On ne pouvait décemment pas faire un numéro BCBG sans discuter avec Pharrell Williams, pape de l’attitude preppy- racaillesque. Nous l’avons donc rencontré à l’occasion d’un passage parisien, à l’heure où Nerd s’apprête à finaliser son nouvel album… Exclus ci-dessous !


En attendant l’arrivée de Pharrell, on échange quelques mots avec son acolyte, le discret Shay Haley au calme impassible : « Tu sais pourquoi je suis si calme ? Parce que Pharrell est un hyperactif, du coup je suis obligé de contrebalancer ! » Quand on lui demande si ce nouvel album est un concept, il répond du tac au tac : « Tous nos albums sont des concepts. Il est temps de changer la pop, c’est ce qu’on essaie de faire à chaque nouvelle sortie de disque. Et puis, on aime bien se donner des défis tout en inspirant ceux qui nous écoutent. Si ce disque était la bande originale d’un film ? Ce serait sûrement Yellow Submarine, sans vouloir concurrencer les Beatles. »
Puis Pharrell arrive, plutôt détendax, dans le salon du Plaza Athenée. On le scanne, la fashionista des charts. Bermuda en toile de jean, veste assortie, espadrilles, grosse chaîne bling-bling. Sublime, comme à son habitude. Chic malgré lui. Pourtant, il voudrait se la jouer relax, un peu débraillé, tendance « je reviens d’un enregistrement à Miami, je suis un hipster sympa », mais ça ne passe pas : le style Pharrell sent beaucoup trop le pressing et pas assez la laverie automatique. D’ailleurs, les sixties, le mouvement hippie, c’est ce qui l’a inspiré, pour ce nouvel effort. « En France, vous dites baba cool non ? C’est exactement le terme qui qualifie ce disque. On a mélangé plein de textures, de genres différents tout en essayant de garder un style baba cool. Je voulais retrouver l’énergie et la liberté des sixties. Le monde a besoin de fraîcheur. » Et d’embrayer sur l’infernal Jim Morrison. « Il était fascinant à regarder. OK il était défoncé, mais magnétique sur scène. Il chantait complètement les vibrations. Les gens voulaient se connecter avec lui, il y avait un véritable échange. »

Pharrell a à peu près travaillé avec tout le gratin de la pop internationale, faisant même, au passage, pleurer Madonna. On lui demande donc s’il y aura des featurings de renom sur ce disque, mais le Billionaire Boy reste évasif : « On a fait des essais avec une nouvelle chanteuse qui s’appelle Rhea. C’est Q-Tip qui me l’a présentée. C’est une très bonne chanteuse, mais on ne pense pas la garder sur le disque. Elle interprète de manière très sexuelle, ce qui est très bien dans l’absolu mais ne cadre pas avec le propos du disque. C’est un album fait pour danser, mais on y parle beaucoup de la répression qu’ont subi les femmes, et des luttes qui s’en sont suivies. On voulait donc que ce soit plus les esprits que les corps qui chantent. Le précédent album parlait beaucoup de fête, d’excès en tout genre. Il était très cynique, dans un sens. On voulait faire autre chose avec celui-ci. »

On attend donc avec impatience ce nouveau Nerd. Le disque était prévu pour le 6 septembre. Mais le groupe a finalement décidé de retourner en studio pour le retravailler complètement, repoussant sa sortie à janvier 2011. Le processus créatif, déjà avant cette décision, n’avait pas été simple. Pharrell s’en explique : « Ça a été plutôt simple de trouver un concept et de bâtir la structure du disque, mais on a passé environ six mois à peaufiner les sonorités, les chansons, le mix. » Affaire à suivre, donc.

Pharrell a su créer comme personne un crossover entre la culture alternative et la culture mainstream, apportant au passage beaucoup à la culture pop, hip- hop et surtout R&B. Les années passant, ce self-made boude de plus en plus ses premières amours. Alors, fini, selon lui, l’âge d’or du hip-hop ? « Non, je pense que le hip-hop est sur la bonne voie ! Il y a encore plein de passerelles à bâtir.
Il a déjà beaucoup évolué depuis les premiers métissages entre Aerosmith et Run-DMC (le titre « Walk This Way », ndlr). Tout est possible, des featurings ou des samples de country, de pop… Il a déjà fait beaucoup de chemin depuis les premières block parties. »

En dehors de la musique, Pharrell a toujours eu des activités parallèles, notamment dans la mode, avec ses marques Billionaire Boys Club et Ice Cream : « Il va y avoir une nouvelle collection, comme à chaque saison, mais je ne peux pas en dire plus. » Plus récemment, il a fricoté avec l’art contemporain via l’artiste Yi Zhou en participant à sa vidéo The Ear. Pharrell s’improvise même designer avec ses pièces « Perspective » et « The Tank Chair » et a trouvé récemment le temps de faire un featuring avec Uffie pour son pote Pedro Winter. Ça lui arrive de dormir parfois ? « Très peu. On a travaillé dur pour en arriver là depuis qu’on est ado, on s’est battu pour bâtir tout ce qu’on a, on ne va pas se plaindre de ne pas assez dormir non plus. » En effet. 

 

Par Guillaume Cohonner
Photo : Marcus Mam