on avait fait avec
A Mouthful. on voulait que la pochette du disque soit la version nocturne et mystérieuse de la première qui avait un côté très lumineux, à l’image du disque. il y a une opposition entre solaire et lunaire. ce nouvel album, c’est un peu « the dark side of the dø ». (Rires.)

Vous avez une culture classique et contemporaine. Quels sont les artistes actuels que vous admirez ?
D : Je viens de la musique classique et du jazz. Je n’écoutais pas vraiment de pop et de chanson, mais je m’y suis mis. on a découvert beaucoup de groupes en tournée, mais on a toujours du mal à écouter d’autres choses lorsque l’on enregistre. il y en a eu très peu : micachu, the dead weather… et die antwoord. (Rires.) Ça ne nous a pas influencés musicalement, mais le côté brut de the dead weather m’a marqué par exemple. ce que j’aime bien avec Jack white, c’est qu’il essaie des choses, il y a aussi beaucoup d’improvisation dans sa musique. on ne fait pas du tout la même musique, mais on aime le fait qu’ils enregistrent tout en live et qu’ils bouclent un album en seulement deux semaines. ce qui nous paraît impossible pour nous.

Comment s’est passée la tournée précédente où vous avez joué toutautour du monde ?
D : on s’habitue aux aéroports. on est aussi avec une équipe, on crée des liens. Le plus déroutant, c’est que tu ne visites pas les villes. c’est toujours la même journée, mais à un endroit différent du monde. quand on est en studio, on n’a qu’une envie, c’est d’être en tournée. et inversement.
O : on l’a vécue au jour le jour. on était dans un tourbillon et ça nous a amenés jusqu’en australie. mais j’ai hâte d’y retourner !

Le retour au studio après cette tournée avait été comme un refuge…
O : on ne s’est vraiment pas arrêtés. on a arrêté la tournée, et l’on est retournés directement en studio, c’était nécessaire. partir et s’isoler, c’était aussi une manière de prendre des vacances. (Rires.)

Comment vous placez-vous sur la scène française en tant que groupe ?
O : on est assez proches de moriarty, ce sont de bons amis. mais musicalement, on se sent assez à part.
D : J’aime beaucoup camille. on se sent proches de sa démarche, car elle expérimente beaucoup et elle est aussi très indépendante. mais on se sent à l’écart, on n’a pas de famille musicale, on ne nous invite jamais à des soirées où les groupes se retrouvent et jouent ensemble. (Rires.)

Vous n’avez pas peur que les gens vous résument à un seul single ?
O : Les gens qui connaissent vraiment the dø savent qu’on est assez imprévisibles, car on aime brouiller les pistes.
D : Le revers de la médaille quand tu as fait un tube comme On My Shoulders, c’est que les gens ne vont pas chercher plus loin qu’une chanson en croyant qu’on ne fait que ça. de toute façon, on va sûrement perdre un public pour en gagner un autre. mais on n’a jamais voulu faire un tube, ce n’était pas la démarche aux débuts de the dø. quand on a commencé, les gens nous considéraient comme un groupe de l’underground et dès qu’on a sorti On My Shoulders, on est devenu un groupe pop.
O : moi, j’aime le format pop ! L’idée de pouvoir parler à tout le monde. mais on aime aussi se mettre en danger. dès qu’on est dans le confort, on s’en écarte.
D : c’est là où l’on se complète bien, c’est qu’elle a cette culture pop et folk et moi une culture de musique contemporaine, de jazz, d’improvisation. 
O: musicalement, on a toujours des envies communes. on a le projet de faire un autre groupe avec uniquement des sons synthétiques !

Parlons mode. Qu’elle est selon vous la pop star la plus lookée ?
O : Jimi hendrix et Kurt Cobain.
D : ce qui m’énerve, c’est tous ces groupes anglais qui se ressemblent. C’est insupportable. C’est un casting de mode plus qu’un casting de musiciens. Il faudrait un peu plus de folie ! J’aime bien la chanteuse de The Noisettes et Janelle Monae qui apportent quelque chose
de différent. Je trouve que la black music a toujours amené quelque chose d’assez frais dans la culture pop. on n’aime pas le côté conformiste des groupes. J’aime bien par exemple the Knife qui apporte visuellement une autre dimension à la musique. il faut faire attention à ce que
ce ne soit pas la mode qui définisse le genre musical.

Chronique

Dès les premières notes de clavier de Dust It Off, le ton est donné. The Dø n’est pas un groupe qui cherche le tube, mais bel et bien un groupe qui aime l’expérimentation et le travail sur les ambiances. Loin du folk pop de On My Shoulders, The Dø se sert de son expérience dans la musique de film pour créer des bijoux pop. Et tout passe à la moulinette : la pop extatique qui rappelle parfois Air (The Wicked And The Wind aux sublimes orchestrations de cordes) comme la musique tribale de Bat For Lashes (le très dansant Slippery Slope), le cabaret bancal de Tom Waits (The Calendar et son piano déglingué). The Dø réussit à créer une identité propre à chaque titre, sans jamais tomber dans le pastiche. Both Ways Open Jaws est un grand disque de pop à la fois érudite et décomplexée qui permet à la paire gagnante Dan/Olive de passer définitivement en première division de la sainte pop internationale. Chapeau.

The Dø, Both Ways Open Jaws (Cinq7/Wagram)

www.myspace.com/thedoband
www.thedo.info 

Propos recueillis par Guillaume Cohonner