Actrice indie pour jeunes réalisateurs secrètement amoureux d’elle, muse pour la géniale créatrice Erin Fetherston, joli brin de fille qui fait rêver les garçons et ravit les filles, Zooey Deschanel est aussi auteur/compositeur/interprète et tient à ce qu’on le sache. Regardez-moi dans les cordes vocales. J’ai dit les cordes vocales !

 Zooey Deschanel, c’est la fille avec qui on aimerait bien être copine. Parce qu’elle est belle mais que sa beauté n’a rien d’agressif. Parce que sa filmographie a clairement comme effet de mettre du baume sur les cœurs meurtris des adulescents romantiques que nous sommes. Parce qu’à l’instar de ses consœurs Natalie Portman ou Kirsten Dunst, elle respire l’intelligence.

Zooey fait également des disques, c’est pour ça qu’on l’interviewe aujourd’hui. Elle refusera par conséquent de répondre à toute question qui ne concernerait pas son second album, interprété et produit avec le folkeux M. Ward sous le nom She & Him. Pourtant, lorsqu’on lui demande si elle souffre de l’image d’actrice-qui-chante, elle répond : « j’essaie de ne pas penser à la réception de ce que je produis, artistiquement parlant. J’ai la conviction profonde que l’art doit exister dans son absolue liberté et qu’il n’est pas là pour contenter ou rassurer les gens.» C’est grâce au cinéma qu’elle a rencontré M. Ward. « Il écrivait la musique d’un film dans lequel je jouais; le réalisateur m’a demandé de chanter le générique de fin. Durant cet enregistrement, j’ai confié à Matt que j’écrivais des chansons. Il a voulu les entendre, puis les produire. » De là est né un premier album sobrement intitulé Volume One et passé relativement – et inexplicablement – inaperçu, malgré sa fraîcheur. Ces jours-ci sort son petit frère, Volume Two.

Zooey fait donc dans le sériel, dans le quasi abstrait. Des noms qui n’en sont pas vraiment, qui frappent par la manière dont toute personnalité s’en absente. On le prendrait presque comme

Une supplique, un «oubliez-moi!» en forme de blanc. De même pour le nom du groupe, She & Him. « On voulait un nom qui soit aussi anonyme que possible. She & Him répondait à cette exigence d’utilitarisme qu’on s’était fixé. » Il est difficile de ne pas déduire de cette posture qu’elle révèle un certain inconfort quant à sa double casquette et à sa notoriété en tant qu’actrice. Cependant, on la comprend. Le malentendu persiste. Pour elle, les questions fanfreluches et pour son producteur, les questions sérieuses – entendez par là pompeuses : celles sur l’art, la musique, la création. Quand on est actrice, quoi qu’il arrive, on reste perçue ad vitam comme une interprète, quelqu’un d’habilité à endosser un rôle – celui de chanteuse ne serait alors qu’un de plus – mais en aucun cas comme un créateur véritable. Aussi, on a tendance à imaginer M. Ward en réalisateur et Zooey en joli pantin entre ses mains. Pas rancunière, elle reste cependant élogieuse sur son partenaire : « Nous avons fait ce disque main dans la main. On a voulu s’éclater. On a commencé avec ces quelques chansons que j’avais écrites et qui s’étaient épanouies dans le confort tranquille et anonyme de ma salle de bain. Mais Matt est très créatif, il les a fait vivre sans pour autant les dénaturer. C’est un type incroyablement instinctif. En studio, on ne s’est engueulé qu’une fois : j’ai compris, quelques heures après la prise de bec, que c’était lui qui avait raison. »

C’est la bonne vieille histoire d’Ingres et de son violon : ne serait-il pas malhonnête de dire qu’être comédienne n’influence en rien Zooey dans son rapport à la musique ? « Les deux disciplines s’enrichissent mutuellement. Jouer, chanter, c’est dans tous les cas raconter des histoires. Seul le support varie. Ça m’a aidée d’apprendre à créer un monde en trois minutes pour jouer, ça m’a aidée d’étirer un personnage sur une heure trente de pellicule et d’y penser pendant des mois pour chanter.» Au final, ça donne quoi ? Des chansons sucrées qui rendent hommage aux sixties pour un disque en forme de pomme d’amour. Tout à fait honnête, même si pas inoubliable. Trop sage, sans doute, mais définitivement charmant. Comme si Zooey, malgré elle, se laissait piéger dans l’image de « perfect girl next door » que sa filmo colle à sa peau.

She & Him, Volume Two (Domino / Pias) www.myspace.com/sheandhim 

Par Mathilde Janin